La femme gauchère – Peter Handke (1976)

Et si nous parlions d’un récit nébuleux ?

Dans ce court roman, Marianne quitte brutalement son mari. Elle décide de vivre seule avec son fils. Les raisons de ce départ sont méconnus : quête de solitude ou de liberté ? volonté de fusionner avec son fils ? un amour en fuite ?

Au fil du récit, Marianne va reprendre son indépendance et poursuit son travail de traductrice. Dans une ambiance nébuleuse, où un froid glacial semble planer sur le récit, nous percevons les lentes évolutions de cette femme dans les petits gestes du quotidien.

Avec une écriture blanche, ce récit suspendu nous transporte dans un univers particulier. Si la plume est délicate, ce roman a manqué pour moi d’émotions et je n’ai pas été emportée dans l’univers des personnages.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« Être seul produit la souffrance la plus glacée, la plus dégoûtante qui soit : on devient inconsistant. Alors on a besoin de gens qui vous apprennent qu’on n’est tout de même pas aussi détérioré que cela »

« Si rêver veut dire, être ce qu’on est, alors je veux être une rêveuse »

La danseuse – Patrick Modiano (2023)

Et si nous croisions le chemin d’une danseuse ?

Dans ce récit au ton nébuleux, Patrick Modiano nous transmet des bribes de souvenirs, entre rêve et réalité.

Il y a plusieurs années, il a côtoyé une danseuse et son fils. Entre les répétitions successives et la garde de son fils, Pierre, le narrateur partage les instants volés dans le quotidien d’une danseuse. Au studio Wacker, les cours sont dispensés par Boris Kniaseff un professeur Russe aussi exigeant que brillant. Il apprend à la danseuse toute la discipline de son art qui n’est pas sans rappeler celle de la littérature.

Dans la vie de cette danseuse se cache pourtant des zones d’ombres plus brumeuses, les activités clandestines d’un protecteur, un homme qui commence à la suivre, le visage fantomatique du père de l’enfant se dessine en surplomb. L’écrivain parviendra-t-il à percer le mystère de la danseuse ?

Se plonger dans une oeuvre de Patrick Modiano, c’est savoir apprécier la douceur d’un rêve cotonneux. Nappé de souvenirs, ce court récit porte un regard nostalgique sur un Paris d’antan qui ne demande qu’à éclore. J’ai apprécié ce moment hors du temps et ce style toujours aussi remarquablement unique.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Voilà qu’un instant du passé s’incruste dans la mémoire comme un éclat de lumière qui vous parvient d’une étoile que l’on croit morte depuis longtemps ».

« C’était cela, la danse, avait-il l’habitude de dire à ses élèves. Tant de travail pour donner l’illusion que l’on s’envole sans effort à quelques mètres du sol… »

« Il n’y avait pas de passé, ni d’étoile morte, ni d’années-lumière qui vous séparent à jamais les uns des autres, mais ce présent éternel ».

L’arabe du futur, tome 2 Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – Riad Sattouf (2015)

Et si nous voyagions au Moyen-Orient avec Riad Sattouf ?

Dans ce second volume de l’arabe du futur, nous continuons à parcourir l’enfance de Riad Sattouf en plein cœur du Moyen Orient.

Nous retrouvons Riad pour sa première année d’école en Syrie. Malgré ses cheveux blonds et ses origines bretonnes, Riad fait tout pour s’intégrer. Dès les premiers jours, il parvient à nouer des relations amicales qui l’aident à faire face aux conditions d’enseignement. En effet, son institutrice use de brimades d’une particulière violence. Malgré tout, Riad réussit progressivement à s’accoutumer aux journées d’école rythmées par l’apprentissage de l’hymne national et du coran.

Son père croit en un avenir florissant dans ce petit village de Ter Maaleh, près de Homs. Il a d’ailleurs pour projet la construction d’une grande villa pour asseoir la position familiale dans la région. Sa mère ne parvient pas à s’acclimater à sa nouvelle vie et se désespère de leurs conditions d’existence. Comment Riad et sa famille vont-ils réussir à s’intégrer pleinement en Syrie ?

Riad Sattouf nous offre avec ce deuxième volume une nouvelle leçon d’humanité. Il parvient, avec tendresse, à nous transmettre des messages forts sur le contexte politique de l’époque et sur les conditions de vie en Syrie. Je continuerai à m’atteler à la découverte de la destinée de Riad.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Mrs Dalloway – Virginia Woolf (1925)

Et si nous parlions du classique de la littérature anglaise ?

Roman psychologique par excellence, tout en intériorité, Mrs Dalloway dresse le portrait d’une femme de son époque.

Clarissa est devenue Mrs Dalloway en épousant Richard, un homme qui en impose par sa réussite. Si peu de complicité apparaît entre eux, ils semblent avoir trouvé un intérêt mutuel à ce mariage. Issue de la haute bourgeoisie anglaise, Mrs Dalloway éblouit par son charisme et ses manières aristocratiques. Derrière ces apparences, qui est véritablement Clarissa ? Elle va renouer avec Peter Walsh, son amour de jeunesse et Sally, une grande amie qui représentent d’autres facettes de sa personnalité. A leurs contacts, elle redevient une femme libre qui a soif d’indépendance.

En toile de fond, nous comprenons aussi les zones d’ombres de Clarissa à travers le personnage de Septimus, un rescapé de la guerre qui plonge peu à peu dans la folie. Se cache aussi dans l’ombre de cette oeuvre, une autre femme, Virginia Woolf.

Les portraits multiples de Mrs Dalloway nous permettent d’appréhender toute la complexité de ce personnage. Au-delà d’un portrait de femme remarquable, ce texte porte une critique virulente sur la violence de la guerre et la domination masculine. Imprégné par la grâce, ce classique ardu et sensoriel doit être conservé dans sa bibliothèque.

Merci aux éditions folio pour l’envoi de cette magnifique édition.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« C’était l’heure, entre six et sept, où chaque fleur s’embrase — les roses, les œillets, les iris, les lilas ; blanche, violette, rouge, orange profond ; chaque fleur semble brûler de son propre feu, douce et pure, dans les plates-bandes embrumées ».

« Étonnant, incroyable ; elle n’avait jamais été aussi heureuse. Rien ne pouvait être assez lent ; rien ne pouvait durer trop longtemps. Il n’y avait pas de plus grand plaisir, pensa-t-elle en redressant les chaises, en repoussant un livre sur l’étagère, que d’en avoir fini avec les triomphes de la jeunesse, après s’être perdue à force de vivre, que de trouver le bonheur, dans un choc délicieux, quand le soleil se levait, quand le jour finissait »

« Malgré tout, qu’à un jour succède un autre jour; mercredi, jeudi, vendredi, samedi. Qu’on se réveille le matin; qu’on voie le ciel; qu’on se promène dans le parc; qu’on rencontre Hugh Whitbread; puis que soudain débarque Peter; puis ces roses; cela suffisait. Après cela, la mort était inconcevable…l’idée que cela doive finir; et personne au monde ne saurait comme elle avait aimé tout cela; comment, à chaque instant… »

La femme de Gilles – Madeleine Bourdouxhe (1937)

Et si évoquions la destinée d’une femme meurtrie ?

Femme de l’ombre ensevelie sous le regard de son mari, Elisa est la « femme de Gilles ». Elle se dévoue corps et à âme à l’amour qu’elle porte à son époux.

Femme et mère, Elisa attend un troisième enfant. Ses enfants sont le reflet de Gilles et de leur amour. Elle partage avec lui une vie paisible et une tendresse réconfortante. Quand le désir de Gilles implacable se tourne vers Victorine, la soeur d’Elisa, ce rapprochement semble inconcevable. Pourtant, Gilles se laisse consumer par cette passion dévorante. Face à sa jalousie, Elisa fait le choix de souffrir en silence et continue à se consacrer à son mari. Jusqu’où ce dévouement inconditionnel la conduira-t-elle ?

Madeleine Bourdouxhe dans un roman fluide et d’une simplicité implacable, nous raconte l’abnégation totale d’une femme. J’ai beaucoup apprécié ce texte qui dresse une réflexion pudique sur la condition de la femme.

Note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Alors femme toute pétrie d’une chair d’épouse ? Femme prédestinée à la création et au maintien d’un foyer ? Inquiète et engourdie de froid, réfugiée dans ton berceau de verdure, petite masse d’ombre un peu plus sombre dans l’ombre qui t’entoure, créature entre les autres créatures, faite de la même chair inquiète et douloureuse, comme elles épaulée par la vie, pourquoi aurais-tu été faite pour te réaliser selon des données uniques ? »

« Tu es seule devant la plus grande douleur de ta vie. La souffrance l’enlisait en vagues successives et toujours plus lourdes.Elle sentit que bientôt elle allait s’abandonner et tout compromettre »

« Et elle fit comme s’il n’y avait rien eu de lourd dans son coeur, hormis cette joie douloureuse et épuisante que tout amour comporte »

Les armoires vides – Annie Ernaux (1974)

Et si nous évoquions une honte enfouie ?

Dans un récit sans concession Annie Ernaux évoque son enfance et son mépris croissant vis-à-vis de ses parents.

Issu d’un milieu modeste, Annie Ernaux a grandi dans le café-épicerie de ses parents à Yvetot en Normandie. Elle a côtoyé les effluves d’alcool, entrecoupées de mots d’argots et de manières rustres. L’ascension sociale et culturelle elle la découvre par l’école. Chaque année, ses réussites scolaires l’éloignent de ses parents et lui font prendre conscience de la réalité du milieu dont elle est issue.

A travers une écriture impulsive et nerveuse, Annie Ernaux livre un portrait dérangeant de ses parents. Par les mots, elle tente de s’affranchir de la honte qu’elle porte en elle.

Avec une écriture acerbe et tranchante, Annie Ernaux évoque une déchirure sociale. Si j’ai été moins emportée que par les autres oeuvres d’Annie Ernaux, ce premier récit d’une vérité criante et parfois cruelle ne peut laisser indifférent.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« On ne parle jamais de ça, de la honte, des humiliations, on les oublie pas les phrases perfides en plein dans la gueule, surtout quand on est gosse ».

« Quand ai-je eu la trouille folle de leur ressembler, à mes parents ? »

Sonietchka – Ludmila Oulitskaïa (1992)

Et si nous parlions d’une femme littéraire ?

Femme effacée et solitaire au physique ingrat, Sonia se plonge dans la littérature depuis l’enfance pour se couper du monde. Elle puise dans la lecture des envies d’ailleurs.

Lorsqu’elle rencontre Robert, un peintre plus âgé, elle ne se rend pas compte de l’émoi qu’elle suscite chez cet homme. Leur mariage vient combler le vide de son existence. Dans cette nouvelle vie consacrée à son époux, elle trouve l’apaisement. Ce nouveau bonheur conjugal lui semble irréel. Elle se dédie complètement à son foyer et à son mari dans un oubli d’elle-même et de ses aspirations. Les trahisons et les obstacles de la vie viendront-ils perturber cette douce sérénité ?

Dans le décor de l’après-guerre soviétique, Ludmila Oulitskaïa nous dresse un portrait de femme au destin cruel. Sonia ne s’est jamais départie de son optimisme malgré l’adversité. Si j’aurais aimé que le texte soit davantage étoffée, j’ai passé un agréable moment de lecture en compagnie de Sonia.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Et chaque matin était peint aux couleurs de ce bonheur de femme immérité et si violent qu’elle n’arrivait pas à s’y accoutumer. Au fond de son âme, elle s’attendait secrètement à tout instant à perdre ce bonheur, comme une aubaine qui lui serait échue par erreur, à la suite d’une négligence ».

« Pendant vingt années, de sept à vingt-sept ans, Sonietchka avait lu presque sans discontinuer. Elle tombait en lecture comme on tombe en syncope, ne reprenant ses esprits qu’à la dernière page du livre »

« Le soir, chaussant sur son nez en forme de poire de légères lunettes suisses, elle plonge la tête la première dans des profondeurs exquises, des allées sombres et des eaux printanières »

Madame Zola – Evelyne Bloch-Dano (1997)

Et si nous apprenions à connaître Madame Zola ?

Dans cette biographie, remarquablement documentée, Evelyne Bloch-Dano met en lumière une femme de l’ombre, Madame Zola. Compagne, amante, admiratrice forcenée, aussi maternelle que déterminée, Alexandrine-Gabrielle Meley devenue Madame Zola a accompagné l’écrivain durant toute sa vie.

Dans cette oeuvre, Evelyne Bloch-Dano revient sur le parcours de cette grisette. Marquée par les drames de sa jeunesse et par la pauvreté, Gabrielle croise la route d’un jeune écrivain Aixois. Complices et déterminés, ils vont prendre leur revanche sur la vie et construire un avenir meilleur. L’osmose indéniable qui les relie va influencer l’écrivain et contribuer à sa réussite.

De Paris à Médan, ils vont bâtir ensemble une vie bourgeoise entourée d’artistes et d’intellectuels. Malgré les trahisons et les blessures de sa jeunesse, Madame Zola continue sans cesse à se battre, aussi forte que fragile, nous suivons pas à pas cette femme remarquable.

J’ai adoré cette lecture qui nous permet de mieux comprendre le parcours de Madame Zola et nous plonge dans l’intimité de ce couple. A travers la vie de la femme qui n’a jamais cesser de le soutenir, c’est aussi tout le destin d’Emile Zola qui est mis en lumière dans cette biographie particulièrement enrichissante. Pour les amoureux de cet immense écrivain, je ne peux que vous recommander de découvrir le portrait passionnant de sa femme.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Alexandrine est une compagne au sens plein du terme. Sa vigilance, sa méfiance, sa volonté, son esprit pratique, son sens des réalités, son humour, sa vitalité, son énergie tissent autour de l’écrivain son filet protecteur d’une extraordinaire solidité ».

« Autrement dit, ils ont assez de points communs pour se comprendre, et de dissemblances pour s’aimer »

« Le rôle de Madame Zola est tracé : elle est « la gardienne et la dévouée », chargée de représenter et défendre l’écrivain. Elle va s’y consacrer à plein temps, y puiser des forces neuves – et surtout y gagner une stature que sans l’exil, elle n’aurait jamais acquis »

Nous n’étions pas des tendres – Sylvie Gracia (2024)

Et si nous contemplions la maison du lac et nos souvenirs d’enfance ?

La situation de santé de son père contraint Hélène a passé ses vacances dans son pays natal. Elle a construit sa vie à Paris, loin de l’Occitanie et du village de son enfance. A cinquante ans, Hélène a divorcé. Elle est devenue mère de deux jeunes filles qui ont déjà pris leur envol.

Rien ne semble la rattacher à la maison du lac, cette ancienne bâtisse remplie des souvenirs passés aux côtés de ses parents et de son frère Miguel. Pourtant, la santé de son père se dégrade et ils vont passer quelques semaines ensemble dans cette maison de vacances. Durant ce séjour, elle va renouer avec son père et essayer de s’acclimater à ses silences et à cette relation tout en pudeur. Hélène reprend possession de ce village qui est resté comme figé dans le temps. Elle va croiser à nouveau le regard de Patrick, son amour de jeunesse. Quand tout s’accélère, Hélène réussira-t-elle à concilier sa nouvelle vie et l’omniprésence de ses souvenirs ?

Dans ce récit, Sylvie Gracia explore le rapport à nos parents, à la vieillesse et aux amours enfouis. J’ai aimé l’atmosphère de ce roman qui se lit facilement mais a manqué, pour ma part de consistance. Il ne me laissera pas une trace indélébile même si j’ai passé un agréable moment de lecture.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Ida-Elisabeth – Sigrid Undset (1932)

Et si nous découvrions les multiples vies d’Ida-Elisabeth ?

Toute sa vie, Ida-Elisabeth a oscillé entre sa liberté et ses devoirs envers sa famille.

Dès son plus jeune âge, Ida-Elisabeth a été poussée par une naïveté de jeunesse à consommer son union avec Frithjof qu’elle connait depuis son enfance. La force de ces circonstances a conduit la jeune Isa-Elisabeth à s’unir avec un homme oisif, immature et apathique. De ce mariage, deux enfants ont vu le jour, Charly et Solvi.

La déflagration de cette maternité va insuffler une profonde transformation chez Ida-Elisabeth. Devenue mère, ses enfants auront une place centrale dans son existence et elle commence peu à peu à remettre en question la place inexistante de son conjoint dans sa vie. Devenue le pilier de son couple et plus largement de sa belle-famille, sa force indéniable restera-t-elle toujours tournée vers les autres ?

Dans ce roman à l’écriture limpide, nous suivons avec délice le parcours de cette femme incroyable qui ne cesse d’interroger notre rapport à la maternité, à nos vies de femmes et d’amantes. Un livre qui m’a profondément marquée par la force de son propos mais aussi par sa modernité.

Ma note :

Note : 5 sur 5.