Jane Eyre – Charlotte Brontë (1847)

Et si nous parlions d’un classique incontournable ?

Dans ce roman initiatique, Charlotte Brontë nous raconte la vie de Jane Eyre, une femme aussi docile qu’indomptable.

Enfant recueillie par sa tante, Jane a depuis toujours été maltraitée. Méprisée, elle n’a jamais réussi à trouver auprès d’elle l’affection maternelle. Brutalisée par ses cousins, Jane n’a qu’une seule idée en tête : fuir cette famille qui l’a rejetée.

Envoyée dans le pensionnat de Lowood, elle connaît entourée d’autres orphelines une vie rude faite de privations. Malgré cette éducation rigide et religieuse, elle éprouve les premiers élans de l’amitié. A la fin de ses études, Jane intègre le manoir de Thornfiled où elle devient préceptrice auprès d’Adèle, une jeune fille gaie et affectueuse. Edouard Rochester, le propriétaire de ce domaine bourgeois est un homme sombre, charismatique et magnétique. Leur rencontre viendra bouleverser la vie de Jane.

Pour construire son récit, Charlotte Brontë a puisé dans des aspects personnels de sa vie. Cette intimité donne d’autant plus de force au personnage de Jane, une femme pleine de paradoxes. La force de caractère, l’intelligence et la douceur de Jane Eyre font d’elle un des personnages les plus emblématiques de ma vie de lectrice. Grâce à la plume magnifique de Charlotte Brontë, j’ai partagé à l’unisson les sentiments de Jane ainsi que son attirance pour l’indécelable et fascinant Edouard Rochester. La passion qui les unit transcende tout le roman.

J’ai été complètement transportée par ce classique aux connotations lyriques dont on se délecte à chaque page.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Je puis vivre seule, si le respect de moi-même et les circonstances m’y obligent; je ne veux pas vendre mon âme pour acheter le bonheur ».

« Je ne suis pas un oiseau, je ne suis prise en aucun filet ; je suis un être humain, libre, avec une volonté indépendante, qui se manifeste dans ma décision de vous quitter »

« Il me semble avoir là, à gauche, quelque part sous les côtes, un lien étroitement et inextricablement noué à un lien identique qui part d’un même point de votre petite personne ».

Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage – Maya Angelou (1969)

Et si nous parlions d’une histoire de vie poignante ?

Dans ce récit autobiographique, Maya Angelou nous parle de son enfance et de son adolescence dans le sud des Etats-Unis. Ses parents la confient avec son jeune frère à sa grand-mère, Momma. Aussi dure que protectrice, Momma va leur donner une éducation religieuse rigide. Son enfance est rythmée par l’école, l’église et les corvées au sein du magasin alimentaire où travaille sa grand-mère.

À l’âge de sept ans, Maya et son frère partent retrouver leur mère, une femme belle et indépendante. Lors de ce séjour, Maya connaîtra la fin définitive de son enfance et retournera vivre brutalement chez sa grand-mère.

Malgré les nombreux drames qui jalonnent sa vie, Maya arrive à puiser sa force dans la littérature. Elle côtoie Poe, Shakespeare ou encore les soeurs Brontë et apprend à lire à voix haute. Son caractère fort et indomptable prend aussi racine dans les femmes qui accompagnent son enfance notamment sa grand-mère. À travers sa propre histoire, Maya Angelou dessine à chaque page le poids du racisme qui a impacté toute sa vie et celle de sa famille.

Figure du mouvement américain pour les droits civiques, Maya Angelou est à la fois poétesse, écrivaine, actrice et militante, ce livre nous permet d’en savoir bien plus sur l’enfance d’une femme hors du commun.

Maya Angelou construit ses mémoires sous forme de brides et mélange les petits instants insignifiants de son quotidien et les grands événements qui ont marqué son enfance.

À la fois tendre et cynique, ce récit dévoile au lecteur toute l’intimité et les combats de Maya Angelou.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Pour la bonne raison qu’en réalité j’étais blanche et qu’une cruelle fée Carabosse, bien naturellement jalouse de ma beauté, m’avait changée en un échalas de négresse, avec des cheveux noirs crépus, des pieds plats et, entre les dents, un espace où on aurait pu glisser un crayon ».

« Laissez donc aux Blancs leur argent et leur pouvoir, leur ségrégation et leurs sarcasmes, leurs grandes maisons et leurs écoles, et leurs pelouses comme des tapis et leurs livres et surtout – surtout – laissez-leur donc leur blancheur. Il valait mieux être humble et modeste, insulté et maltraité pour un petit bout de temps que de passer l’éternité à rôtir en enfer »

L’art de la joie – Goliarda Sapienza (1994)

Et si nous parlions d’un des grands classiques de la littérature italienne ?

A l’assaut d’un incontournable de la littérature italienne, j’ai découvert « L’art de la joie » et le personnage emblématique de Modesta.

Née en Sicile en 1900, Modesta a grandi dans un dénuement total. Elle survit malgré les drames qui ont marqué sa jeunesse. Recueillie par des religieuses dans un couvent, elle découvre une vie ascétique et pieuse. A la mort de mère Leonora, sa protectrice, Modesta est introduit auprès de la famille de la défunte et connait pour la première fois une existence aisée dans une noble demeure. Elle s’établit peu à peu dans cette nouvelle vie et devient un pilier de la famille qu’elle va, au fil des années, construire.

Malgré les drames qui jalonnent son parcours et le poids implacable de l’histoire en marche et de la montée du fascisme, Modesta ne cesse de vivre avec de plus en plus d’intensité.

Toute sa vie sera marquée par ses élans de liberté. Ainsi malgré les épreuves qui traversent son existence, sa force semble inépuisable. D’une grande modernité pour son époque, Modesta vit pleinement son épanouissement sexuel et intellectuel. Son art de vivre ne semble pas trouver de limite.

Un roman qui dresse le portrait d’une femme transcendée par son désir, sa liberté et sa soif de vivre. Si j’ai eu parfois quelques difficultés à me plonger totalement dans cette oeuvre, j’ai aimé la puissance évocatrice de cette héroïne.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Dans l’anxiété de vivre j’ai laissé filer trop vite mon esprit »

« Comment pouvais-je le savoir si la vie ne me le disait pas ? Comment pouvais-je savoir que le bonheur le plus grand était caché dans les années apparemment les plus sombres de mon existence ? S’abandonner à la vie sans peur, toujours… Et maintenant encore, entre sifflements de trains et portes claquées, la vie m’appelle et je dois y aller »

Ohio – Stephen Markley (2020)

Et si nous évoquions un roman noir envoûtant ?

Stephen Markley avec « Ohio » signe un premier roman haletant sur la jeunesse américaine.

Trois amis d’enfance, Rick, Bill et Ben vivent dans l’espoir de quitter New Canaan, ville qui les a vu grandir et grand symbole de l’Amérique profonde.

Le 11 septembre 2001 marque un tournant dans l’histoire américaine mais également dans la destinée de cette bande d’amis. La chute des tours du World Trade Center est la première fracture de leur amitié et fait s’évanouir leur candeur adolescente. Rick s’engage dans l’armée et devient militaire en Irak alors que Bill se tourne vers un antimilitariste fervent. Quant à Ben, porté par ses ambitions musicales, son destin n’en demeure pas moins tragique…

Des années plus tard, sous une douce nuit d’été, plusieurs membres du lycée de New Canaan se retrouvent et font ressurgir avec eux les fantômes d’un passé qui ne les a jamais véritablement quitté.

À travers le portrait de ces protagonistes, cette fresque sociale nous plonge, sans concession, à la rencontre de cette jeunesse marquée par une mémoire traumatique. Ils ont choisi l’alcool, la drogue ou la violence comme remèdes. Un roman noir envoûtant qui dresse le parcours meurtri de ces jeunes désabusés aux rêves déchus.

Porté par les voix dissonantes de ces jeunes patriotes, militants, toxicomanes, vétérans, homosexuels ou intellectuels, Stephen Markley dresse un panorama américain brillant !

Je suis restée fascinée par ce livre qui transporte son lecteur mais qui donne aussi à réfléchir profondément sur la société américaine. Conquise !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Il ressentait un bonheur sans cause, sans justification, aussi blanc que la neige. Sa peau chauffait et picotait, il jouissait par tous les pores en même temps. Toutes les amours de sa vie s’inscrivaient étincelantes sur la rivière mystique du ciel, qui charriait des étoiles, des satellites et de la poussière datant du commencement de la Création ».

« Il bascula dans ses rêves, pleurant les rivières et les champs de son pays natal. Il le vit brûler d’un feu bleu et il pria pour avoir la force de le défendre, de se battre pour lui, de lui rendre la vie »

« Nous aurons beau courir le monde et assister à des couchers de soleil, des aurores et des tempêtes plus spectaculaires, lorsque nous apercevons ces champs, ces forêts, ces buttes et ces rivières ancrés dans notre mémoire, notre mâchoire se serre ».

Mémoires d’une jeune fille rangée – Simone de Beauvoir (1958)

Et si nous évoquions une œuvre autobiographie ?

Ce texte d’apprentissage nous confronte au destin unique de Simone de Beauvoir. De ses premiers pas à ses émois de jeune fille, cette autobiographie retrace sa jeunesse mais aussi ses rapports avec la littérature et la philosophie.

Simone est une jeune fille sérieuse et conformiste, imprégnée de son éducation catholique, elle va peu à peu s’éloigner des codes dictés par son milieu et réfléchir par elle-même.

Depuis son plus jeune âge, elle idolâtre son père qu’elle voit comme un modèle. Puis, à l’adolescence, elle s’émancipe, peu à peu, de ses parents. Elle prend pour la première fois conscience que ses valeurs peuvent être bien différentes. Eprouvant une passion pour la littérature et la philosophie, elle décide de poursuivre ses études plutôt que de devenir une mère de famille. Le mariage n’est plus sa norme et Simone pense, avant tout, à son indépendance intellectuelle.

Ces mémoires sont également construits autour de rencontres déterminantes. Ainsi, au-delà des mots, c’est au travers d’autrui que Simone découvre d’autres manières de penser et d’aborder la vie. Elle va ainsi réussir à évoluer et à s’éloigner du carcan familial. Ses rapports avec Jacques, Zaza, Herbaud mais surtout Sartre sont particulièrement intéressants. A ce titre, j’aurai aimé que sa relation avec Sartre, qui apparaît à la fin du livre, soit plus enrichie.

J’ai ressenti des longueurs durant la première partie de l’ouvrage, mais peu à peu, le charme opère. J’ai aimé son rapport aux livres, cette passion va prendre une place centrale dans son existence et être aussi le terrain de son indépendance. Ainsi, c’est une femme résolument moderne qui nous est dépeinte, elle se place au même niveau que les hommes qu’elle côtoie.

Finalement, Simone de Beauvoir nous raconte sa libération intellectuelle et féministe dans une époque construite autour de valeurs traditionnelles.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« J’aimais mon entourage, mais quand je me couchais le soir, j’éprouvais un vif soulagement à l’idée de vivre enfin quelques instants sans témoin ; alors que je pouvais m’interroger, me souvenir, m’émouvoir, prêter l’oreille à ces rumeurs timides que la présence des adultes étouffe ».

« La littérature prit dans mon existence la place qu’y avait occupée la religion : elle l’envahit toute entière, et la transfigura ».

« Je veux la vie, toute la vie. Je me sens curieuse, avide, avide de brûler plus ardemment que toute autre, fût-ce à n’importe quelle flamme ».

Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu (2018)

Nicolas Mathieu est devenu en quelques mois un auteur incontournable. Je n’étais pas de celle qui avait dévoré ce roman avant que son auteur soit propulsé dans la lumière en recevant le prestigieux « prix Goncourt ».

Et pourtant, le thème du roman m’avait déjà touchée en plein cœur : un adolescent pris au piège dans une région désindustrialisée de l’Est de la France et qui fait face à un certain déterminisme social.

Le lecteur découvre un groupe de jeunes évoluant dans l’atmosphère alangui de quatre étés successifs entre 1992 et 1998.

Anthony a grandi dans cette petite vallée où les hauts-fourneaux sont désaffectés. Aux prémices de son adolescence, il commence à ressentir les émois de son premier amour, les découvertes charnelles et à commettre ses premières bêtises de jeunesse…

Lors d’une fête, il fera la connaissance de Steph. Cette jeune fille qui n’a de cesse de réapparaître dans sa vie. Issue d’une classe supérieure, elle lui semble inaccessible et pourtant, elle lui apparaît proche, elle aussi coïncée dans cette ville qui n’offre aucune issue.

On y découvre également Hacine. Ce jeune homme grandit dans cette banlieue à côté de la ville qui le met à fortiori à l’écart. Soumis aux préjugés tenaces, il finit par plonger dans la délinquance.

L’imbrication de ces portraits issus de divers milieux sociaux est extrêmement bien travaillée par Nicolas Mathieu qui nous livre un roman dense, plein de contradiction et de force. Loin des clichés, il nous emporte littéralement dans le parcours de ces jeunes.

La trame de l’histoire apparaît anodine et pourtant Nicolas Mathieu nous offre bien plus dans ce roman d’une extrême richesse. Sous fond de colères adolescentes, l’auteur nous décrit une analyse des classes chère à Bourdieu.

Ces jeunes qui vivent dans une région étriquée et désaffectée projettent de fuir. Cependant, ils apparaissent comme encrés et sclérosés dans leur milieu social à reproduire inexorablement la trajectoire de leurs parents.

Un roman coup de cœur, qui allie avec brio émotion et fresque sociale, à dévorer jusqu’à la dernière ligne.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Dans chaque ville que portait ce monde désindustrialisé et univoque, dans chaque bled déchu, des mômes sans rêve écoutaient maintenant ce groupe de Seattle qui s’appelait Nirvana. Il se laissaient pousser les cheveux et tâchaient de transformer leur vague à l’âme en colère, leur déprime en décibels ».

« La minorité avait cette vertu ambiguë, elle vous protégeait mais, en prenant fin, vous précipitait tout d’un coup dans un monde d’une férocité insoupçonnée jusque-là ».

« Ces femmes qui, d’une génération à l’autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu’assurer la persistance d’une progénitures vouées aux mêmes joies, aux mêmes maux, tout cela lui collait un bourdon phénoménal. Dans cette obstination sourde, il devinait le sort de sa classe. Pire, la loi de l’espèce, perpétuée à travers les corps inconscients de ces femmes aux fourneaux, leurs hanches larges, leurs ventres pleins ».