La bête qui meurt – Philip Roth (2001)

Et si la sexualité était le dernier rempart contre le vieillissement ?

Avec le même plaisir renouvelé, je me suis plongée dans une oeuvre de Philip Roth.

Devenu un de mes auteurs phares, j’ai découvert avec délice « La bête qui meurt », court roman paru en 2001.

A l’aube de sa vieillesse, David Kepesh, âgé de 62 ans est un professeur émérite. Eternel séducteur, il n’a de cesse de prôner une liberté sexuelle exacerbée et multiplie les conquêtes féminines.

Comme à son habitude, il rencontre une de ses étudiantes, Consuela Castillo, une pétillante jeune femme de vingt-quatre ans. Issue d’une riche famille cubaine, elle est éprise de culture et très vite fascine David Kepesh qui s’éprend de son inégalable beauté.

David Kepesh vacille sous le coup de cette rencontre qui le renvoi à son inéluctable vieillissement.

Pour la première fois, il est complètement bouleversé par cette belle ingénue encore candide et s’enferme dans une relation déséquilibrée et dépendante.

Il commence à connaître les affres de la jalousie, sa relation avec Consuela Castillo n’ayant de cesse de le renvoyer vers la peur de sa propre mort.

Certes, comme tout roman de Philip Roth, la sexualité est très prégnante. Si on peut trouver ce thème banal, pour autant, ce récit nous en dit bien plus. J’ai aimé l’extrême sincérité de ce roman qui nous laisse réfléchir sur la révolution sexuelle dans une Amérique puritaine et au-delà sur le vieillissement et la mort. Ainsi, le rapport à la sexualité du narrateur s’apparente à un véritable souffle de vie.

En effet, la sexualité exacerbée comme seule rempart face au vieillissement du corps est extrêmement bien amenée durant tout le roman.

Finalement David Kepesh par cette dernière relation voluptueuse se remémore également son passé : ses rapports houleux à son fils, ses difficultés à nouer des relations amicales et surtout sa profonde solitude.

Contre toute attente et derrière les passages incontestablement crus, Philip Roth nous livre, avec une très belle plume, un roman émouvant et nous questionne sur notre rapport au corps et au temps.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Ce n’est pas le sexe qui corrompt l’homme, c’est tout le reste. Le sexe ne se borne pas à une friction, à un plaisir épidermique. C’est aussi une revanche sur la mort ».

« Figure-toi la vieillesse en ces termes : tu risques ta vie au quotidien. Tu n’échappes pas à la conscience de ce qui t’attend à brève échéance, ce silence qui va t’entourer pour toujours. A part ça, c’est pareil. A part ça, on est immortel tant qu’on est vivant »

Une histoire des loups – Emily Fridlund (2017)

Pour débuter cette rentrée et si nous évoquions un roman mêlant drame et suspens ?

Madeline est une adolescente qui semble, sous certains aspects, déjà adulte mais s’avère surtout terriblement seule. Elevée par des parents distants issus d’une communauté hippie, elle grandit dans une cabane en pleine forêt et aux abords d’un lac, très loin du confort de la ville.

Sa solitude la conduira à espionner les nouveaux voisins installés dans la maison juste en face du lac. Elle découvre, à travers ses jumelles, un couple parfait ainsi qu’un jeune enfant, âgé de 4 ans.

Elle finit par rencontrer cette voisine mystérieuse, Patra, qui lui propose de garder son fils. Madeline, qui se présente sous le nom de Linda, se rapproche de cette famille modèle finissant peu à peu par l’intégrer. Elle emmène le jeune enfant, Paul, à la découverte de la forêt.

Un trio paisible se forme entre Patra, Madeline et le jeune garçon. Cependant, le retour du père de Paul avec son caractère indécelable accentue l’angoisse naissante.

Complètement fascinée par Patra et par les rapports familiaux qui se nouent entre le jeune enfant et ses parents, Madeline ne décèle pas la noirceur sous-jacente qui conduira jusqu’au drame…

Si le lecteur est rapidement mis dans la confidence du décès de Paul, Emily Fridlund choisit de semer des indices afin d’en expliciter au fil du roman les causes.

Je n’ai pas été complètement tenue en haleine durant tout le roman. En effet, la montée en puissance de l’intrigue m’a parue assez lente. J’aurai également aimé aller plus en profondeur dans l’analyse de la psychologie des personnages. Le pouvoir des croyances conduisant à l’impensable donne au lecteur l’envie de comprendre ce qui conduit l’humain à de telles extrémités.

Pour ma part, j’ai trouvé que le roman conserve jusqu’à la dernière ligne sa dose de mystère.

J’ai été quelque peu désarçonnée par ce roman énigmatique mais néanmoins conquise par les ressorts psychologiques abordés par Emily Fridlund ainsi que sa jolie plume. Un premier roman réussi qui donne envie d’en découvrir davantage…

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« L’épaisseur visqueuse de l’eau glissait sous moi – combien d’années d’étés étais-je restée étendue sur ce lac ? Je sentis l’empreinte exacte laissée par mon corps dans l’eau, l’estampe d’une fille maigre, et après avoir flotté un moment à la surface, je retins ma respiration et plongeai. »

« L’enfer et le paradis sont deux manières de penser. La mort et la croyance erronée que tout chose puisse avoir une fin »

Une journée d’automne – Wallace Stegner (1937)

Et si par ses chaleurs caniculaires, nous retournions l’espace d’un instant en Automne ?

C’est la proposition alléchante qui nous est faite par Wallace Stegner dans ce court roman demeuré longtemps inconnu en France.

Au décès de son père, Elspeth, la jeune soeur de Margaret, regagne la ferme familiale située dans l’Iowa. Elspeth, une jeune femme pétillante se révèle pleine de légèreté, de fantaisie et de joie de vivre.

Elle s’immisce peu à peu entre sa soeur, Margaret, digne et raisonnable et son époux, Alec, un jeune homme rieur et spontané.

A l’ombre des feuilles d’autonome, un triangle amoureux se noue jusqu’à la tragédie. Le rapprochement entre Elspeth et Alec apportera une rupture nette et indissoluble.

L’équilibre familial s’en trouvera, à jamais, dévasté. La maison ne devient plus que silence et solitude, chacun restant enfermé dans sa culpabilité, sa colère ou son sentiment de trahison.

Les deux femmes deviennent les ombres d’elles-mêmes. La description de cette déshumanisation est superbement retranscrite par l’auteur.

J’ai follement apprécié la plume de Stegner à la fois âcre et profonde. L’efficacité du fil narratif est implacable. Le lecteur est rapidement transporté dans ce court roman.

La très belle écriture de Stegner révèle à la fois la force de ses personnages et l’impasse dramatique qui se noue au fil du livre.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Un jour, l’ayant surpris, elle lui demanda d’en déchiffrer les paroles, et le soir dans sa chambre, nota tout ce dont elle se souvenait, en se remémorant à la lueur paisible de sa lampe la nostalgie mélancolique de la complainte et le Viking calme et blond qui la lui avait chantée sans gêne »

« Cette passion-là était morte étouffée dans les geôles irrespirables de la culpabilité »

« Les années s’écoulèrent comme du sable sous leurs pieds, les saisons se succédèrent au même rythme lent, du premier rouge-gorge et des premiers boutons de lilas à la chaleur étouffante de l’été, aux trilles métalliques des grillons et aux lucioles illuminant le velours noir de la nuit ; des dernières flammes du sumac et de l’érable à la longue attente de l’hiver ; puis de nouveau les premières pointes de crocus sous la neige ».

A l’est d’Eden – John Steinbeck (1952)

« Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. 

Maintenant, tu seras maudit de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère (…)

Caïn se retira de devant l’Éternel, et séjourna dans le pays de Nôd, à l’est d’Éden »

 (Genèse 4, 1-26)

Après avoir tué son frère Abel, Caïn est banni par son père et se retire à l’Est d’Eden. John Steinbeck avec cette référence biblique, comme titre de son roman, révèle déjà le tiraillement entre le bien et le mal mais également les rapports filiaux au coeur de son oeuvre.

A l’est d’Eden dresse des portraits profonds et humanistes de trois générations successives.

Dans la vallée de Salinas en Californie, des familles vont tenter leur chance afin de cultiver une terre qu’ils espèrent prospères.

Adam et Charles Trask sont demi-frères. Ils sont très différents et font face ensemble à la seule autorité paternelle. Adam est aussi calme et doux que son frère, Charles, est froid et violent. Destinés à embrasser une carrière militaire, ils vont cependant rapidement se différencier y compris dans leurs rapports avec leur père.

Quelques années plus tard, Adam rencontre Cathy. L’amour qu’il lui porte changera à jamais sa vie. Eperdu, il ne voit en elle que douceur et gentillesse. Pourtant, derrière cette beauté angélique, se cache les pires vices.

Cathy accouche des jumeaux Aaron et Caleb. Comme un écho sur cette ultime génération, les mécanismes du rapport au père semble se reproduire.

Adam Trask déménage avec sa famille en Californie et fait la connaissance de la famille Hamilton. Venus d’Irlande du Nord, les Hamiltons ont tissé des liens solides autour de la figure paternelle de Samuel.

Tout au long du roman, les Trasks et les Hamiltons vont évoluer côte à côte…

Cette fresque éblouissante aborde le rapport à la morale mais également à la destinée. Evoquant avec force, la prédominance des choix dans le conditionnement de l’existence, Steinbeck au-delà de l’épopée familiale livre un roman humaniste.

Chaque personnage est si profondément vivant sous la plume de Steinbeck que le lecteur est emporté avec eux durant les années qui s’écoulent avec délice.

Désormais profondément ancré dans mes mémoires de livres, je me suis délectée page après page de ce roman époustouflant.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations : 

« Et pourtant nous empruntons tour à tour les chemins de l’innocence ou du péché. N’avons-nous pas tous dragué et fouillé les eaux noires de notre âme ? »

« Pour dire d’un homme qu’il fut heureux, attendez qu’il ait tourné sa dernière page »

« Il y a des preuves très solides pour affirmer que Dieu n’existe pas, mais, pour bien des gens, elles ne sont pas aussi fortes que l’impression qu’il existe »

« Je sais qu’on utilise parfois le mensonge pour ne pas blesser, mais je ne crois pas que son effet soit bienfaisant. La douleur fulgurante de la vérité se dissipe, alors que la douleur lancinante du mensonge demeure. C’est un mal rongeant »

La vague – Todd Strasser (1981)

Véritable manuel d’histoire, la vague est un roman indispensable dans l’éveil des consciences.

Ben Ross, professeur d’histoire brillant, tente de faire comprendre à ses élèves la montée du nazisme en Allemagne juste avant la seconde guerre mondiale.

Constatant que ses élèves éprouvent des difficultés à entendre l’ineffable, il décide de réaliser une « expérience » en créant un mouvement au slogan fort : « La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l’Action ».

En quelques semaines, sa classe puis le lycée tout entier, sont emportés dans cette expérience. Les lycéens vont très vite perdre leur libre arbitre pour se rallier au mouvement et suivre mécaniquement les ordres.

Si cet enrôlement permet une organisation et une efficacité redoutable au travail, les membres vont peu à peu abandonner leur capacité de réflexion et de contradiction.

La dilution des individualités dans le groupe devient de plus en plus forte. Peu à peu, les non membres deviennent exclus puis discriminés dans un lycée devenu microcosme totalitaire.

Le professeur lui-même, se retrouve dépassé et piégé dans son propre jeu.

Si ce roman ne transcende pas par des prouesses d’écriture, il demeure foudroyant par la démonstration du danger des mécanismes totalitaires. En effet, inspiré d’une histoire vraie, le réalisme de ce récit est saisissant.

Un livre à transmettre aux générations futures pour comprendre le danger de l’aliénation individuelle au profit d’un groupe ou d’une doctrine.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Si l’histoire est condamnée à se répéter, alors vous aussi, vous voudrez tous nier ce qui vous est arrivé dans la Vague. En revanche, si notre expérience est réussie, et vous admettrez que c’est bien le cas, vous aurez appris que nous sommes tous responsables de nos propres actes et que nous devons toujours réfléchir sur ce que nous faisons plutôt que de suivre un chef aveuglément ; et pour le restant de vos jours, jamais, au grand jamais, vous ne permettrez à un groupe de vous déposséder de vos libertés individuelles »

« Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir »

Dans la forêt – Jean Hegland (1996)

De quoi l’être humain a-t-il véritablement besoin  ?

C’est à cette question existentielle que le roman « Dans la forêt » tente de répondre. Dans un contexte contemporain où la surconsommation fait rage et où les possessions matérielles semblent vitales, Jean Hegland nous décrit une autre voie : celle de la nature.

Au Nord de la Californie, une famille vit en bordure de forêt. S’ils ont choisi une vie à proximité de la nature, ils ne sont pas, pour autant, coupés du monde et continuent à utiliser les technologies modernes.

Pourtant, l’impensable va se produire. Peu à peu, la région se retrouve privée d’électricité. Le monde moderne, tel que l’être humain l’a toujours connu, va s’en trouver profondément anéanti.

Au coeur de cette fin de civilisation, deux soeurs, Nell et Eva, vont devoir survivre dans les bois. Tout d’abord dans l’attente d’un sauvetage, elles vont peu à peu apprendre à vivre des interactions brutes avec la forêt.

Si l’une voulait devenir danseuse professionnelle et l’autre était destinée à un brillant avenir à Harvard, leur monde s’effondre et les décès successifs de leurs parents ne font qu’accentuer leur isolement.

Dans un contexte post-apocalyptique, ce roman transperce le lecteur par sa force. En effet, avec l’urgence des dangers environnementaux, la résonance de ce récit est particulièrement vive. J’ai aimé les questionnements implicites sur nos modes de vie contemporains.

Véritable prophétie écologique, ce récit brut et intense semble remettre de l’ordre dans notre vision du monde. La relation entre les deux héroïnes évolue au fil des pages et donne également beaucoup de relief au roman.

Un roman d’anticipation, un brin utopique, mais qui ne laisse pas indifférent.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations : 

« Je n’ai jamais vraiment su comment nous consommions. C’est comme si nous ne sommes tous qu’un ventre affamé, comme si l’être humain n’est qu’un paquet de besoins qui épuisent le monde. Pas étonnant qu’y ait des guerres, que la terre et l’eau soient polluées. Pas étonnant que l’économie se soit effondrée »

« Pendant tout ce temps on a vécu dans le passé, en attendant d’y revenir. Mais le passé n’existe plus. Il est mort »

« J’ai fait le tri dans le tas de livres par terre, et je les aimais tous. … J’aimais tout ce qu’ils représentaient pour moi, tout ce qu’ils m’avaient appris, tout ce que j’avais été à leur contact, et j’ai mesuré à quel point choisir était tragique, car en prendre un signifiait laisser les autres »

Si Beale Street pouvait parler – James Baldwin (1974)

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Une histoire d’amour emprisonnée dans une Amérique rongée par le racisme. 

James Baldwin nous raconte une histoire d’amour, celle de Tish et Fonny. Amoureux depuis l’enfance, ils n’ont qu’une seule envie : créer une vie de famille comme les autres.

Le couple doit néanmoins survivre dans un climat oppressant de ségrégation. Ils restent marqués par leur couleur de peau, trace indélébile qui imprègne chacun de leur pas dans New-York. Tish est enceinte et un avenir paisible semble malgré tout se dessiner pour le jeune couple.

Cependant, à peine fiancés, ils sont rattrapés par un racisme implacable qui broie leur destinée. 

Fonny, cible toute tracée, est accusé à tort de viol et jeté en prison par un policier blanc. La justice américaine partiale se referme peu à peu sur lui.

La famille de Tish va essayer de braver l’impossible et entamer une défense perdue d’avance.

James Baldwin nous dresse le portrait d’un couple qui suffoque dans une Amérique profondément raciste. Reflet autobiographique, l’écrivain, ne supportant plus les discriminations ambiantes, quitte les Etats-Unis à l’âge de 24 ans.

Avec une profonde justesse, James Baldwin fait s’entremêler une histoire d’amour flamboyante avec les méandres d’une Amérique puritaine et raciste.

Un roman, malheureusement si contemporain, qui questionne et redonne malgré tout une forme de foi en l’humanité.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Dans cet oeil, vous n’existez pas, si vous avez de la chance. Mais si cet oeil, de sa hauteur, a été contraint de vous voir ; si vous existez dans cet univers hivernal qui s’étend derrière cet oeil, vous êtes marqué, marqué comme un homme en manteau noir qui s’enfuit en rampant dans la neige ».

« Le vrai crime, c’est d’avoir le pouvoir de placer ces hommes là où ils sont et de les y maintenir. Ces hommes captifs sont le prix secret d’un mensonge secret : les justes doivent pouvoir identifier les damnés »

Une prière pour Owen – John Irving (1989)

Envie de plonger dans un univers hors norme ?

Bienvenue dans l’œuvre de John Irving et ses personnages hors du commun  !

Avec « Une prière pour Owen », nous faisons la connaissance d’Owen, ce petit être à la voix stridente et au caractère bien trempé. Owen est un personnage extrêmement humain qui touche le lecteur en plein cœur. Issu d’une famille de carriers, d’une intelligence supérieure et extrêmement croyant, il est malmené par ses camarades du fait de sa petite taille et de sa voix étrange. Ces railleries ne feront que renforcer son caractère au fil du temps.

Complémentaires, John et Owen, au fil des années, vont tisser une amitié forte et indestructible. John, le narrateur, est un être insignifiant, qui va mettre toute la lumière sur l’extravagance d’Owen.

Cette amitié sera aussi façonnée par un décès dramatiquement burlesque, hautement improbable et pourtant crédible. Cette mort tragique, au lieu de les séparer, sera comme le granit de leur relation.

Owen durant toute sa vie se sentira comme élu par une puissance qui le dépasse. Ce sentiment de toute puissance ne l’empêche pas de toucher son lecteur par sa sensibilité.

Si Owen se sent l’élu de Dieu, John, personnage largement autobiographique, est à la recherche de son père. Cette quête identitaire reste une clé de lecture de l’œuvre d’Irving.

John et Owen grandiront dans une Amérique sujette aux bouleversements politiques. A travers leurs voix, John Irving nous parle aussi de ses convictions politiques et nous plonge dans la guerre du Vietnam. J’ai apprécié cette toile de fond engagée qui transparaît durant tout le roman.

Le roman est aussi truffé de passages dramatiquement comiques, grotesques même. John Irving arrive ainsi à transporter son lecteur du rire aux larmes.

La densité du roman nous donne l’impression d’avoir littéralement vécu aux côtés de ses personnages dans leurs profondes intimités.

Owen fait partie des caractères qui ont marqué mon chemin littéraire.

Le monde d’Irving est inclassable et nous transporte à chaque roman ! Je ne peux que vous recommander son œuvre.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

A découvrir aussi ma chronique coup de ❤ sur son roman >> Le monde selon Garp (1978)

Citations :

« La mémoire est un monstre : vous oubliez ; elle, non. Elle se contente de tout enregistrer à jamais. Elle garde les souvenirs à votre disposition ou vous les dissimule, pour vous soumettre à la demande. Vous croyez posséder une mémoire, mais c’est elle qui vous possède ! »

« Quand meurt, de façon inattendue, une personne aimée, on ne la perd pas tout en bloc ; on la perd par petits morceaux, et ça peut durer très longtemps. Ses lettres qui n’arrivent plus, son parfum qui s’efface sur les oreillers et sur les vêtements. Progressivement, on additionne les pièces manquantes. Puis vient le jour où l’un de ces petits manques fait déborder la coupe du souvenir ; on comprend qu’on l’a perdue pour toujours… Puis vient un autre jour, et une nouvelle petite pièce manquante »

« Elle ne cessait de parler des livres comme des dernières cathédrales du savoir, que la télévision aurait pillées, puis abandonnées ». 

Portnoy et son complexe – Philip Roth (1969)

Et si nous commencions cette nouvelle année par des confessions sur le divan d’un psychanalyste ?

Alexander Portnoy, ce jeune homme de 33 ans livre à son psychanalyste les pires confessions. Il lui dévoile son rapport aux femmes, son rejet viscéral de ses parents surprotecteurs, son obsession pour la sexualité, son dédain pour la religion juive…

Elevé par une mère possessive et un père pour qui il n’a que très peu d’admiration, son destin d’enfant juif modèle le répugne.

Dès l’adolescence, il va s’engouffrer presque hystériquement dans un appétit sexuel qui ne semble jamais parvenir à contenir. Exutoire à ses frustrations et ses dilemmes moraux, son obsession pour la sexualité ne cesse de grandir.

Devenu un homme accompli intellectuellement, il refuse de reproduire le schéma familial en épousant une juive. Il préfère laisser libre court à ses pulsions.

Il fait la connaissance de Mary Jane Reed dit le « Singe », cette femme si lointaine du modèle parental. Complètement libre sexuellement, elle assouvit son appétit sexuel mais Alexander Portnoy estime qu’elle n’est pas à la hauteur de son intellect.

Arrogant et antipathique, Alexander n’engendre que très peu de tendresse et d’attachement chez le lecteur.

Durant toutes ses confessions à son psychanalyste, il effectue des va-et-vient incessants entre son modèle parental ancré et le rejet de son éducation.

Les ingrédients de l’univers de Philip Roth sont tous présents dans ce roman : un style corrosif, un humour carnassier, une description de la religion juive, des conflits familiaux, une culpabilité exacerbée et des préjugés tenaces décrits dans un style brillant.

Et pourtant, pour ma part, la magie n’a pas opéré. Ensevelie dans un discours parfois incohérent et noyée sous les références sexuelles crues, j’ai fini par perdre le fil de ma lecture.

Philip Roth n’a jamais cessé de me charmer au fil de ses romans et pour la première fois je suis malheureusement restée de marbre.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations :

« Mais enfin, pourquoi, bon Dieu, est-ce que je ne pourrais pas m’amuser un peu ? Pourquoi la moindre tentative de ma part dans la recherche du plaisir est-elle aussitôt illicite –pendant que le reste du monde se vautre en riant dans la boue ? « 

« Imaginez la chose : supposons que je me décide et que j’épouse A avec ses délicieux nichons et ainsi de suite, qu’arrivera-t-il lorsque B qui en possède d’encore plus délicieux –ou en tout cas de plus nouveaux- fera son apparition ? Ou C qui a une façon spéciale de remuer son cul dont je n’ai encore jamais fait l’expérience ; ou D, ou E, ou F. J’essaie d’être sincère vis-à-vis de vous, Docteur –parce qu’avec le sexe l’imagination humaine galope jusqu’à Z et ensuite au-delà ! »

Machenka – Vladimir Nabokov (1926)

« Mais aujourd’hui, le printemps est là,

A tous les coins, on vend du mimosa,

Je t’en apporte une branche ;

Elle est frêle comme un rêve… »

« Machenka », le premier roman de Vladimir Nabokov retrace les souvenirs nébuleux d’un amour adolescent.

Cet amour lie Ganine et Machenka, cette jeune femme mystérieuse dont on ne sait presque rien tout au long du récit.

Le cadre de ce roman nous laisse rêveur : une pension berlinoise où se rencontrent des réfugiés russes, plus attachants les uns que les autres, ayant fui leur pays après la révolution.

Koline et Gornotsvetov, un couple de danseurs professionnels ; Anton Sergueïevitch Podtiaguine, un vieux poète russe ; Klara, une femme naïve et tendre ou encore la logeuse, Lydia Nikolaïevna Dorn, veuve d’un homme d’affaires allemand timide et d’une extrême douceur.

Ganine, un homme froid et énigmatique, évolue dans cette pension où règne une atmosphère qui lui rappelle sa ville natale : la Russie.

Lors de son séjour, il rencontre Alfiorov, cet homme qui attend impatiemment sa femme : Machenka.

Ganine déniche une photo de cette femme énigmatique. Il découvre alors que cette épouse tant attendue n’est autre que son premier amour, un souvenir éblouissant et tendre. Il se replongera avec mélancolie et délice dans ce premier émoi d’une extrême pureté.

Avec ravissement, le lecteur revit cette passion de jeunesse. Tout en candeur, nous savourons l’émerveillement d’un premier amour.

Vladimir Nabokov nous dévoile un premier roman magistral qui nous transporte dans une écriture riche et poétique.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations : 

« Ganine avait l’impression que le crépuscule fuligineux qui s’infiltrait graduellement dans la chambre pénétrait aussi lentement son corps, transformant son sang en brouillard, sans qu’il fût capable d’échapper au maléfice que le clair-obscur avait jeté sur lui ».

« Toutes ces choses banales et pourtant précieuses qui nous deviennent si familières à la vue et au toucher et dont la seule vertu est qu’elles permettent au voyageur condamné au mouvement perpétuel de se sentir chez lui, si peu que ce soit, quand, vidant ses malles, il retrouve ces bibelots fragiles, précieux, humains, pour la centième fois ».

« Rien ne ressuscite le passé aussi complètement qu’une odeur qui lui a jadis été associée ».

« Ce baiser de pluie d’automne était si long et si profond qu’ensuite de grandes taches lumineuses dansaient devant ses yeux ».