La Bienfaitrice – Elizabeth von Arnim (1901)

Et si nous évoquions les ambitions indépendantes d’une femme ?

Anna Escourt vit avec Suzy, sa belle-soeur depuis plusieurs années. Dès qu’Anna atteint l’âge d’entrer dans le monde, Suzy l’entraine dans des mondanités afin de lui trouver un mari. Anna s’oppose à cette course au mariage. Elle est décidée à rester indépendante.

Lorsqu’elle reçoit la lettre de son oncle Joachim, sa vie bascule. Elle hérite d’un grand domaine en Allemagne. Cette demeure est enfin synonyme de liberté, elle peut s’y installer, faire fi du mariage et se consacrer à ses ambitions philanthropiques. Quand elle rencontre le séduisant Axan von Lohm, un aristocrate, cette quête d’indépendance féminine va-t-elle s’étioler ?

Elizabeth von Arnim met en exergue des élans de liberté face à la soumission des femmes aux exigences sociales. Si j’ai trouvé le personnage d’Anna intéressant, le fil narratif assez convenu ne m’a pas emportée.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

La femme gauchère – Peter Handke (1976)

Et si nous parlions d’un récit nébuleux ?

Dans ce court roman, Marianne quitte brutalement son mari. Elle décide de vivre seule avec son fils. Les raisons de ce départ sont méconnus : quête de solitude ou de liberté ? volonté de fusionner avec son fils ? un amour en fuite ?

Au fil du récit, Marianne va reprendre son indépendance et poursuit son travail de traductrice. Dans une ambiance nébuleuse, où un froid glacial semble planer sur le récit, nous percevons les lentes évolutions de cette femme dans les petits gestes du quotidien.

Avec une écriture blanche, ce récit suspendu nous transporte dans un univers particulier. Si la plume est délicate, ce roman a manqué pour moi d’émotions et je n’ai pas été emportée dans l’univers des personnages.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« Être seul produit la souffrance la plus glacée, la plus dégoûtante qui soit : on devient inconsistant. Alors on a besoin de gens qui vous apprennent qu’on n’est tout de même pas aussi détérioré que cela »

« Si rêver veut dire, être ce qu’on est, alors je veux être une rêveuse »

Mrs Dalloway – Virginia Woolf (1925)

Et si nous parlions du classique de la littérature anglaise ?

Roman psychologique par excellence, tout en intériorité, Mrs Dalloway dresse le portrait d’une femme de son époque.

Clarissa est devenue Mrs Dalloway en épousant Richard, un homme qui en impose par sa réussite. Si peu de complicité apparaît entre eux, ils semblent avoir trouvé un intérêt mutuel à ce mariage. Issue de la haute bourgeoisie anglaise, Mrs Dalloway éblouit par son charisme et ses manières aristocratiques. Derrière ces apparences, qui est véritablement Clarissa ? Elle va renouer avec Peter Walsh, son amour de jeunesse et Sally, une grande amie qui représentent d’autres facettes de sa personnalité. A leurs contacts, elle redevient une femme libre qui a soif d’indépendance.

En toile de fond, nous comprenons aussi les zones d’ombres de Clarissa à travers le personnage de Septimus, un rescapé de la guerre qui plonge peu à peu dans la folie. Se cache aussi dans l’ombre de cette oeuvre, une autre femme, Virginia Woolf.

Les portraits multiples de Mrs Dalloway nous permettent d’appréhender toute la complexité de ce personnage. Au-delà d’un portrait de femme remarquable, ce texte porte une critique virulente sur la violence de la guerre et la domination masculine. Imprégné par la grâce, ce classique ardu et sensoriel doit être conservé dans sa bibliothèque.

Merci aux éditions folio pour l’envoi de cette magnifique édition.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« C’était l’heure, entre six et sept, où chaque fleur s’embrase — les roses, les œillets, les iris, les lilas ; blanche, violette, rouge, orange profond ; chaque fleur semble brûler de son propre feu, douce et pure, dans les plates-bandes embrumées ».

« Étonnant, incroyable ; elle n’avait jamais été aussi heureuse. Rien ne pouvait être assez lent ; rien ne pouvait durer trop longtemps. Il n’y avait pas de plus grand plaisir, pensa-t-elle en redressant les chaises, en repoussant un livre sur l’étagère, que d’en avoir fini avec les triomphes de la jeunesse, après s’être perdue à force de vivre, que de trouver le bonheur, dans un choc délicieux, quand le soleil se levait, quand le jour finissait »

« Malgré tout, qu’à un jour succède un autre jour; mercredi, jeudi, vendredi, samedi. Qu’on se réveille le matin; qu’on voie le ciel; qu’on se promène dans le parc; qu’on rencontre Hugh Whitbread; puis que soudain débarque Peter; puis ces roses; cela suffisait. Après cela, la mort était inconcevable…l’idée que cela doive finir; et personne au monde ne saurait comme elle avait aimé tout cela; comment, à chaque instant… »

La femme de Gilles – Madeleine Bourdouxhe (1937)

Et si évoquions la destinée d’une femme meurtrie ?

Femme de l’ombre ensevelie sous le regard de son mari, Elisa est la « femme de Gilles ». Elle se dévoue corps et à âme à l’amour qu’elle porte à son époux.

Femme et mère, Elisa attend un troisième enfant. Ses enfants sont le reflet de Gilles et de leur amour. Elle partage avec lui une vie paisible et une tendresse réconfortante. Quand le désir de Gilles implacable se tourne vers Victorine, la soeur d’Elisa, ce rapprochement semble inconcevable. Pourtant, Gilles se laisse consumer par cette passion dévorante. Face à sa jalousie, Elisa fait le choix de souffrir en silence et continue à se consacrer à son mari. Jusqu’où ce dévouement inconditionnel la conduira-t-elle ?

Madeleine Bourdouxhe dans un roman fluide et d’une simplicité implacable, nous raconte l’abnégation totale d’une femme. J’ai beaucoup apprécié ce texte qui dresse une réflexion pudique sur la condition de la femme.

Note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Alors femme toute pétrie d’une chair d’épouse ? Femme prédestinée à la création et au maintien d’un foyer ? Inquiète et engourdie de froid, réfugiée dans ton berceau de verdure, petite masse d’ombre un peu plus sombre dans l’ombre qui t’entoure, créature entre les autres créatures, faite de la même chair inquiète et douloureuse, comme elles épaulée par la vie, pourquoi aurais-tu été faite pour te réaliser selon des données uniques ? »

« Tu es seule devant la plus grande douleur de ta vie. La souffrance l’enlisait en vagues successives et toujours plus lourdes.Elle sentit que bientôt elle allait s’abandonner et tout compromettre »

« Et elle fit comme s’il n’y avait rien eu de lourd dans son coeur, hormis cette joie douloureuse et épuisante que tout amour comporte »

Les armoires vides – Annie Ernaux (1974)

Et si nous évoquions une honte enfouie ?

Dans un récit sans concession Annie Ernaux évoque son enfance et son mépris croissant vis-à-vis de ses parents.

Issu d’un milieu modeste, Annie Ernaux a grandi dans le café-épicerie de ses parents à Yvetot en Normandie. Elle a côtoyé les effluves d’alcool, entrecoupées de mots d’argots et de manières rustres. L’ascension sociale et culturelle elle la découvre par l’école. Chaque année, ses réussites scolaires l’éloignent de ses parents et lui font prendre conscience de la réalité du milieu dont elle est issue.

A travers une écriture impulsive et nerveuse, Annie Ernaux livre un portrait dérangeant de ses parents. Par les mots, elle tente de s’affranchir de la honte qu’elle porte en elle.

Avec une écriture acerbe et tranchante, Annie Ernaux évoque une déchirure sociale. Si j’ai été moins emportée que par les autres oeuvres d’Annie Ernaux, ce premier récit d’une vérité criante et parfois cruelle ne peut laisser indifférent.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« On ne parle jamais de ça, de la honte, des humiliations, on les oublie pas les phrases perfides en plein dans la gueule, surtout quand on est gosse ».

« Quand ai-je eu la trouille folle de leur ressembler, à mes parents ? »

Sonietchka – Ludmila Oulitskaïa (1992)

Et si nous parlions d’une femme littéraire ?

Femme effacée et solitaire au physique ingrat, Sonia se plonge dans la littérature depuis l’enfance pour se couper du monde. Elle puise dans la lecture des envies d’ailleurs.

Lorsqu’elle rencontre Robert, un peintre plus âgé, elle ne se rend pas compte de l’émoi qu’elle suscite chez cet homme. Leur mariage vient combler le vide de son existence. Dans cette nouvelle vie consacrée à son époux, elle trouve l’apaisement. Ce nouveau bonheur conjugal lui semble irréel. Elle se dédie complètement à son foyer et à son mari dans un oubli d’elle-même et de ses aspirations. Les trahisons et les obstacles de la vie viendront-ils perturber cette douce sérénité ?

Dans le décor de l’après-guerre soviétique, Ludmila Oulitskaïa nous dresse un portrait de femme au destin cruel. Sonia ne s’est jamais départie de son optimisme malgré l’adversité. Si j’aurais aimé que le texte soit davantage étoffée, j’ai passé un agréable moment de lecture en compagnie de Sonia.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Et chaque matin était peint aux couleurs de ce bonheur de femme immérité et si violent qu’elle n’arrivait pas à s’y accoutumer. Au fond de son âme, elle s’attendait secrètement à tout instant à perdre ce bonheur, comme une aubaine qui lui serait échue par erreur, à la suite d’une négligence ».

« Pendant vingt années, de sept à vingt-sept ans, Sonietchka avait lu presque sans discontinuer. Elle tombait en lecture comme on tombe en syncope, ne reprenant ses esprits qu’à la dernière page du livre »

« Le soir, chaussant sur son nez en forme de poire de légères lunettes suisses, elle plonge la tête la première dans des profondeurs exquises, des allées sombres et des eaux printanières »

Brisure à senestre – Vladimir Nabokov (1947)

Et si nous parlions d’un philosophe soumis à la toute puissance d’un régime ?

Eminent professeur de philosophie, Adam Krug est un homme reconnu. A la mort de sa femme, il reste seul avec son jeune fils, David. Face à un état tyrannique, il refuse d’obéir au nouveau régime incarné par Paduk, un de ses anciens camarade de classe. La doctrine de cet état appelée ekwilisme met en exergue la normalité des êtres humains et rejette tout mouvement individuel.

Face à l’opposition du professeur, les pressions du régime se multiplient. Ses amis sont arrêtés et l’étau se resserre autour de lui. Adam pourra-t-il être épargné ou devra-t-il vendre son âme au tyran ?

Ce roman dystopique n’est pas sans rappeler le régime bolchévique ou fasciste de l’époque. J’ai apprécié la force de la plume de Nabokov, son cynisme et l’absurdité de son propos. L’angoisse monte tout au long du roman jusqu’à la scène finale où l’absurdité de l’horreur tend à devenir une sinistre farce. Si j’ai trouvé ce récit, entrecoupé d’anagrammes et de mots d’esprits, complexe, il m’a cependant beaucoup marquée.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citation :

« Il laissa monter les larmes, non sans éprouver ce léger plaisir que l’on ressent à s’abandonner à cette pression tiède ; mais l’impression de soulagement fut de courte durée, car dès qu’il les laissa couler elles se firent si abondantes, si atrocement brûlantes que sa vue s’en trouva brouillée et sa respiration altérée ».

Un amour noir – Joyce Carol Oates (1993)

Et si nous découvrions un amour interdit ?

Carla est une femme sauvage, fille de paysans pauvres, ses cheveux roux et son animalité troublent les habitants de la petite vallée de Chautauqua aux Etats-Unis.

Malgré sa différence, elle s’est résignée à un mariage sans amour. De cette union est née plusieurs enfants. Elle ne s’est jamais véritablement occupée d’eux et semble passer à côté de sa vie. Pourtant, son esprit indomptable ne demande qu’à éclore. Quand elle croise le regard d’un homme noir son coeur bascule. Jusqu’où cette passion interdite va-t-elle l’emporter ?

Dans ce court roman, Joyce Carol Oates dresse le portrait d’une femme insoumise. Un roman sombre qui interroge sur l’intolérance, les conventions et le racisme dans la société américaine. Si ce récit n’a pas la force romanesque des autres ouvrages de Joyce Carol Oates, l’intensité dramatique est bien présente durant toute la lecture.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Je n’ai pas choisi la couleur de ma peau, comment peut-on me la reprocher ? »

« Elle trouvait sa consolation dans la vie impersonnelle qui coulait à travers elle, pareille à un cours d’eau souterrain, invisible et secret ; la vie qui faisait naître les enfants, et dévorait goulûment toute vie organique, et qui animait le vent dans les arbres et faisait battre son cœur malgré elle sans qu’elle puisse intervenir. Elle avait foi en cette vie qui n’avait pas de nom et elle pensa avec une conviction soudaine et une certaine irritation : Non je ne me noie pas ».

La vagabonde – Colette (1910)

Et si nous franchissions les coulisses du music-hall ?

Dans ce court roman, Colette proclame un hymne à la liberté. A travers le personnage, largement autobiographique de Renée Néré, elle dévoile une femme envoûtante à la fois danseuse, mime et actrice.

Epuisée par les infidélités de son mari Adolphe Taillandy, un peintre reconnu, Renée Neré a décidé de reprendre son indépendance. Elle vit modestement de ses cachets d’actrice et de danseuse. Autour d’elle naviguent ses partenaires de jeux qui sont devenus ses amis. Grâce à la scène, Renée Néré parvient à retrouver son identité. Maxime, un homme riche et oisif, vient bouleverser cet équilibre naissant. Face à cet homme, son désir semble renaître. Renée va-t-elle succomber aux affres de l’amour ?

Dans ce récit, nous côtoyons la charismatique Renée. Un personnage féminin incandescent avec qui nous partageons une quête grisante de liberté et les coulisses de la vie d’artiste. J’ai été subjuguée par la plume poétique et limpide de Colette et par ce récit lumineux.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Seulement, voilà… il y a des jours où la solitude, pour un être de mon âge, est un vin grisant qui vous saoule de liberté, et d’autres jours où c’est un tonique amer, et d’autres jours où c’est un poison qui vous jette la tête aux murs ».

« Partir, repartir, oublier qui je suis et le nom de la ville qui m’abrita hier, penser à peine, ne refléter et retenir que le beau paysage qui tourne et change au flanc du train, l’étang plombé où le ciel bleu se mire vert, la flèche ajourée d’un clocher cerné d’hirondelles… »

Un barrage contre le Pacifique – Marguerite Duras (1950)

Et si nous partions en Indochine avec Marguerite Duras ?

Dans ce récit extrêmement fort, Marguerite Duras dresse le destin d’une famille assaillie par l’administration coloniale.

Une institutrice devenue veuve se voit attribuer une concession au sud de l’Indochine française. Ce terrain lui donne l’espoir d’une vie meilleure. Elle espère donner un avenir à ses deux enfants, Joseph et Suzanne. Rapidement, cette plaine marécageuse isolée s’avère inexploitable. Tous les ans, la grande marée ensevelie la moindre culture. La mère décide de construire un barrage pour faire face aux inondations et sauver ses terres. Face à l’échec de ce projet, la famille sombre dans la pauvreté et cette mère désespérée se rapproche de la folie.

Quand Suzanne rencontre Monsieur Jo, un richissime planteur de la région, la famille perçoit une issue à leur misère. Jusqu’où cette rencontre va-t-elle les conduire ?

Marguerite Duras s’est inspirée de son adolescence pour construire un roman intense avec des personnages attachants mais aussi complexes. L’imbrication permanente entre les membres de cette famille est particulièrement travaillée. Nous percevons la détresse de ces personnages soumis aux promesses déçues de la société coloniale.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citation :

« On ne pouvait pas lui en vouloir. Elle avait aimé démesurément la vie et c’était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu’elle était devenue, une désespérée de la vie même ».