Narcisse et Goldmund – Hermann Hesse (1930)

Et si nous choisissions l’expérience vagabonde ?

Avec ce roman d’apprentissage, nous découvrons Narcisse et Goldmund, deux êtres opposés reliés par une intense amitié.

Jeune homme inexpérimenté, Goldmund est confié à des religieux par son père. Bien vite, sa nature ne semble pas le guider vers cette existence pieuse à laquelle son père l’avait destiné. Durant son séjour au sein du cloître, il fait une rencontre décisive et se lie à son professeur, Narcisse.

Au fil des années, les caractères des deux hommes se dessinent avec plus de précisions. Narcisse, penseur, choisit une vie pieuse et ascétique tandis que Goldmund, l’artiste, est appelé par les désirs de la chair et par l’expérience vagabonde. Sur les routes Goldmund découvre une vie errante peuplée de femmes et d’aventures qui le mène jusqu’à sa vocation de sculpteur, tandis que Narcisse se mure dans le silence du cloître. Malgré leurs choix opposés, l’amitié profonde qui les lie reste inébranlable.

Avec ce roman intense, Hermann Hesse construit deux personnages forts et contrastés, l’un recherchant le beau, l’autre la spiritualité. Narcisse et Goldmund vont mener une véritable quête identitaire entre leur nature et leur force spirituelle et artistique. Par le roman, Hermann Hesse ouvre d’autres portes sur le monde celles de profondes réflexions philosophiques.

Déjà ensorcelée par le Loup des steppes, Narcisse et Goldmund confirme mon enthousiasme pour la somptueuse plume de Hermann Hesse.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« La seule chose qui restait réelle et active, c’était la vie au fond de lui-même : le martèlement anxieux de son coeur, l’aiguillon douloureux du désir, les joies et les angoisses de ses rêves »

« Il se disait que lui-même, comme tous les hommes, s’écoulait, se transformait sans cesse pour se dissoudre enfin, tandis que son image créée par l’artiste resterait immuablement la même et pour toujours ».

« La vie était belle, beau et fugitif le bonheur, belle et si vite fanée la jeunesse ».

« C’était ainsi, les impressions tristes passaient comme les autres, la douleur, le désespoir passaient comme la joie, ils s’atténuaient, pâlissaient, perdaient leur profondeur et leur prix, et à la fin, un jour venait où on ne pouvait plus retrouver ce que c’était qui vous avait fait, jadis, tant de peine »

Les derniers jours de Stefan Zweig – Guillaume Sorel Laurent Seksik (2012)

Et si nous retracions en image les derniers jours de la vie de Stefan Zweig ?

Arrivé au Brésil avec sa deuxième épouse Lotte, Stefan Zweig ne parvient pas à accepter le poids de la guerre mondiale et son exil.

Avec sa compagne, ils vont découvrir un pays somptueux aux multiples couleurs. Pourtant, ce paysage synonyme de paix et de quiétude n’écarte pas de l’esprit de Stefan Zweig son pays natal, l’Autriche.

Il essaye de se réfugier dans l’écriture mais son chagrin semble s’accroître au fil du temps. Les échos de la seconde guerre mondiale parviennent jusqu’au Brésil. Son sentiment d’impuissance face à l’anéantissement de l’ordre mondial est de plus en plus fort.

Sans arrêt, il pense à ses amis restés derrière lui et à l’avenir noir qui se profile à l’horizon. Sa désillusion sur l’avenir du monde n’a plus de limite. Il entraine dans son désespoir Lotte qui le suivra aveuglement jusqu’aux derniers jours.

Au-delà du poids de la guerre et du parcours d’exilé de l’écrivain, nous découvrons avec ces aquarelles sublimes, l’intensité de l’amour qui unissait Stefan Zweig et son épouse.

J’ai été profondément émue par ce très joli roman graphique mettant en lumière un amour tragique.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Une éducation libertine – Jean-Baptiste Del Amo (2008)

Et si nous évoquions la chronique d’une décadence ?

Une éducation libertine nous parle de l’ascension sociale d’un homme dans un Paris d’une terrible noirceur.

En 1760, Gaspard arrive à Paris prêt à conquérir la ville. Venu de Quimper, il a quitté l’exploitation d’élevage porcin familiale avec pour seule ambition de se faire un nom au sein de la capitale.

Pourtant, dès son arrivée, il côtoie plutôt les bas-fonds parisiens et la misère. Près de la Seine, il trouve un premier travail harassant et survit dans un dénuement total. Le Fleuve l’a englouti. Lorsqu’il trouve un poste auprès d’un perruquier, la chance semble enfin lui sourire. Il fait alors la rencontre d’Etienne de V., un homme magnétique et insaisissable, qui va profondément bouleverser sa destinée.

Des profondeurs du fleuve au luxe des salons, cette élévation passera par la pire noirceur. En effet, l’accès à la noblesse a un prix que Gaspard n’avait jamais soupçonné…

Cette immersion dans un Paris peuplé de personnages fascinants est portée par une plume contemporaine. Ce roman retrace la quête d’une ascension sociale où Gaspard n’est pas sans nous rappeler l’emblématique Bel-Ami.

Avec une écriture crue et magnétique, à l’image de Zola, Jean-Baptiste Del Amo nous ensorcèle. Il parvient à faire éclater les tréfonds de l’âme humaine dans le Paris de l’Ancien Régime.

Coup de ❤

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Il fondait sur les hommes l’espoir d’être un jour parvenu, car c’était à ce jeu-là que s’échinait la race : monter, gravir, écraser, abattre, déposséder, s’emparer, régner ».

« Paris, nombril crasseux et puant de la France. Le soleil, suspendu au ciel comme un œil de cyclope, jetait sur la ville une chaleur incorruptible, une sècheresse suffocante. Cette fièvre fondait sur Paris, cire épaisse, brûlante, transformait les taudis des soupentes en enfers, coulait dans l’étroitesse des ruelles, saturait de son suc chaque veine et chaque artère, asséchait les fontaines, stagnait dans l’air tremblotant des cours nauséabondes, la désertion des places »

La Sirène, le Marchand et la Courtisane – Imogen Hermes Gowar (2021)

Et si nous naviguions dans un monde fantastique ?

Au XVIIIème siècle, en plein de coeur de Londres, Monsieur Hancock vit dans un modeste logis. Après avoir perdu sa femme et son fils, il cohabite avec sa nièce et attend le retour de l’un de ses bateaux. A son arrivée, le capitaine lui révèle qu’il a vendu son navire contre une créature hors du commun et énigmatique : une sirène.

Sceptique, Monsieur Hancock ne sait quoi faire de l’étrange créature. À sa plus grande surprise, la sirène fascine le public et lui permet d’accéder à un monde luxueux et inaccessible où navigue de somptueuses courtisanes.

Monsieur Hancock fait alors la connaissance d’Angelica Neal. Profondément belle et désirable, elle évolue dans un milieu Londonien mondain et grivois. Le marchand timide et laborieux fait face à une courtisane exubérante et indépendante. Au fil du temps, une relation complexe se noue entre ces deux êtres que tout semble opposer.

Avec ce premier roman, Imogen Hermes Gowar dévoile une société londonienne licencieuse. Un instant de lecture rafraichissant qui nous ouvre les portes d’un autre monde où se mêle le réalisme de l’époque géorgienne avec un soupçon de fantastique.

Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour l’envoi de ce livre.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citation :

« Ces relations ne feront que se multiplier – elle sera belle-mère, grand-mère, veuve, invalide – et sa propre personne ne fera en conséquence que se diviser et se diviser encore, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien ».

Les choses humaines – Karine Tuil (2019)

Et si nous nous immergions dans les méandres du pouvoir ?

Avec ce roman puissant et addictif, Karine Tuil nous plonge au coeur du pouvoir.

Jean et Claire sont unis par leur réussite professionnelle et sociale. Jean est un journaliste politique qu’on ne présente plus. Adulé par le public, il est au coeur des affaires politiques et joue avec son pouvoir médiatique. Claire, sa femme, est une essayiste aux convictions féministes marquées.

De cette union est née Alexandre, un jeune homme porté par ce modèle parental. Sa carrière semble déjà tracée. Il étudie dans une prestigieuse université américaine et se destine à un parcours professionnel élitiste.

Derrière ce masque médiatique idyllique se cache pourtant des failles abyssales. Le mariage de Jean et Claire implose et une plainte pour viol vient faire voler en éclats tout l’univers de cette famille privilégiée….

Ce roman porté par une écriture nette et incisive révèle une chute vertigineuse. Avec une grande modernité, ce livre interroge sur les affres du pouvoir et des médias et dévoile un système judiciaire implacable.

J’ai aimé la richesse des thématiques abordées et la force des personnages. L’écriture de Karine Tuil est fluide et captivante. Un très joli moment de lecture !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citation :

« C’était ça, le véritable amour : être présent à l’heure du déclin quand on avait tout connu et tout aimé d’un être » 

Les jeunes filles – Henry de Montherlant (1936)

Et si nous parlions d’un odieux personnage ?

Avec « Les jeunes filles », Henry de Montherlant débute un cycle composé de quatre ouvrages retraçant avec cynisme le parcours amoureux de Pierre Costals.

Ecrivain célèbre et jeune bourgeois parisien, Pierre Costals reçoit des correspondances de plusieurs admiratrices vouant une véritable adoration pour sa personne. Pourtant, ce cruel personnage construit avec ces jeunes femmes des relations malsaines.

Thérèse Pantevin, une jeune fille pieuse, verra sa foi entravée par sa terrible passion pour l’écrivain. Pour sa part, Andrée Hacquebaut est cultivée mais n’a aucune clairvoyance dès qu’il s’agit de Pierre Costals. Dans l’espoir de le voir, elle se rend fréquemment à Paris et n’aura de cesse d’être déçue par ces fugaces rencontres.

Ces deux admiratrices sont complètement dépendantes de l’auteur à succès et lui adressent des tirades amoureuses. Il leur répond par un profond silence ou par les pires infamies. D’une terrible cruauté il sait manier le verbe pour les mettre sous sa coupe mais aussi pour les maintenir à distance.

Terriblement misogyne, Pierre Costals a tout pour déplaire. D’une drôlerie remarquable ce court roman épistolaire, nous interroge sur les relations dépendantes et les rapports amoureux. Un écrit cynique qui désarçonne !

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Je réponds à votre honorée du II et avec les quinze jours de retard réglementaires. Huit jours pendant lesquels je n’ai pas ouvert votre enveloppe : c’est une petite quarantaine que je fais subir à toutes les lettres de femmes, après quoi elles ont une chance de n’être plus contagieuses »

« Être aimé plus qu’on aime est une des croix de la vie. Parce que cela vous contraint soit à feindre un sentiment de retour qu’on n’éprouve pas, soit à faire souffrir par sa froideur et ses rebuts »

L’art de la joie – Goliarda Sapienza (1994)

Et si nous parlions d’un des grands classiques de la littérature italienne ?

A l’assaut d’un incontournable de la littérature italienne, j’ai découvert « L’art de la joie » et le personnage emblématique de Modesta.

Née en Sicile en 1900, Modesta a grandi dans un dénuement total. Elle survit malgré les drames qui ont marqué sa jeunesse. Recueillie par des religieuses dans un couvent, elle découvre une vie ascétique et pieuse. A la mort de mère Leonora, sa protectrice, Modesta est introduit auprès de la famille de la défunte et connait pour la première fois une existence aisée dans une noble demeure. Elle s’établit peu à peu dans cette nouvelle vie et devient un pilier de la famille qu’elle va, au fil des années, construire.

Malgré les drames qui jalonnent son parcours et le poids implacable de l’histoire en marche et de la montée du fascisme, Modesta ne cesse de vivre avec de plus en plus d’intensité.

Toute sa vie sera marquée par ses élans de liberté. Ainsi malgré les épreuves qui traversent son existence, sa force semble inépuisable. D’une grande modernité pour son époque, Modesta vit pleinement son épanouissement sexuel et intellectuel. Son art de vivre ne semble pas trouver de limite.

Un roman qui dresse le portrait d’une femme transcendée par son désir, sa liberté et sa soif de vivre. Si j’ai eu parfois quelques difficultés à me plonger totalement dans cette oeuvre, j’ai aimé la puissance évocatrice de cette héroïne.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Dans l’anxiété de vivre j’ai laissé filer trop vite mon esprit »

« Comment pouvais-je le savoir si la vie ne me le disait pas ? Comment pouvais-je savoir que le bonheur le plus grand était caché dans les années apparemment les plus sombres de mon existence ? S’abandonner à la vie sans peur, toujours… Et maintenant encore, entre sifflements de trains et portes claquées, la vie m’appelle et je dois y aller »

Simone Veil : L’Immortelle – Bresson – Duphot (2018)

Et si nous abordions la vie de Simone Veil en couleur ?

Ce roman graphique aborde la vie de Simone Veil sous une nouvelle forme.

Construit autour des moments clés de son existence, nous découvrons tout d’abord la jeune fille résidant à Nice avec sa famille sous la montée du nazisme. Puis, avec beaucoup d’émotions, nous la suivons dans sa lutte acharnée dans l’horreur des camps de Drancy et d’Auschwitz.

Bien des années plus tard, Simone Veil est devenue une femme accomplie. Ministre de la santé, elle commence son combat pour l’adoption en novembre 1974 de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Ce roman nous rappelle, avec beaucoup de justesse, l’adoption périlleuse et polémique de la loi sur l’IVG mais nous offre également une nouvelle approche de la vie de Simone Veil.

Avec pudeur et émotion, j’ai aimé cette incursion inédite dans sa vie. Ce roman graphique traite à la fois d’un basculement historique et politique et du portrait intime d’une femme éblouissante.

Je ne peux que vous conseiller ce très bel hommage à une femme combattante devenue immortelle.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Que la prudence est une triste chose… – Stendhal (2020)

Et si nous partagions la vision du monde de Stendhal ?

A nouveau les éditions L’Orma nous proposent une nouvelle incursion dans la sphère privée de nos écrivains favoris.

Avec ce recueil, nous découvrons les correspondances de Stendhal. Les courriers adressés à sa soeur, ses amis ou son amante sont un prétexte à discourir sur sa vision du monde et de la littérature.

Dans ses lettres notamment à sa soeur, Stendhal promeut l’indépendance d’esprit. Il lui conseille de penser par elle-même et de ne pas suivre aveuglement l’opinion des autres. Puis, il se lance dans un portrait de Lord Byron. Cette description du célèbre poète anglais est particulièrement subtile. Il partage également avec ses proches son amour de l’Italie et dispense de véritables conseils pour apprécier pleinement la découverte de ce pays.

Ses mots témoignent de son enthousiasme et de sa vision si personnelle de la beauté du monde. J’ai beaucoup apprécié cette approche originale de la pensée de cet écrivain incontournable.

Plus globalement, je ne peux que vous conseiller la collection Les Plis qui offre un nouveau regard sur la sphère intime des écrivains et penseurs célèbres.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Une passion est la longue persévérance d’un désir : ce désir est excité par l’idée du bonheur dont on jouirait si l’on possédait la chose désirée (qui est en même temps l’idée du malheur de l’état actuel où l’on n’en jouit pas), et par l’espérance d’attendre ce but ; car, comme Corneille l’a fort bien dit de l’amour :

« Si l’amour vit d’espoir, il s’éteint avec lui »

À la ligne (Feuillets d’usine) – Joseph Ponthus (2019)

Et si nous travaillions à l’usine ?

Avec ce livre coup de poing, Joseph Ponthus nous propose une immersion brutale et crue dans le monde ouvrier.

Jeune intérimaire, Joseph enchaine les missions dans une usine de poissons puis dans un abattoir breton. Il vit au rythme des horaires décalés, des nuits de travail harassantes, de l’omniprésente des machines, de la répétition mécanique des mêmes gestes…

L’usine tel un monstre omnipotent dévore tout : sa vie, son corps, ses nuits de sommeil. Très rapidement, ce travail à l’usine et cette précarité constante deviennent toute son existence. Au-delà des souffrances du corps, toute sa psyché est engloutie dans ce travail à la ligne.

Les mots se dressent alors comme un rempart pour faire face et continuer à travailler. Ainsi, Joseph puise dans la littérature sa force de résilience. Avec intensité, nous suivons la lutte quotidienne de Joseph mais également sa perception de la beauté du monde dans la noirceur de la condition ouvrière.

Ce livre fort est porté par une écriture incomparable. Intentionnellement sans ponctuation, un véritable rythme se dégage de ce livre qui nous confronte à la vérité implacable du monde ouvrier.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Magie de la servitude volontaire

Tristesse du dimanche

Les mauvais jours finiront« 

« L’autre jour à la pause j’entends une ouvrière dire
à un de ses collègues
Tu te rends compte aujourd’hui c’est tellement
speed que j’ai même pas eu le temps de chanter »