Les Hauts de Hurle-vent – Emily Brontë (1847)

Et si nous abordions le classique de la littérature anglaise ?

Le domaine des Hauts de Hurle-vent est niché au coeur de l’Angleterre. Dans ce décor fantomatique, un drame familial passionnel noue les membres de la famille Earnshaw depuis de nombreuses années.

Lorsque le nouveau locataire de Thurshcross Grange, propriété située à quelques kilomètres du domaine des Hauts de Hurle-vent, rencontre Heathcliff celui-ci ne lui inspire qu’une profonde animosité. En effet, le caractère froid et acerbe de Heathcliff ne suscite aucune confiance. Le locataire est néanmoins fasciné par les mystères qui planent autour de cet odieux personnage. Il va obtenir les confessions de Mrs Dean, la femme de chambre de la famille. Au fil de son récit, elle lève le voile sur les sombres secrets familiaux.

Heathcliff a été recueilli depuis sa jeunesse par Mr Earnshaw. Cet enfant adopté a noué une relation fusionnelle avec Catherine, la fille de Mr Earnshaw. Catherine se rapproche d’Edgar Linton, un jeune homme issu d’une excellente famille qui lui promet un mariage stable et apaisé. Heathcliff ne supporte pas de ne plus être le seul objet des attentions de la jeune femme. Jusqu’où le lien unique qui lie Catherine et Heathcliff les conduira-t-il ?

Un roman fascinant qui nous emporte à la rencontre de personnages sombres et envoûtants. La passion destructrice et obscure qui relie Catherine et Heathcliff ébranle viscéralement et ne peut laisser indifférent. Un roman sauvage qui explore la damnation de deux êtres et s’enrichit des profondeurs de l’âme humaine. J’ai eu un coup de coeur pour ce roman inclassable qui s’éloigne des codes de son époque !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« J’aime le sol qu’il foule, l’air qu’il respire, et tout ce qu’il touche, et tout ce qu’il dit. J’aime tous ses regards, et tous ses gestes, je l’aime entièrement et complètement ». 

« Si tout le reste périssait et que lui demeurât, je continuerais d’exister; mais si tout le reste demeurait et que lui fût anéanti, l’univers me deviendrait complètement étranger, je n’aurais plus l’air d’en faire partie »

Vergès, une nuit avec le diable – Jean-Charles Chapuzet et Guillaume Martinez (2022)

Et si nous en apprenions davantage sur Jacques Vergès ?

Avocat emblématique et controversé, Jacques Vergès a marqué la défense et la justice française par ses prises de position.

Ce roman graphique sombre et documenté, nous permet de découvrir le passé et les valeurs de cet homme. Jacques Vergès, dit « L’avocat de la terreur » a notamment défendu des personnalités telles que Klaus Barbies. Il aimait à dire qu’il aurait défendu Hitler, il proclamait « faire son devoir sous les crachats est jouissif ».

Jacques Vergès s’est livré au cours d’un entretien octroyé à Jean-Charles Chapuzet. De cet interview est né une bande dessinée qui retrace les grandes périodes de la vie de ce ténor du barreau.

Son cynisme, son ton provocateur et sa grande culture ont dressé autour de lui une forme d’aura. Jacques Vergès aimait à alimenter ce mystère jusqu’à la légende. Porté par les dessins sombres et énigmatiques de Guillaume Martinez, Jean-Charles Chapuzet tente de percer le mystère d’un homme aussi charismatique qu’insaisissable.

J’ai aimé la mise en lumière faite de cet avocat contestataire et provocateur. Je ne peux que vous recommander cet éclairage différent qui donne envie d’approfondir son parcours.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Le Sagouin – François Mauriac (1947)

Et si nous parlions d’un roman imprégné d’humanité ?

Le petit Guillou est un fils rejeté par sa mère, Paule. Elle le perçoit comme un être dégénéré incapable de la moindre vivacité d’esprit. Cet enfant incompris est le terrible reflet de son père, un être insignifiant que sa femme juge imbécile. Ce mari erre et s’occupe d’un cimetière sans donner de sens à sa vie. Pourtant, Paule s’est mariée avec Galéas de Cernès il y a treize ans afin d’obtenir le titre honorifique de baronne. Ce statut elle ne l’obtiendra pas car il n’existe qu’une seule baronne, sa belle-mère. Les relations entre les deux femmes sont électriques et Madame la Baronne voue une haine farouche à sa belle-fille. S’agissant de son fils même si elle ne dit mot, elle perçoit toute sa médiocrité.

Lorsqu’un nouveau professeur s’installe dans le village, Paule voit l’opportunité de lui confier son fils. L’instituteur a la réputation d’être un fervent communiste. Madame la Baronne est outrée par ce rapprochement qui jette le discrédit sur toute la famille. Jusqu’où l’humiliation perpétuelle d’un fils et de son père les conduiront-ils ?

Avec justesse, François Mauriac explore le désamour maternel. Il nous dresse un portrait criant d’humanité d’un être sensible à l’écart du monde et soumis au regard intraitable de sa mère. En quelques pages, il parvient avec brio à explorer ce drame familial et à donner un véritable relief à ses personnages.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Ce que Paule voyait, quand elle pensait à son fils, c’étaient des genoux cagneux, des cuisses étiques, des chaussettes rabattues sur les souliers. À ce petit être sorti d’elle, la mère ne tenait aucun compte de ses larges yeux couleur de mûres, mais en revanche elle haïssait cette bouche toujours ouverte d’enfant qui respire mal, cette lèvre inférieure un peu pendante, beaucoup moins que ne l’était celle de son père, mais il suffisait à Paule qu’elle lui rappelât une bouche détestée »

« Comme on dit «faire l’amour», il faudrait pouvoir dire «faire la haine». C’est bon de faire la haine, ça repose, ça détend ».

Moins que zéro – Bret Easton Ellis (1985)

Et si nous contemplions une décadence californienne ?

Issu d’une famille aisée, Clay revient à Los Angeles auprès de ses proches pour les fêtes de fin d’année. Il est parti depuis quelques mois pour faire ses études supérieures dans le New-Hampshire. La distance avec sa famille ne semble pas l’affecter tant Clay est désabusé.

De retour dans sa ville natale, il revoit sa petite amie Blair et sa bande de copains. Pourtant ces retrouvailles ne semblent pas l’émouvoir et il essaye de noyer sa solitude dans l’alcool, la drogue ou les fêtes. Ses parents accaparés par leurs carrières sont bien inexistants et le laisse dans un luxe peuplé des pires excès. Malgré ces abus il n’arrive pas à combler le vide de son existence. Jusqu’où cette décadence le conduira-t-il ?

Sous les traits de Clay, c’est toute une jeunesse américaine dorée et désabusée que nous contemplons. Si j’ai aimé la plume acérée et cynique de Bret Easton Ellis, je n’ai pas retrouvé le génie d’un Bukowski ou d’un Fante. J’ai globalement apprécié cette lecture malgré une légère lassitude.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations :

« La piste de danse est couverte de gens, presque tous sont jeunes, presque tous s’ennuient, presque tous essaient de montrer qu’ils s’amusent ».

« On peut disparaitre ici sans même s’en apercevoir ».

Le livre des heures – Anne Delaflotte Mehdevi (2022)

Et si nous partagions la vie d’une femme en plein coeur de l’époque médiévale ?

En 1468, Marguerite vit sur le pont Notre-Dame dans une famille où son statut de femme la poursuit inlassablement.

Dès sa naissance sa mère semble lui reprocher son sexe. Heureusement elle partage une relation fusionnelle avec son frère jumeau, Jacquot, qui compense l’indifférence maternelle. Son frère, atteint d’épilepsie, est sujet à des crises foudroyantes. Sa mère s’alarme et use en vain de tous les remèdes pour sauver son fils. Elle finit par se détourner de cet enfant maladif et Marguerite doit veiller seule sur lui.

Marguerite est aussi une fille d’enlumineurs. Passionnée par le jeu des couleurs et l’art exigeant de la création de manuscrits, elle se cache dans l’atelier de son père et de son grand-père. Elle rêve de suivre une formation autour des livres à l’image de ses ancêtres. Sa mère s’oppose frontalement à ce souhait. Pourtant la détermination de Marguerite ne cesse de grandir et finir par convaincre les figures masculines de la famille. Brillante, elle s’acharne autour de la création « du livre des heures », ces livres de prières destinées à des clients bourgeois. L’ombre grandissante d’un indispensable mariage vient ébranler ses ambitions. Jusqu’où sa soif d’indépendance la conduira-t-elle ?

Une plongée intéressante au coeur de l’époque médiévale où nous suivons la destinée d’une femme confrontée à sa condition. J’ai bien aimé ce regard mêlant un portrait de femme avec des dimensions historiques et littéraires !

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citation :

« Elle sait que l’héritage de son grand-père ne fera que passer par elle,elle sait que pour qu’il vaille,la société veut qu’il s’enracine dans une lignée d’homme. Pour que l’atelier vive,lui survive,il faut que Marguerite s’associe à un homme de la profession »

La femme du deuxième étage – Jurica Pavičić (2022)

Et si nous choisissions un polar ?

Quand Bruna rencontre Frane l’évidence de leur attraction est indéniable. Face à l’intensité de leur amour, ils décident de se marier précipitamment. Malgré la relation forte qu’elle noue avec Frane, Bruna doit s’accommoder de l’omniprésence de la mère de son mari. En effet, Frane est extrêmement proche de Anka, sa mère, qui a assuré seule son éducation et celle de sa soeur. Rapidement, Bruna accepte les premières concessions et emménage au deuxième étage de la maison familiale.

Cette proximité fait de Anka une personne centrale dans la nouvelle vie de Bruna. Cependant Frane part régulièrement en mer, son travail de marin le contraint à de longues absences. Dans sa solitude, Bruna se retrouve isolée au deuxième étage de la maison sous le regard scrutateur de sa belle-mère. Lorsque nous retrouvons Bruna, trois ans plus tard en prison, nous comprenons qu’elle a commis l’irréparable. Comment cette animosité grandissante a-t-elle pu la conduire au crime ?

Un polar qui pose le crime mais qui recherche les mobiles du meurtre. Nous suivons la lente progression de Bruna vers l’assassinat. Dans une logique implacable et presque un déterminisme social, Bruna expose les circonstances qui l’ont conduite au crime. Le détachement de Bruna est glaçant tout au long du roman.

Même s’il manque de rebondissements, j’ai été littéralement emportée par ce récit qui se dévore et qui explore avec réussite la psychologie des personnages.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Le monde n’est qu’une suite rectiligne de dominos mettant à bas d’autres dominos, eux-mêmes abattant les suivants, sans autre alternative ».

« Elle regardait la mer sombre et froide, ces longues guirlandes d’immeubles socialistes dominant la mer, ces milliers d’alvéoles illuminées où tout un tas de gens vivaient leur vie. Elle regardait ces milliers de points comme des lucioles et pensait à la vie qu’elle-même menait, à la vie qu’elle désirait et à l’avenir qui l’attendait »

La décision – Karine Tuil (2022)

Et si nous partagions le quotidien d’une juge d’instruction antiterroriste ?

Alma Recel est une juge d’instruction au sein du pôle antiterroriste. Elle interroge depuis de nombreux mois Kacem Abdeljalil, mis en examen. Alma doit déceler la vérité et rassembler les preuves face à la suspicion de radicalisation qui plane depuis son retour de Syrie.

Alma s’est acclimatée à l’exigence et aux pressions de sa vie professionnelle, elle sait garder son calme face aux menaces quotidiennes. Lorsque son mariage éclate, elle commence à nouer une relation passionnelle avec l’avocat de Kacem ce qui perturbe l’instruction du dossier. Face à ces vacillements, Alma commence à perdre pied.

Tiraillée entre l’exigence de son métier et les bouleversements de sa vie personnelle, Alma saura-t-elle tout maitriser ?

Karine Tuil parvient avec une grande acuité à nous plonger dans la vie de cette juge d’instruction. Sa description du milieu judiciaire est juste et parfaitement documentée. Si ce récit nous emporte facilement, j’ai trouvé que la dimension personnelle de la vie d’Alma notamment sa passion amoureuse n’apportait pas une réelle dynamique narrative.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« L’homme n’est pas un bloc monolithique mais un être mouvant, opaque et d’une extrême ambiguïté, qui peut à tout moment vous surprendre par sa monstruosité comme par son humanité »

« Il était là devant moi, il me donnait à voir quelque chose de lui mais je ne savais pas qui il était vraiment ; je pouvais bien le fréquenter, l’aimer, je ne devais pas espérer comprendre sa nature profonde, je ne descendrais jamais en deçà du premier sous-sol et même là, je ne trouverais que de l’opacité – de lui, je ne verrais que ce qu’il voulait bien me montrer »

Le mage du Kremlin – Giuliano Da Empoli (2022)

Et si nous accédions aux pensées de Poutine ?

Dans ce brillant récit politique, Giuliano Da Empoli nous ouvre les portes du Kremlin.

Le héros de ce roman, Vadim Baranov est un personnage inspiré de Vladislav Sourkov un des hommes clés dans l’ascension de Vladimir Poutine. Ce conseiller n’était pas prédestiné à une telle collaboration. Issu d’un milieu aisé, il devient producteur à la télévision après des études d’art dramatique. Cette carrière tournée vers le milieu artistique est éloignée du projet politique de Vladimir Poutine.

Pourtant, le narrateur est approché par un homme d’affaire qui lui propose d’accéder aux arcanes du pouvoir. Ils décident ensemble de contribuer à l’ascension de Vladimir Poutine, chef du KGB. La personnalité et les aspirations du chef du Kremlin conduisent Vadim à une toute autre destinée…

Ce roman mêlant dimension politique et historique nous emporte littéralement au côté de Poutine et nous dévoile avec une grande acuité le fonctionnement du pouvoir en Russie. Un livre saisissant qui nous donne un nouvel éclairage sur l’actualité.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Personnellement je suivais toutes ces élucubrations avec un certain détachement. Les vivants m’ont toujours moins intéressé que les morts. Je me sentais perdu dans le monde jusqu’au moment où j’ai découvert que je pouvais passer la plus grande partie de mon temps en leur compagnie plutôt que de m’embêter avec mes contemporains »

« Poutine n’était pas un grand acteur comme je le croyais mais seulement un grand espion. Métier schizophrénique qui requiert, c’est certain, des qualités d’acteur. Mais le véritable acteur est extraverti, son plaisir de communiquer est réel. L’espion, en revanche, doit savoir bloquer toute émotion, si tant est qu’il en ait ».

La chute – Albert Camus (1956)

Et si nous partagions un monologue avec Albert Camus ?

Dans une logorrhée entrainante, le narrateur nous emporte dans ses réflexions sur son rapport aux autres.

Jean Baptiste Clamence est un avocat parisien renommé. Il a connu une véritable reconnaissance de ses pairs et a trouvé sa place dans un milieu bourgeois. Son déménagement précipité à Amsterdam et son changement de carrière questionne. Il semble avoir pris une voie bien différente suite au suicide d’une femme qu’il n’a pas tenté de sauver.

Nous découvrons un homme rongé par la culpabilité. Le cri de cette femme reste encore assourdissant en lui et l’empêche de vivre.

Devenu « Juge pénitent », il a élu domicile dans un bar miteux d’Amsterdam, le « Mexico City ». Attablé, il confesse chaque soir ses fautes pour tenter de révéler la part sombre de l’être humain et se libérer de sa propre culpabilité. Parviendra-t-il à trouver la rédemption ?

Un monologue fort où on retrouve le ton acerbe et vif d’Albert Camus. Si le discours est décousu, il est ponctué de passages d’un style remarquable. Je suis restée désarmée par ce court monologue mais il mériterai sans doute une relecture pour appréhender pleinement la force d’écriture et les réflexions d’Albert Camus.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Ne croyez pas surtout que vos amis vous téléphoneront tous les soirs, comme ils le devraient, pour savoir si ce n’est pas justement le soir où vous décidez de vous suicider, ou plus simplement si vous n’avez pas besoin de compagnie, si vous n’êtes pas en disposition de sortir. Mais non, s’ils téléphonent, soyez tranquille, ce sera le soir où vous n’êtes pas seul, et où la vie est belle. Le suicide, ils vous y pousseraient plutôt, en vertu de ce que vous vous devez à vous-même, selon eux ».

Vous savez ce qu’est le charme: une manière de s’entendre répondre oui sans avoir posé aucune question claire.

Le coût de la virilité – Lucile Peytavin (2021)

Et si nous abordions une réalité effarante ?

Dans ce court essai, Lucile Peytavin documente et met en lumière, chiffres à l’appui, le coût de la virilité. Ainsi, elle révèle que les hommes sont majoritairement mis en cause dans des affaires pénales.

Elle expose ainsi que les hommes représentent 84 % des auteurs d’accidents de la circulation mortels, 90% des personnes condamnées par la justice ou 86% des mis en cause pour meurtre…

Suite à un calcul minutieux, Lucile Peytavin révèle que le coût de la virilité s’élèverait à la somme de 95,2 milliards d’euros par an. Ce chiffre étourdissant permet surtout d’ouvrir la voie à une réflexion globale sur les conséquences d’une virilité exacerbée et sur nos modèles éducatifs.

Avec clarté, Lucile Peytavin donne les premières clés pour travailler sur une réalité incontestable et qui demeure cependant encore bien impalpable dans nos sociétés.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Avec cet essai, je voudrais alerter sur les comportements asociaux des hommes à travers leur importance statistique, ouvrir une réflexion sociétale autour de la question de la virilité et nous inviter, tous, à un examen de conscience approfondi ».

« La virilité est un ennemi difficilement saisissable.
Elle prend la plupart du temps les contours d’un visage masculin, mais
elle est en chacun de nous. Dans notre façon de penser, de nous comporter,
de voir le monde. Elle façonne nos modèles éducatifs, nos rapports sociaux
et modèle notre société. En cela, elle est un ennemi difficile à déloger.
Mettons fin tous ensemble à la virilité qui pervertit, qui viole, qui bat, qui
tue, qui écrase, la virilité qui ruine.
Le coût de la virilité n’est pas une fatalité »