Thérèse – Arthur Schnitzler (1928)

Et si nous dressions le portrait d’une jeune viennoise ?

Dans ce roman psychologique remarquable, Arthur Schnitzler dresse le portrait de Thérèse et de sa lente et inexorable descente aux enfers.

Après la déception de ses premiers amours et confrontée à la maladie de son père, Thérèse quitte sa famille pour s’établir à Vienne. Elle exerce le métier d’institutrice au sein de diverses familles viennoises. Thérèse, en éduquant les enfants, accède à toute l’intimité des couples. Pourtant, elle ne trouve jamais sa place.

Entre passions amoureuses éphémères ou mariages chimériques, les désillusions se succèdent pour Thérèse. Combative, elle continue à avancer dans une époque où la condition de la femme ne cesse d’être inégale. Lorsqu’elle devient mère, jusqu’où le poids de cet enfant non désiré la conduira-t-elle ?

Ce roman pourtant court parvient à donner une dimension profonde et intense à cette héroine. J’ai eu un véritable coup de coeur pour ce sombre roman psychologique.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citation

« Une telle créature avait-elle droit au bonheur, pouvait-elle accomplir son destin de femme ? Jamais ! Elle était seule et condamnée à la solitude. Son fils ne lui était rien, car son cœur était usé comme son âme, comme son corps, comme ses vêtements ».

La grande ourse – Maylis Adhémar (2023)

Et si nous évoquions un roman sauvage ?

Imprégnée par ses Pyrénées natales, Zita a grandi auprès d’une famille d’éleveurs. Depuis son enfance, elle s’est acclimatée à une vie de bergère et a toujours été bercée par les contes fantastiques de son aïeule où se mélangent l’homme et l’animal.

Après avoir parcouru le monde, Zita rentre auprès des siens. Elle retrouve la proximité rassurante de sa famille et une vie simple au coeur des montagnes. Elle fait alors la rencontre de Pierrick, un citadin doux père d’une petite fille. Si tout semble les opposer et que l’ex-femme de Pierrick reste omniprésente dans sa vie, l’attraction est immédiate.

Les tensions de la région vont aussi avoir un impact sur le jeune couple. Les divergences s’accentuent entre les fervents défenseurs de la réintégration des ours dans les Pyrénées et les éleveurs qui craignent pour leur bétail. Malgré le calme paisible de la montagne, la menace des grands ours rode toujours. Quand les proches de Pierrick défendent la cause des espèces sauvages, Zita est tiraillée. Ces deux mondes vont-ils mettre en péril leur couple ?

Au-delà de l’analyse d’un triangle amoureux, Maylis Adhémar évoque le milieu rural et la cause des éleveurs. J’ai aimé cette imbrication entre la sphère intime de la vie de Zita et les problématiques plus vastes autour de la cause animale.

Si j’ai trouvé parfois les personnages légèrement stéréotypés, j’ai passé un excellent moment de lecture en compagnie de Zita. Je vous invite à découvrir cette nouvelle héroïne sauvage, transcendée par sa passion pour la nature.

Merci aux éditions Folio pour cet envoi dans le cadre du club des lecteurs.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Il ne savait rien d’elle, si ce n’est qu’elle venait d’entrer ici et dans son existence ».

« L’ours, cette boule de poil sauvage, cet animal ayant vécu depuis des millénaires dans les Pyrénées, cette espèce protégée, comment pouvait-on ne pas soutenir sa réintroduction dans la montagne ? Comment pouvait-on ne pas se réjouir de voir le sauvage gagner un petit peu de terrain dans ce monde en ébullition où la nature était mise à rude épreuve? Comment, elle, Zita, fille de la forêt et des estives, amoureuse des contes bestiaux de Petite Mère, pouvait-elle ne pas accepter l’ours, roi des animaux d’antan ? « 

Madame Hayat – Ahmet Altan (2021)

Et nous vivions avec un étudiant partagé entre deux femmes ?

Issu d’un milieu bourgeois, Fazil a dû s’acclimater à des conditions de vie beaucoup plus modestes suite au décès de son père. Devenu boursier, il doit pour poursuivre ses études de lettres vivre dans une pension. Il évolue dans une ville de plus en plus menaçante, les tensions montent et les espaces de liberté se restreignent.

Dans cette atmosphère asphyxiante, Fazil devient figurant dans une émission de télévision pour gagner un peu d’argent. Lors du tournage, il fait la rencontre de Madame Hayat. Beaucoup plus vieille que lui, sa présence et son charisme le fascinent instantanément. Il est comme emporté par un désir incommensurable. Parallèlement, il fait la connaissance de la jeune et jolie Sila, tout en grâce, elle partage avec lui son amour pour la littérature. Fazil arrive-t-il à choisir entre ces deux femmes à l’opposé l’une de l’autre ?

Un récit qui nous emporte vers l’époustouflante Madame Hayat dans une ambiance sombre et poétique. Au-delà de ce portrait fascinant, Ahmet Altan a écrit ce récit lors de sa détention et livre un portrait bouleversant de la Turquie. Je ne peux que vous recommander cette ode à la liberté emprunte de sensualité.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« La vie ne sert à rien d’autre qu’à être vécue. La stupidité, c’est d’économiser sur l’existence, en repoussant les plaisirs au lendemain, comme les avares. Car la vie ne s’économise… Si tu ne la dépenses pas, elle le fera d’elle-même, et elle s’épuisera ».

« J’ignorais alors qu’entrer dans la vie de quelqu’un, c’était pénétrer dans un labyrinthe souterrain, un lieu hanté de magie dont on ne pouvait sortir identique à la personne qu’on était avant de s’y engouffrer. Je croyais encore en la possibilité de traverser l’existence comme un personnage de roman, envoûté peut-être, mais certain de pouvoir sortir du cercle de mes émotions dès que l’envie m’en prendrait »

« La littérature est un télescope braqué sur les immensités de l’âme humaine ».

« Madame Hayat était libre. Sans compromis ni révolte. Libre seulement par désintérêt, par quiétude, et à chacun de nos frôlements, sa liberté devenait la mienne »

La Joie de vivre – Emile Zola (1884)

Et si nous faisions face à une mer tumultueuse ?

Dans le décor d’une maison de bord de mer, Pauline a été recueillie par ses cousins, les Chanteau à la mort de son père. Au rythme lancinant des vagues dans ce petit village près d’Arromanches, une vie paisible s’organise autour de cette modeste famille.

L’insouciance et la légèreté de Pauline, âgée de dix ans, apportent de la joie dans ce foyer. Pourtant, à mesure que Pauline grandit, des ombres planent sur cette famille entre les crises de goutte de l’oncle Chanteau et les pensées sombres et de plus en plus prégnantes de son cousin Lazare. Face aux besoins de cette famille et aux ambitions de Lazare, l’héritage de Pauline va être peu à peu dilapidé.

La bonté rayonnante de Pauline vont l’entrainer vers une vie sacrificielle pour ses proches. Jusqu’où son dévouement la conduira-t-elle ?

Emile Zola propose une analyse brillante autour de la mort. Roman psychologique passionnant de Zola, le portrait complexe et tout en finesse de Pauline et de ses proches est éblouissant.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« C’était donc cela, mourir? c’était ce plus jamais, ces bras tremblants refermés sur une ombre, qui ne laissait d’elle qu’un regret épouvanté ».

‘La mer, qui montait, avait une lamentation lointaine, pareille à un désespoir de foule pleurant la misère. Sur l’immense horizon, noir maintenant, flambait la poussière volante des mondes. Et, dans cette plainte de la terre écrasée sous le nombre sans fin des étoiles, l’enfant crut entendre près d’elle un bruit de sanglots ».

« Ne passait-on pas la première moitié de ses jours à rêver le bonheur, et la seconde à regretter et à trembler ? »

Love me tender – Constance Debré (2021)

Et si nous parlions d’un livre coup de poing ?

Dans ce court récit largement autobiographique, Constance Debré dresse le parcours d’une mutation.

Avocate et mère de famille, Constance Debré a décidé de changer de voie et de se connecter à sa véritable identité. Elle devient écrivaine et se libère de ses attaches. Constance se connecte à sa sexualité et multiplie les conquêtes féminines. Assumer ses choix va provoquer de nouveaux sacrifices. Face à l’homosexualité de son ex-femme le père de son fils décide d’entamer une procédure pour lui enlever la garde de son enfant. Entre les combats d’une mère et sa quête de liberté, Constance Debré parviendra-t-elle à trouver l’apaisement ?

Ce texte sans concession, loin des stéréotypes, donne à réfléchir sur notre rapport à la liberté, nos besoins de dépossession et porte un nouveau regard sur la maternité. Porté par une écriture âpre presque viscérale, ce récit poignant est une véritable claque littéraire.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Je ne vois pas pourquoi l’amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas cesser de s’aimer. Pourquoi on ne pourrait pas rompre . Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’en foutre, une fois pour toutes de l’amour, de l’amour prétendu, de toutes les formes d’amour, même de celui- là, pourquoi il faudrait absolument qu’on s’aime »

« En vrai un juge dit à un petit garçon qui sera un homme mon fils que sa mère est coupable parce que son père tout-puissant le décide. Qu’elle n’est pas vraiment une mère puisqu’elle n’est pas vraiment une femme puisqu’elle n’aime pas vraiment les hommes. Que l’endroit est toujours du côté du plus fort et que la liberté n’est qu’une farce »

La fille Elisa – Edmond de Goncourt (1877)

Et si nous dressions le portrait d’une prostituée devenue criminelle ?

Après la mort de son frère, Edmond de Goncourt poursuit le travail entamé avec lui et publie un roman dressant le portrait d’une prostituée. Fille de sage-femme, Elisa veut fuir sa mère et s’éloigner des souvenirs de son enfance.

Elle rencontre une prostituée qui loge parfois chez sa mère. Cette femme fait basculer son destin. A son contact, elle imagine que le métier de prostituée sera source d’épanouissement et de liberté. Elle saisit cette opportunité pour prendre la fuite et suit cette femme dans un petit village de province.

Finalement, elle décide de poursuivre sa route jusqu’à Paris mais son caractère ne lui permet pas de trouver véritablement sa place. Indolente, elle erre entre les maisons de prostitution et s’étiole jour après jour. Quand elle est condamnée pour le meurtre d’un homme, sa déchéance devient implacable. Jusqu’où cette descente aux enfers la conduira-t-elle ?

Si le personnage d’Elisa n’est pas flamboyant mais plutôt apathique, j’ai apprécié cependant la description du milieu carcéral de l’époque. Au-delà de dépeindre la destinée d’une femme et sa lente décadence, Edmond de Goncourt expose un véritable manifeste contre la cruauté pénitentiaire qui demeure intéressant.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« Elle aima avec les tendresses amassées dans un vieux coeur qui n’a point aimé. Elle aima avec l’aliénation d’un cerveau, comme frappé d’une folie de bonheur »

« Elle eût voulu l’aimer, être aimée de lui, rien qu’avec des lèvres qui embrasseraient toujours »

Beaux et damnés – Francis Scott Fitzgerald (1922)

Et si nous rencontrions un couple New-Yorkais ?

Anthony est un homme aussi beau que riche. Oisif, il attend patiemment d’hériter de la fortune de son grand-père et vit dans un New-York luxueux. Quand Anthony rencontre Gloria, l’attraction est immédiate. Aussi belle que fantasque, elle fascine rapidement Anthony par son insouciance. Elle partage avec lui le même goût du luxe et de la volupté.

Malgré les beaux partis qui évoluent autour d’elle, Gloria va s’éprendre d’Anthony. Ensemble, ils vont partager une vie pleine d’ivresse et dilapider leur argent dans l’attente de l’héritage espéré. Pourtant le manque d’ambition d’Anthony inquiète son grand-père. Ancien financier de Wall Street, il semble déçu de son petit-fils. Face à une oisiveté exacerbée et des élans dispendieux, le couple sombrera-t-il dans la décadence ?

Dans un milieu New-Yorkais luxueux, le portrait de ces héritiers arrogants et cupides est finement dressé par F. Scott Fitzgerald. Si j’ai trouvé une certaine lenteur au début de ce roman, j’ai été au fil des pages emportée par l’évolution de ce couple.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Elle était un soleil, radieux, qui grandissait, recueillait la lumière et l’emmagasinait – puis, au bout d’une éternité, la faisait rejaillir dans un regard, un fragment de phrase, et cette lumière se répandait sur ce qui, en lui, chérissait tout ce qui est beauté, tout ce qui est illusion ».

« Il n’y a pas de beauté sans émotion qui serre le coeur, et il n’y a pas d’émotion qui serre le coeur sans la conviction que tout cela s’en va, les hommes, les noms, les livres, les maisons… que cela va retourner en poussière, que c’est mortel… »

Moins qu’hier (plus que demain) – Fabcaro (2018)

Et si nous choisissions le rire pour retranscrire les relations amoureuses ?

A propos de l’amour, Fab Caro s’exprimait ainsi « J’ai beaucoup de tendresse pour les choses qui ne marchent pas : le couple est un super terreau »

Fidèle à cette idée, Fabcaro dissèque avec tendresse le couple dans cette bande dessinée brillante. Au fil des pages, il dévoile des instants de vie savoureux. Fabcaro met en scène des dizaines de couples. Dans leurs échanges du quotidien se mêlent des tirades cyniques et des mots acerbes. Entre des disputes piquantes, des scènes cocasses ou le monologue d’un homme qui nie la réalité d’une séparation, Fabcaro nous entraine facilement dans son univers.

Avec le ton unique et irrévérencieux de Fabcaro, nous suivons les moments volés de ce quotidien fait de désillusions. Un incontournable si vous voulez savourer quinze minutes de rire ininterrompu.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Le noeud de vipères – François Mauriac (1932)

Et si nous percions le mystère d’un coeur haineux ?

Louis, un ancien avocat avare à la santé fragile, décide de confesser dans une lettre adressée à sa femme sa profonde amertume. Cette confession est aussi l’occasion pour lui de revenir sur son passé.

De son union avec son épouse, Isa, est née trois enfants. Au fil des années, il a porté un regard de plus en plus dur et violent sur sa famille.

Dans cette longue diatribe, il révèle son mépris des siens et sa soif de vengeance. Il soupçonne ses proches de roder autour de lui dans le seul but de le dépouiller de son argent. Empoisonné par une profonde rancoeur, il échafaude des plans afin de tous les déshériter. Derrière cette haine farouche se cache-t-il encore de l’amour ?

Porté par une écriture finement travaillée, ce portrait familial ponctué d’épines est incontestablement réussi. Un très beau texte sur la complexité des rapports familiaux qui s’érige comme un classique de la littérature.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Envier des êtres que l’on méprise, il y a dans cette honteuse passion de quoi empoisonner toute une vie »

« Ceux qui ont l’habitude d’être aimés accomplissent, d’instinct, tous les gestes et disent toutes les paroles qui attirent les cœurs. Et moi, je suis tellement accoutumé à être haï et à faire peur, que mes prunelles, mes sourcils, ma voix, mon rire se font docilement les complices de ce don redoutable et préviennent ma volonté ».

Clara lit Proust – Stéphane Carlier (2022)

Et si un roman nous insufflait l’envie de lire Proust ?

Dans ce court roman, Stéphane Carlier propose un hommage à Marcel Proust et met en lumière ce grand écrivain.

Coiffeuse dans une petite ville de Saône-et-Loire, Clara n’a jamais véritablement eu accès à la culture. Chaque jour de travail se ressemble entre la compagnie des clients successifs, de ses collègues mais aussi de sa patronne, solaire mais aussi mutique sur une partie de sa vie.

Clara est en couple avec un jeune homme séduisant mais avec qui les échanges se restreignent désormais à des platitudes. Les journées se déroulent avec une douce mélancolie dans un quotidien rythmé par les mêmes habitudes.

Le destin va mettre entre les mains de Clara un roman de Marcel Proust. Si elle ne pensait jamais lire un tel classique, elle va se laisser glisser entre les pages de cette oeuvre. Happée par l’écriture de Marcel Proust, les mots de l’écrivain font écho à ses propres souvenirs d’enfance et deviennent son refuge. Jusqu’où cette découverte littéraire la conduira-t-elle ?

J’ai trouvé la trame et le style de ce roman assez convenu et je n’ai pas été totalement emportée par le destin de Clara. Si la lecture reste agréable, j’ai surtout aimé les extraits de l’oeuvre de Proust qui nous donne terriblement envie de (re)découvrir ce grand écrivain.

Merci aux éditions Folio pour cet envoi dans le cadre du club des lecteurs Folio.

Ma note

Note : 2 sur 5.

Citations

« À la lecture de ces pages, quelque chose d’un peu magique s’est passé qui, pour la première fois, lui a laissé penser que les livres pouvaient être meilleurs que la vie ».

« Il faut prendre son temps, faire des pauses. Maintenant, quand je le lis, j’ai l’impression de l’entendre me parler ».