L’arabe du futur, tome 2 Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – Riad Sattouf (2015)

Et si nous voyagions au Moyen-Orient avec Riad Sattouf ?

Dans ce second volume de l’arabe du futur, nous continuons à parcourir l’enfance de Riad Sattouf en plein cœur du Moyen Orient.

Nous retrouvons Riad pour sa première année d’école en Syrie. Malgré ses cheveux blonds et ses origines bretonnes, Riad fait tout pour s’intégrer. Dès les premiers jours, il parvient à nouer des relations amicales qui l’aident à faire face aux conditions d’enseignement. En effet, son institutrice use de brimades d’une particulière violence. Malgré tout, Riad réussit progressivement à s’accoutumer aux journées d’école rythmées par l’apprentissage de l’hymne national et du coran.

Son père croit en un avenir florissant dans ce petit village de Ter Maaleh, près de Homs. Il a d’ailleurs pour projet la construction d’une grande villa pour asseoir la position familiale dans la région. Sa mère ne parvient pas à s’acclimater à sa nouvelle vie et se désespère de leurs conditions d’existence. Comment Riad et sa famille vont-ils réussir à s’intégrer pleinement en Syrie ?

Riad Sattouf nous offre avec ce deuxième volume une nouvelle leçon d’humanité. Il parvient, avec tendresse, à nous transmettre des messages forts sur le contexte politique de l’époque et sur les conditions de vie en Syrie. Je continuerai à m’atteler à la découverte de la destinée de Riad.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Les armoires vides – Annie Ernaux (1974)

Et si nous évoquions une honte enfouie ?

Dans un récit sans concession Annie Ernaux évoque son enfance et son mépris croissant vis-à-vis de ses parents.

Issu d’un milieu modeste, Annie Ernaux a grandi dans le café-épicerie de ses parents à Yvetot en Normandie. Elle a côtoyé les effluves d’alcool, entrecoupées de mots d’argots et de manières rustres. L’ascension sociale et culturelle elle la découvre par l’école. Chaque année, ses réussites scolaires l’éloignent de ses parents et lui font prendre conscience de la réalité du milieu dont elle est issue.

A travers une écriture impulsive et nerveuse, Annie Ernaux livre un portrait dérangeant de ses parents. Par les mots, elle tente de s’affranchir de la honte qu’elle porte en elle.

Avec une écriture acerbe et tranchante, Annie Ernaux évoque une déchirure sociale. Si j’ai été moins emportée que par les autres oeuvres d’Annie Ernaux, ce premier récit d’une vérité criante et parfois cruelle ne peut laisser indifférent.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« On ne parle jamais de ça, de la honte, des humiliations, on les oublie pas les phrases perfides en plein dans la gueule, surtout quand on est gosse ».

« Quand ai-je eu la trouille folle de leur ressembler, à mes parents ? »

Les années – Annie Ernaux (2008)

Et si nous évoquions des souvenirs avec Annie Ernaux ?

Dans ce récit intime, Annie Ernaux fait coexister son existence singulière avec les bouleversements de toute une génération.

Depuis sa naissance pendant la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à sa vie d’adulte, elle témoigne de sa trajectoire inscrite dans une mutation historique et politique. Annie Ernaux retrace mai 68, les élections successives, les bouleversements économiques et technologiques pour mettre en lumière les propres évolutions de sa vie. Annie Ernaux évoque aussi son destin de femme aux multiples facettes, étudiante, mère, grand-mère, amante, autrice. Au travers des photos successives éclairant chaque étape de sa vie, elle parvient à faire surgir nos propres existences.

Dans ce récit imprégné d’une histoire collective, Annie Ernaux se met davantage à distance. Avec finesse, elle s’efface peut-être pour laisser résonner nos propres souvenirs. Si je garde un préférence pour d’autres textes plus intimes d’Annie Ernaux, je ne peux que vous encourager à découvrir l’ampleur de son oeuvre si singulière.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« La distance qui sépare le passé du présent se mesure peut-être à la lumière répandue sur le sol entre les ombres, glissant sur les visages, dessinant les plis d’une robe, à la clarté crépusculaire, quelle que soit l’heure de la pose, d’une photo en noir et en blanc ».

« Tout s’effacera en une seconde. Le dictionnaire accumulé du berceau au dernier lit s’éliminera. Ce sera le silence et aucun mot pour le dire. De la bouche ouverte il ne sortira rien. Ni je ni moi. La langue continuera à mettre en mots le monde. Dans les conversations autour d’une table de fête on ne sera qu’un prénom, de plus en plus sans visage, jusqu’à disparaître dans la masse anonyme d’une lointaine génération »

« Sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais »

Passion simple – Annie Ernaux (1991)

Et si nous évoquions le feu brûlant d’une passion amoureuse ?

Avec ses mots éminemment personnels, Annie Ernaux raconte une fulgurante et obsessionnelle passion amoureuse.

Lorsqu’elle rencontre un homme marié, la vie d’Annie Ernaux bascule : « Je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi ». L’omniprésence de la passion vient bouleverser toute sa vie de professeur et mère de famille. Elle raconte comment l’attente rythme chacune de ses journées. Si les rencontres avec cet homme sont fugaces, son obsession fanatique ravage toutes ses pensées.

Roland Barthès disait : « Suis-je amoureux ? – Oui, puisque j’attends, l’identité fatale de l’amoureux n’est rien d’autre que : je suis celui qui attend. » Au delà de l’autre, c’est le désir et cet état qui pousse Annie Ernaux a perpétué une histoire d’amour aussi passionnelle que vaine.

Avec une grande justesse, elle parvient à mettre des mots sur une expérience intime qui ne peut que faire écho à notre propre rapport avec la passion.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« J’ai découvert de quoi on peut être capable, autant dire de tout. Désirs sublimes ou mortels, absences de dignité, croyances et conduites que je trouvais insensées chez les autres tant que je n’y avais pas moi-même recours. À son insu, il m’a reliée davantage au monde ».

« J’avais le privilège de vivre depuis le début, constamment, en toute conscience, ce qu’on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l’homme qu’on aime est un étranger »

Si l’espoir apaise la douleur – Simone Veil (2022)

Et si nous évoquions un témoignage bouleversant ?

Ce récit nous propose d’écouter la voix lumineuse et puissante de Simone Veil.

Parmi les témoignages des rescapés des camps, l’INA détenait un long entretien inédit de Simone Veil enregistré en 2006. Ce livre nous propose la retranscription de l’intégralité de son récit.

Avec pudeur et humanité, Simone Veil raconte sa déportation mais dévoile aussi son intimité. Elle évoque sa jeunesse insouciante à Nice entourée d’une famille aimante et unie. Elle décrit ensuite les prémisses de la Seconde Guerre mondiale. Elle raconte comment tout bascule le 30 mars 1944, au lendemain des épreuves du baccalauréat, quand elle se fait contrôler par des soldats allemands.

Elle est déportée avec sa mère et sa soeur dans les camps d’Auschwitz et de Bergen-Belsen. Elles restent toutes les trois unies face à l‘humiliation constante et l’indescriptible horreur des camps. Simone Veil raconte, pas à pas, les années de déportation mais aussi l’humiliation du retour. Elle nous fait part de son ressenti lors de la libération face au silence assourdissant autour des déportés juifs.

Un récit bouleversant, criant d’humanité, que je ne peux que vous recommander.

Merci aux éditions flammarion pour cet envoi

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citation :

« Il faut savoir faire des concessions, des sacrifices, quelque chose de dur, même, affectivement, si on veut que les jeunes aient un avenir qui ne soit pas obéré dès le départ par des rancoeurs, des haines, des désirs de revanche et de vengeance ».

La femme gelée – Annie Ernaux (1981)

Et si nous parlions d’un récit qui interroge l’émancipation féminine ?

Annie Ernaux a été éduquée par un couple moderne. Son père s’acquittait des tâches ménagères pendant que sa mère gérait la comptabilité de leur commerce. Ce modèle parental, à contrecourant des parents de ses amies, a contribué à façonner sa personnalité.

Quand Annie grandit elle rencontre l’amour et partage avec un homme, résolument progressiste, les mêmes idéaux. Pourtant, lorsqu’ils se marient et fondent leur vie commune, leur quotidien est bien éloigné de celui de ses parents.

Dès leur mariage, la différence entre eux devient visible par des petits gestes. Par ses actes, son mari démontre qu’il est bien éloigné des valeurs égalitaires qu’il prône. Lorsqu’elle devient mère de famille la différence est encore plus flagrante. Annie doit concilier ses aspirations professionnelles avec son rôle de mère tandis que son époux ne peut jamais se détourner une seconde de sa carrière.

Avec beaucoup de finesse, Annie interroge l’enlisement progressif de ses aspirations sous le poids de ce rôle de femme et de mère ayant pour charge toute l’organisation du foyer.

Les renoncements d’une femme gelée sous les conventions sociales et masculines sont parfaitement décrits dans ce récit aussi fort que personnel.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Femmes fragiles et vaporeuses, fées aux mains douces, petits souffles de la maison qui font naître silencieusement l’ordre et la beauté, femmes sans voix, soumises, j’ai beau chercher, je n’en vois pas beaucoup dans le paysage de mon enfance ».

« Un mois, trois mois que nous sommes mariés, nous retournons à la fac, je donne des cours de latin. Le soir descend plus tôt, on travaille ensemble dans la grande salle. Comme nous sommes sérieux et fragiles, l’image attendrissante du jeune couple moderno-intellectuel. Qui pourrait encore m’attendrir si je me laissais faire, si je ne voulais pas chercher comment on s’enlise, doucettement. En y consentant lâchement. D’accord je travaille La Bruyère ou Verlaine dans la même pièce que lui, à deux mètres l’un de l’autre. La cocotte-minute, cadeau de mariage si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie stridente du compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L’un des deux se lève, arrête la flamme sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte, passe le potage et revient à ses bouquins en se demandant où il en était resté. Moi. Elle avait démarré, la différence« 

« Un univers de femme rétréci, bourré jusqu’à la gueule de minuscules soucis. de solitude. Je suis devenue la gardienne du foyer, la préposée à la subsistance des êtres et à l’entretien des choses« 

Le palanquin des larmes – Chow Ching Lie (1975)

Et si nous parlions d’un récit autobiographique d’une humanité bouleversante ?

Dans cette oeuvre infiniment personnelle, Chow Ching Lie raconte sa destinée en tant que femme au coeur d’une Chine ancestrale soumise à de grandes transformations.

Dans un Shanghai en pleine mutation politique, Chow Ching Lie, repérée par sa beauté exceptionnelle, est contrainte à treize ans de se marier avec un homme maladif issu d’une des familles les plus fortunées du pays.

Proche de ses parents depuis sa tendre enfance et en particulier de son père, Chow Ching Lie doit quitter sa famille pour se soumettre à celle de son mari. Elle vit cette séparation comme un déchirement. Malgré sa tristesse, sa famille choisit la tradition. Si le pays tout entier entrevoit le sursaut de l’arrivée au pouvoir de Mao Tsé- Toung, ce vent nouveau n’atteint pas le cercle familial.

Devenue l’esclave de sa belle-famille, elle va devoir s’acclimater à cette nouvelle vie. Passionnée par la musique, parviendra-t-elle à concilier son rôle d’épouse, ses aspirations artistiques et sa soif de liberté ?

Un récit passionnant qui entremêle avec brio la destinée d’une femme dans un pays oscillant entre modernité et valeurs séculaires. Je reste admirative de la personnalité et du parcours de Chow Ching Lie. Une grande humanité émane de ce livre qui nous emporte dans ce drame familial saisissant.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Je me disais alors et je me dis encore avec la sincérité la plus totale que si les marques de la lèpre séculaire que fut la misère de la Chine devaient être effacées à jamais au prix des souffrances et du châtiment d’une poignée de riches, ce prix était juste et valait la peine d’être payé ».

« Petite fille , j’ai souffert et pleuré de bonne heure. J’étais jolie : ce n’est pas un mérite, ce fut une malédiction. Laide et difforme, je n’aurais sans doute pas été mariée de force à l’âge de treize ans ».

« C’est pourquoi, à cause de la cupidité d’une partie de ma famille, j’ai été vendue, moi aussi, sous des apparences certes plus honorables, celles du mariage, et même avec un déploiement de faste comme on en vit peu dans mon pays. Comédie de grande alliance familiale qui augmenta, par sa dérision, ma tragédie personnelle : j’étais une écolière connaissant la légende de Liang et Tso qui meurent pour leur amour comme Roméo et Juliette et je me voyais condamnée à vivre sans amour. D’autres, par millions, ont connu la faim du corps alors que je n’ai manqué de rien, mais les malheurs de la Chine sont les enfants d’une même famille »

La place – Annie Ernaux (1983)

Et si nous parlions de transfuge ?

Avec ce récit, aux tonalités viscéralement autobiographiques, Annie Ernaux nous parle de son changement de classe sociale. Elle raconte avec des détails précis et ciselés son enfance à Yvetot en Normandie.

Dans ce court récit, elle évoque par bride sa famille et principalement son père. Modeste commerçant, il s’est extrait de sa condition ouvrière et a ouvert un café-épicerie à Yvetot. Il a vu sa fille réaliser de brillantes études et accéder à l’enseignement, une sphère qui lui paraissait inaccessible.

Froid et fragmentaire, ce livre est une mise à nu dénuée d’émotion. Annie Ernaux raconte avec une certaine hauteur et un ton qui peut se percevoir comme méprisant la classe dont elle est issue. Avec un style singulier, elle évoque un sentiment de honte vis-à-vis de son milieu lorsque, devenue écrivain et professeur, elle a trouvé sa place. Cette élévation sociale s’accompagne aussi d’un tout nouveau regard porté sur son père.

Malgré cette mise à distance et ce style factuel, Annie Ernaux arrive à faire surgir une émotion brute et terriblement intense. Avec ses mots d’une profonde pudeur, elle fait renaître toute une époque et fait revivre son père jusqu’à nous émouvoir aux larmes.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Peut-être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence : que j’appartienne au monde qui l’avait dédaigné »

« Je voudrais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi. Une distance de classe, mais particulière, qui n’a pas de nom. Comme de l’amour séparé »

Nadja – André Breton (1928)

Et si nous parlions de surréalisme ?

André Breton évoque sa passion pour Nadja dans ce récit hybride mêlant essai philosophique, roman ou récit autobiographique.

En 1926, André Breton rencontre la fantasque et fascinante Nadja à Paris, ce nom envoûtant signifie « le commencement du mot espérance ». Il échange avec elle un baiser « dans lequel il y a une menace ». Captivé par sa liberté, il multiplie les rencontres avec cet être unique aux quatre coins de Paris.

Sous les traits de Nadja, André Breton prône la liberté et l’émancipation. Il laisse le fil de sa pensée et de ses réflexions s’écouler avec une grande fluidité dans ce texte. Au-delà de cette passion amoureuse, il dévoile sa critique de la psychanalyse, sa réflexion sur la folie et ponctue cette oeuvre de références littéraires et artistiques.

Ce texte surréaliste mêle avec harmonie dessins et photographies pour une immersion dans Paris et dans les interstices de la pensée d’André Breton. Ce texte hors norme, devenu intemporel, est traversé par des mots d’une fulgurante beauté.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« J’ai pris, du premier au dernier jour, Nadja pour un génie libre, quelque chose comme un de ces esprits de l’air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s’attacher, mais qu’il ne saurait être question de se soumettre ».

« Je savais tout, j’ai tant cherché à lire dans mes ruisseaux de larmes »

« Seul l’amour au sens où je l’entends – mais alors le mystérieux, l’improbable, l’unique, le confondant et l’indubitable amour – tel enfin qu’il ne peut être qu’à toute épreuve, eût pu permettre ici l’accomplissement du miracle ».

« La beauté sera convulsive ou ne sera pas ».

J’ai un nom – Chanel Miller (2021)

Et si nous écoutions le cri d’une femme ?

Le 17 janvier 2015, Chanel Miller assiste avec sa soeur à une soirée étudiante sur le campus de Stanford. Elle se réveille à l’hôpital, quelques heures plus tard, et ne se souvient de rien. Les examens médicaux lui révèlent l’impensable, elle a été victime d’un viol.

Le mis en cause serait un athlète au parcours irréprochable, il soutient qu’il s’agissait d’un rapport consenti. Etape par étape, Chanel tente de reconstruire les événements de la soirée dans les moindres détails pour faire éclater sa vérité. Des examens médicaux aux auditions par la police ou lors du procès, Chanel nous livre son éprouvant parcours et celui de ses proches. Elle fait face, avec beaucoup de courage, aux institutions et à un système judiciaire implacable.

Au-delà des faits, Chanel dévoile le récit de son parcours de reconstruction et nous interroge sur le fonctionnement de la procédure judiciaire aux Etats-Unis. Un récit personnel d’une grande force où Chanel Miller livre son lent et douloureux combat. Je salue ce témoignage bouleversant et criant de sincérité.

Merci aux éditions « cherche midi » pour cet envoi !

Ma note :

Note : 3 sur 5.