Le bruit et la fureur – William Faulkner (1929)

Et si nous assistions au déchirement d’une famille ?

À travers le point de vue d’une fratrie, William Faulkner dresse le lent déclin des Compson, une famille aristocratique du Sud des États-Unis.

Dans ce récit, nous suivons plusieurs monologues intérieurs. Nous évoluons tout d’abord avec Benjy, le dernier-né de la fratrie, atteint d’une déficience mentale qui reste plongé dans les déchirements de son enfance. Puis, nous découvrons Quentin, l’aîné, cette âme torturée est sujette à des vagues de dépression. Il éprouve une passion empreinte de jalousie pour sa sœur Caddy tandis que Jason, lui, est envahi par la colère et une soif de vengeance. Enfin, Dilsey, la servante, assiste avec son regard réfléchi à l’évolution de ces bouleversements familiaux. Les générations successives de cette famille arriveront-elles à affronter ce délitement ?

D’une certaine complexité narrative, il n’est pas facile de comprendre les tourments intérieurs qui ébranlent les membres de cette famille. Malgré un style déroutant entre obscurité et déconstruction, tout finit par s’éclairer au fil de la lecture. Si ce roman arbore un aspect élitiste, il est aussi d’une très grande richesse et promet une véritable expérience littéraire !

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Mon père dit qu’un homme est la somme de ses propres malheurs. On pourrait penser que le malheur finirait un jour par se lasser, mais alors, c’est le temps qui devient votre malheur, dit papa ».

« Il n’y a que lorsque la pendule s’arrête que le temps se remet à vivre. Les aiguilles étaient allongées, pas tout à fait horizontales. Elles formaient une courbe légère comme des mouettes qui penchent dans le vent. Contenant tout ce qui d’habitude m’inspirait des regrets, comme la nouvelle lune contient de l’eau… »

Trilogie New-Yorkaise – Paul Auster (1985)

Et si nous combattions la solitude ?

Dans les méandres des rues de New York, Paul Auster, avec cette trilogie vertigineuse à la trame narrative complexe et intelligente, interroge notre rapport à l’autre et joue avec la dualité des identités.

Dans Cité de verre, nous découvrons Quinn, un auteur de polars sous pseudonyme qui se remet difficilement de la perte de sa femme et de son fils. Confondu avec Paul Auster, un soi-disant détective, il entreprend une enquête singulière et bientôt envoûtante qui le plonge dans les méandres de son existence.

Dans le second roman, Revenants, Bleu, un détective privé se voit confier la surveillance de Noir, un écrivain mystérieux qui connaît un quotidien plat et millimétré. Jusqu’où cette enquête apparemment banale va-t-elle l’ébranler ?

Dans le dernier récit, La Chambre dérobée, un homme voit ressurgir Fanshawe, son ami d’enfance. La femme de cet ami lui confie ses manuscrits et lui apprend sa brutale disparition. La relation fusionnelle qu’il a entretenue avec Fanshawe devient plus obsédante en son absence. Comment parviendra-t-il à s’affranchir de cette dualité insaisissable ?

En se plongeant dans les contours de nos intériorités, Paul Auster propose une errance dans le rapport de l’homme à sa solitude et aux autres. Dans cette trilogie foisonnante et inclassable, Paul Auster, en explorant les jeux de miroirs et la complexité de l’écriture, interroge sa propre existence.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Chaque fois qu’il sortait marcher il avait l’impression de se quitter lui-même, et, en s’abandonnant au mouvement des rues, en se réduisant à n’être qu’un œil qui voit, il pouvait échapper à l’obligation de penser, ce qui, plus que toute autre chose, lui apportait une part de paix, un vide intérieur salutaire…
Le mouvement était l’essence des choses, l’acte de placer un pied un pied devant l’autre et de se permettre de suivre la dérive de son propre corps ».

« Nos vies nous emportent selon des modes que nous ne pouvons maîtriser, et presque rien ne nous reste. Ce presque rien meurt avec nous et la mort est quelque chose qui nous arrive chaque jour ».

Home – Toni Morrison (2012)

Et si nous parlions d’un roman déchirant ?

Dans ce court ouvrage, avec un style envoûtant, Toni Morrison met des mots sur la violence de l’Amérique des années 50.

Frère et soeur, Frank et Cee ont été élevés dans un foyer imprégné par l’indifférence parentale, la violence de la ségrégation et du racisme.

Des années plus tard, hanté par des images de la Guerre de Corée, Frank, ancien vétéran, est emporté par une rage bouillonnante qui ne parvient pas à s’apaiser. Tandis que Cee, grièvement malade, est soumise à la toute-puissance d’un médecin. Prévenu que sa soeur court un grave danger, Frank traverse les États-Unis pour la retrouver. La relation qui les unit pourra-t-elle les sauver ?

Dans ce roman, Toni Morrison redonne foi en la liberté malgré les traumatismes. Avec une force d’écriture incroyable, elle nous plonge dans ce court récit, entre cruauté et grâce, dans une œuvre profondément humaine.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« Ne compte que sur toi-même. Tu es libre. Rien ni personne n’est obligé de te secourir à part toi. Sème dans ton propre jardin. Tu es jeune, tu es une femme, ce qui implique de sérieuses restrictions dans les deux cas, mais tu es aussi une personne. Ne laisse pas Lenore ni un petit ami insignifiant, et sûrement pas un médecin démoniaque, décider qui tu es. C’est ça, l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je te parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde. »

« Voilà que revenait la rage incontrôlée, la haine de soi déguisée en faute de quelqu’un d’autre ».

La Chambre de Giovanni – James Baldwin (1956)

Et si nous mêlions désir et trahison ?

Dans le décor parisien effervescent de l’après-guerre, David, un jeune Américain rencontre Giovanni, un immigré italien d’une beauté désinvolte. Un désir tortueux pour cet homme le submerge, alors que sa fiancée est partie pour l’Espagne.

Ébranlé par cette attirance, David se laisse emporter dans une relation passionnelle avec Giovanni jusqu’à partager un logement exigu avec lui. Leurs rapports s’intensifient au fil des mois mais David est tiraillé entre son désir et un sentiment de honte. Jusqu’où cette relation heurtera-t-elle son identité ?

Porté par un style brillant et sensitif, James Baldwin nous transporte dans cette relation tumultueuse entre deux hommes. Dans un milieu parisien marginalisé, James Baldwin retranscrit avec une grande maîtrise les douleurs liées à l’identité sexuelle.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« La mort de l’innocence est aussi la mort de la culpabilité ».

« Mais on ne peut malheureusement pas inventer nos amarres, nos amants ni nos amis, pas plus qu’on ne peut inventer nos parents. La vie nous les donne et nous les reprend, et la grande difficulté est de dire oui à la vie ».

Némésis – Philip Roth (2010)

Et si nous explorions l’enfer de la culpabilité ?

Dans ce roman poignant, Philip Roth retranscrit les ravages d’une épidémie de polio dans un quartier juif de Newark.

Durant l’été caniculaire de 1944, Bucky Cantor doit rester dans sa ville natale et ne peut pas combattre sur le front européen comme ses deux meilleurs amis. Exempté en raison d’une déficience visuelle, une profonde honte ronge ce garçon vigoureux et sportif. Pour pallier à son inaction, Bucky s’investit pleinement comme animateur du terrain de jeu de la ville et devient un véritable mentor pour les enfants. Quand la contagion s’accélère dans la ville, l’angoisse monte.

Rongée par l’inquiétude, sa fiancée lui propose de quitter la ville. Face à son sens du devoir, Bucky choisira-t-il la fuite ?

Avec un talent narratif indéniable, Philip Roth entremêle force et fragilité, et fait transparaître toutes les contradictions d’un homme face à une réalité implacable. Dans cette dernière œuvre digne d’une tragédie grecque, il confirme toute l’ampleur de son talent et nous fait entrevoir le désarroi d’un homme.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Il ne put poursuivre, il s’était mis à pleurer, de façon gauche, inexperte, comme pleurent les hommes qui d’habitude se croient de taille à faire face à n’importe quoi ».

« Ne vous battez pas contre vous-même. Il y a déjà suffisamment de cruauté dans le monde. »

« Parfois on a de la chance, et parfois on n’en a pas. Toute biographie tient du hasard et, dès le début de la vie, tout relève du hasard, de la tyrannie de la contingence. Le hasard, je crois que c’est ce que Mr Cantor voulait dire quand il accusait ce qu’il appelait Dieu »

Le pouvoir du chien – Thomas Savage (1967)

Et si nous évoquions un huis clos glaçant ?

Dans ce roman psychologique, l’apparition d’une femme dans la vie de deux frères va révéler des tensions sous-jacentes.

Dans le Montana, Phil et George Burbank partagent une exploitation de bétail prospère. Ils ont des caractères opposés : Phil, avec son intelligence implacable, arbore une sociabilité de façade. Beaucoup plus réservé que son frère, George est particulièrement sensible et doux.

S’ils ont toujours témoigné l’un envers l’autre d’une entente cordiale, le mariage de George avec Rose va laisser entrevoir toute la complexité de la relation qui lie les deux frères. Rose a perdu son premier mari dans des circonstances tragiques et elle intègre cette nouvelle famille avec son fils, Peter. Phil est immédiatement réfractaire à la sensibilité qui se dégage du jeune garçon et témoigne d’une hostilité prononcée à l’égard de Rose. Jusqu’où la cruauté glaçante de Phil les conduira-t-elle ?

Avec ce roman psychologique complexe, Thomas Savage parvient à nous révéler une fratrie régie par une masculinité exacerbée. Malgré une écriture riche, je n’ai pas adhéré à l’atmosphère pesante de ce roman et je n’ai pas éprouvé d’empathie pour les personnages.

Ma note

Note : 1.5 sur 5.

Citations

« Phil aimait l’idée de posséder tout, même l’amour de quelqu’un, de contrôler tout, jusqu’au point où il n’y avait plus de place pour personne d’autre ».

« Il n’y a rien de plus solitaire que de vivre entouré de gens que l’on ne comprend pas, et à qui l’on ne peut rien expliquer. »

L’invention de la solitude – Paul Auster (1982)

Et si nous évoquions l’absence avec Paul Auster ?

Dans ce livre fondateur, Paul Auster essaye de comprendre son héritage.

Dans la première partie de l’ouvrage « Portrait d’un homme invisible« , Paul Auster part sur les traces de son père. Suite à son décès soudain, il tente de mieux comprendre cet homme qui est demeuré toute sa vie absent. Comment faire le deuil d’un homme qui n’a jamais véritablement intégré son existence ? Paul Auster essaye de décrypter son père. Il tente de se remémorer sa gestuelle, ses habitudes, son étrangeté et sa manière d’aborder l’existence. Paul Auster n’a jamais véritablement réussi à comprendre son père. Face à ce deuil, il tente de renouer avec son enfance mais également de mieux comprendre son héritage familial. Parviendra-t-il à mettre des mots sur les drames familiaux invisibles ?

Dans la seconde partie « Le livre de la mémoire », Paul Auster nous propose une narration plus atypique. A travers le personnage de « A », il partage ses réflexions philosophiques sur l’impact de notre mémoire et de nos souvenirs. A nouveau, il interroge la filiation dans ce court récit dans un style plus décousu.

J’ai aimé la première partie de cet ouvrage qui nous propose un récit intime et poignant sur sa relation avec son père. J’ai trouvé la seconde partie plus complexe et déroutante et je n’ai malheureusement pas réussi à adhérer à cette narration particulière.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« De son vivant déjà, il était absent, et ses proches avaient appris depuis longtemps à accepter cette absence, à y avoir une manifestation fondamentale de son être » 

« Si inutiles que paraissent ces mots, ils m’ont néanmoins protégé d’un silence qui continue de me terrifier. Quand j’entrerai dans ce silence, cela signifiera que mon père a disparu pour toujours »

« Il est impossible, je m’en rends compte, de pénétrer la solitude d’autrui.
Si nous arrivons jamais, si peu que ce soit, à connaitre un de nos semblables, c’est seulement dans la mesure où il est disposé à se laisser découvrir ».

Récitatif – Toni Morrison (1983)

Et si nous lisions une énigme de Toni Morrison ?

Dans cette nouvelle, Toni Morrison nous propose une réflexion brillante autour de l’identité.

Lorsqu’elles se rencontrent, Twyla et Roberta ont à peine huit ans. Elles ont été recueillies et vivent dans un orphelinat. Si l’une est blanche et l’autre noire, elles partagent toutes les deux un même destin tragique. Durant leur séjour, elles vont se lier d’amitié et devenir inséparables.

Lorsqu’elles quittent le foyer, elles vont prendre des chemins différents. Pourtant au fil des années, Twyla et Roberta vont se recroiser à plusieurs reprises. Elles constatent alors le chemin parcouru et se remémorent cette enfance partagée. Ces rencontres feront-elles surgir des souvenirs enfouis ?

Avec un style brillant, Toni Morrison nous interroge sur nos préjugés et notre vision du monde. Avec espièglerie, elle piège son lecteur qui ne parviendra jamais véritablement à discerner l’identité de Twyla et Roberta et leur couleur de peau respective. Avec une postface passionnante de Zadie Smith qui permet d’éclairer ce texte, j’ai été conquise par cette nouvelle au style ciselé et corrosif.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Difficile de quitter un terrain de souffrance pour « passer à autre chose » si cette souffrance n’est pas reconnue ni décrite ».

« On ne s’aimait pas tant que ça, au début, mais personne d’autre ne voulait jouer avec nous parce qu’on n’était pas de vraies orphelines avec des parents beaux, morts et au ciel. Nous, on avait été abandonnées. Même les Portoricains de New York et les Indiens du Nord nous ignoraient ».

La douceur de l’eau – Nathan Harris (2022)

Et si nous suivions une quête vers l’émancipation ?

Dans ce premier roman, Nathan Harris nous propose une immersion au lendemain de la guerre de Sécession. Au coeur de la Géorgie, dans la petite ville de Old Ox, Landry et Prentiss connaissent la liberté. Ils viennent d’être émancipés par les soldats unionistes et peuvent enfin se libérer de leur maître et quitter la plantation de Ted Morton.

S’ils ne sont plus asservis, l’avenir des deux frères reste incertain. Le pays n’offre aucun travail pour les anciens esclaves. Ils se réfugient en forêt et rencontrent le propriétaire des terres voisines de leur ancienne plantation, George Walker. Ravagé par la douleur et la mélancolie, George se lie d’amitié avec les deux frères et leur propose un travail. Récemment affranchis, Landry et Prentiss se montrent d’abord méfiants et redoutent une nouvelle servitude. Ils finissent par accepter cette proposition inespérée mais le retour de Caleb, le fils de George, bouleversera leur destin. Pourront-ils enfin accéder à la liberté ?

Cette fresque américaine réussie dresse le portrait de personnages intenses et déchirés par leurs contradictions. Avec une belle maîtrise, Nathan Harris parvient à nous plonger dans une intrigue pleine de rebondissements mêlant violence et fraternité. J’ai apprécié ce roman profondément humain qui nous interroge sur le prix de la liberté.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citation

« Réunis au départ par une passion partagée pour l’indépendance, la capacité de traverser une grande partie de la journée en silence, ils avaient, pour exprimer leurs sentiments, seulement l’échange de regards et d’effleurements. Ainsi le lien qui les unissait s’était solidifié au fil des années, mais si ce lien était peu enclin à plier, il présentait néanmoins un point de faiblesse, un seul, du fait que son existence même était pour eux une source d’embarras. Ils étaient deux à prétendre n’avoir besoin de personne et voilà à présent qu’ils avaient désespérément besoin l’un de l’autre ».

Beaux et damnés – Francis Scott Fitzgerald (1922)

Et si nous rencontrions un couple New-Yorkais ?

Anthony est un homme aussi beau que riche. Oisif, il attend patiemment d’hériter de la fortune de son grand-père et vit dans un New-York luxueux. Quand Anthony rencontre Gloria, l’attraction est immédiate. Aussi belle que fantasque, elle fascine rapidement Anthony par son insouciance. Elle partage avec lui le même goût du luxe et de la volupté.

Malgré les beaux partis qui évoluent autour d’elle, Gloria va s’éprendre d’Anthony. Ensemble, ils vont partager une vie pleine d’ivresse et dilapider leur argent dans l’attente de l’héritage espéré. Pourtant le manque d’ambition d’Anthony inquiète son grand-père. Ancien financier de Wall Street, il semble déçu de son petit-fils. Face à une oisiveté exacerbée et des élans dispendieux, le couple sombrera-t-il dans la décadence ?

Dans un milieu New-Yorkais luxueux, le portrait de ces héritiers arrogants et cupides est finement dressé par F. Scott Fitzgerald. Si j’ai trouvé une certaine lenteur au début de ce roman, j’ai été au fil des pages emportée par l’évolution de ce couple.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Elle était un soleil, radieux, qui grandissait, recueillait la lumière et l’emmagasinait – puis, au bout d’une éternité, la faisait rejaillir dans un regard, un fragment de phrase, et cette lumière se répandait sur ce qui, en lui, chérissait tout ce qui est beauté, tout ce qui est illusion ».

« Il n’y a pas de beauté sans émotion qui serre le coeur, et il n’y a pas d’émotion qui serre le coeur sans la conviction que tout cela s’en va, les hommes, les noms, les livres, les maisons… que cela va retourner en poussière, que c’est mortel… »