Connemara – Nicolas Mathieu (2022)

Et si nous pouvions corriger le passé ?

Dans ce récit immersif, Nicolas Mathieu dévoile l’union de deux destins opposés.

A quarante ans, Hélène a depuis longtemps quitter sa ville natale. Elle a construit sa vie et sa carrière, loin de la modeste ville de son enfance. Elle évolue avec son époux et ses deux filles dans le confort d’une vie bourgeoise. Si toutes ses ambitions semblent avoir été accomplies, ses aspirations ont pourtant un arrière goût de désillusion.

Par hasard, elle croise à nouveau le regard de Christophe, l’ancien joueur de hockey adulé par toutes les jeunes filles du lycée. Cet amour inachevé va la heurter de plein fouet et faire ressurgir ses fantasmes d’adolescente. Christophe n’a pas quitté la ville et ses rêves de jeunesse. Ces vies si diamétralement opposées vont-elles pouvoir se réunir ?

Avec des personnages incarnés, Nicolas Mathieu mêle avec brio nostalgie du passé, rêves déchus et ambitions avortées. Grâce à son sens de l’observation redoutable et ce ton toujours aussi acerbe, Nicolas Mathieu dans ce roman politique et social confirme son indéniable talent.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Il fallait vivre pourtant et espérer, malgré le compte à rebours et les premiers cheveux blancs. Des jours meilleurs viendraient. On le lui avait promis. »

« Enfin la voix de Sardou, et ces paroles qui faisaient semblant de parler d’ailleurs, mais ici, chacun savait à quoi s’en tenir. Parce que la terre, les lacs, les rivières, ça n’était que des images, du folklore. Cette chanson n’avait rien à voir avec l’Irlande. Elle parlait d’autre chose, d’une épopée moyenne, la leur, et qui ne s’était pas produite dans la lande ou ce genre de conneries, mais là, dans les campagnes et les pavillons, à petits pas, dans la peine des jours invariables, à l’usine puis au bureau, désormais dans les entrepôts et les chaînes logistiques, les hôpitaux et à torcher le cul des vieux, cette vie avec ses équilibres désespérants, des lundis à n’en plus finir et quelquefois la plage, baisser la tête et une augmentation quand ça voulait, quarante ans de boulot et plus, pour finir à biner son minuscule bout de jardin, regarder un cerisier en fleur au printemps, se savoir chez soi, et puis la grande qui passait le dimanche en Megane, le siège bébé à l’arrière, un enfant qui rassure tout le monde : finalement, ça valait le coup. Tout ça, on le savait d’instinct, aux premières notes, parce qu’on l’avait entendue mille fois cette chanson, au transistor, dans sa voiture, à la télé, grandiloquente et manifeste, qui vous prenait aux tripes et rendait fier ».

Le destin personnel – Elsa Triolet (1947)

Et si nous parlions du destin de deux femmes sous l’occupation ?

Avec une plume limpide et éclatante, Elsa Triolet propose deux récits où planent l’ombre inquiétante de l’occupation.

Dans la première nouvelle « le destin personnel », Elsa Triolet évoque la vie de Charlotte. Son époux Georges a été fait prisonnier de guerre et elle vit dans des conditions modestes avec sa mère et sa belle famille. Cette vie exiguë à Paris l’oppresse jour après jour. Quand son amie Margot et son époux lui proposent de les rejoindre dans une demeure reculée, elle accepte. Elle cotoie le couple mais profite de son séjour pour trouver de véritables espaces de liberté. Ce séjour dans la France libre sera-t-il synonyme d’apaisement ?

Dans la seconde nouvelle « La belle épicière », une femme évolue avec son jeune fils dans une vie conformiste aux côtés d’un mari absent et violent. Commerçante, elle doit assumer seule la charge de l’épicerie. Un inconnu rentre dans sa vie et avec lui des aspirations charnelles. Jusqu’où cet élan libertaire la conduira-t-elle ?

Dans ces deux nouvelles, Elsa Triolet dresse le portrait de deux femmes sous l’occupation. Des personnages libres qui sont contraintes de se conformer aux carcans de la société. Leur envol est finement décrit par Elsa Triolet et j’ai beaucoup apprécié sa plume.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citation

« Je sors dans le jardin. Il fait presque complètement nuit. Je lève mes jupes et je fais pipi au beau milieu, devant l’escalier à balustres. Je me déshabille. Ah, l’inexprimable plaisir de l’air frais sur tout le corps. Je laisse mes vêtements épars par terre et je sors toute nue sur le plateau. Un coup de vent me fait frissonner. Je vais aller jusqu’à l’endroit d’où l’on voit la ville, je veux une fois goûter toutes les joies d’un coup ».

La vie clandestine – Monica Sabolo (2022)

Et si nous parvenions à percer les mystères autour d’Action Directe ?

En retraçant le parcours d’un groupe terroriste d’extrême gauche, Action Directe, c’est son propre passé que Monica Sabolo remet en perspective. Elle va essayer de percer les secrets autour d’un groupe politique, engagé et violent pour mieux comprendre les zones d’ombres de sa propre famille et notamment les activités occultes de son père.

Monica Sabolo concentre son enquête sur l’assassinat en 1986 de Georges Besse, PDG de Renault. Elle va notamment essayer de dresser le portrait de deux femmes, Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron, condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité pour ce meurtre. Comment ces deux femmes sont-elles devenues des meurtrières ?

Je me suis un peu perdue dans ce récit qui retrace à la fois les actions d’un groupe extrémiste mais aussi le passé sombre de la narratrice. J’aurai préféré une véritable immersion dans le mouvement d’Action Directe afin de mieux comprendre leur mécanisme. Finalement ce sujet est uniquement un prétexte pour Monica Sabolo pour se réveler à elle-même et évoquer un passé traumatique. Ce mélange ne m’a malheureusement pas convaincu.

Ma note

Note : 2 sur 5.

Citations

« Nous nous racontons une histoire, puis nous la réécrivons, au fil du temps. Ce spectre fantasque s’appelle la mémoire. Le souvenir est un organisme vivant, un corps autonome, qui s’auto-génère. Personne ne ment, le spectre a juste pris la main ».

« On ne peut pas tout expliquer, non, mais face au désespoir, demeure la possibilité d’une échappée, une vie clandestine, née d’un court-circuit ».

La grande ourse – Maylis Adhémar (2023)

Et si nous évoquions un roman sauvage ?

Imprégnée par ses Pyrénées natales, Zita a grandi auprès d’une famille d’éleveurs. Depuis son enfance, elle s’est acclimatée à une vie de bergère et a toujours été bercée par les contes fantastiques de son aïeule où se mélangent l’homme et l’animal.

Après avoir parcouru le monde, Zita rentre auprès des siens. Elle retrouve la proximité rassurante de sa famille et une vie simple au coeur des montagnes. Elle fait alors la rencontre de Pierrick, un citadin doux père d’une petite fille. Si tout semble les opposer et que l’ex-femme de Pierrick reste omniprésente dans sa vie, l’attraction est immédiate.

Les tensions de la région vont aussi avoir un impact sur le jeune couple. Les divergences s’accentuent entre les fervents défenseurs de la réintégration des ours dans les Pyrénées et les éleveurs qui craignent pour leur bétail. Malgré le calme paisible de la montagne, la menace des grands ours rode toujours. Quand les proches de Pierrick défendent la cause des espèces sauvages, Zita est tiraillée. Ces deux mondes vont-ils mettre en péril leur couple ?

Au-delà de l’analyse d’un triangle amoureux, Maylis Adhémar évoque le milieu rural et la cause des éleveurs. J’ai aimé cette imbrication entre la sphère intime de la vie de Zita et les problématiques plus vastes autour de la cause animale.

Si j’ai trouvé parfois les personnages légèrement stéréotypés, j’ai passé un excellent moment de lecture en compagnie de Zita. Je vous invite à découvrir cette nouvelle héroïne sauvage, transcendée par sa passion pour la nature.

Merci aux éditions Folio pour cet envoi dans le cadre du club des lecteurs.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Il ne savait rien d’elle, si ce n’est qu’elle venait d’entrer ici et dans son existence ».

« L’ours, cette boule de poil sauvage, cet animal ayant vécu depuis des millénaires dans les Pyrénées, cette espèce protégée, comment pouvait-on ne pas soutenir sa réintroduction dans la montagne ? Comment pouvait-on ne pas se réjouir de voir le sauvage gagner un petit peu de terrain dans ce monde en ébullition où la nature était mise à rude épreuve? Comment, elle, Zita, fille de la forêt et des estives, amoureuse des contes bestiaux de Petite Mère, pouvait-elle ne pas accepter l’ours, roi des animaux d’antan ? « 

La Joie de vivre – Emile Zola (1884)

Et si nous faisions face à une mer tumultueuse ?

Dans le décor d’une maison de bord de mer, Pauline a été recueillie par ses cousins, les Chanteau à la mort de son père. Au rythme lancinant des vagues dans ce petit village près d’Arromanches, une vie paisible s’organise autour de cette modeste famille.

L’insouciance et la légèreté de Pauline, âgée de dix ans, apportent de la joie dans ce foyer. Pourtant, à mesure que Pauline grandit, des ombres planent sur cette famille entre les crises de goutte de l’oncle Chanteau et les pensées sombres et de plus en plus prégnantes de son cousin Lazare. Face aux besoins de cette famille et aux ambitions de Lazare, l’héritage de Pauline va être peu à peu dilapidé.

La bonté rayonnante de Pauline vont l’entrainer vers une vie sacrificielle pour ses proches. Jusqu’où son dévouement la conduira-t-elle ?

Emile Zola propose une analyse brillante autour de la mort. Roman psychologique passionnant de Zola, le portrait complexe et tout en finesse de Pauline et de ses proches est éblouissant.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« C’était donc cela, mourir? c’était ce plus jamais, ces bras tremblants refermés sur une ombre, qui ne laissait d’elle qu’un regret épouvanté ».

‘La mer, qui montait, avait une lamentation lointaine, pareille à un désespoir de foule pleurant la misère. Sur l’immense horizon, noir maintenant, flambait la poussière volante des mondes. Et, dans cette plainte de la terre écrasée sous le nombre sans fin des étoiles, l’enfant crut entendre près d’elle un bruit de sanglots ».

« Ne passait-on pas la première moitié de ses jours à rêver le bonheur, et la seconde à regretter et à trembler ? »

Love me tender – Constance Debré (2021)

Et si nous parlions d’un livre coup de poing ?

Dans ce court récit largement autobiographique, Constance Debré dresse le parcours d’une mutation.

Avocate et mère de famille, Constance Debré a décidé de changer de voie et de se connecter à sa véritable identité. Elle devient écrivaine et se libère de ses attaches. Constance se connecte à sa sexualité et multiplie les conquêtes féminines. Assumer ses choix va provoquer de nouveaux sacrifices. Face à l’homosexualité de son ex-femme le père de son fils décide d’entamer une procédure pour lui enlever la garde de son enfant. Entre les combats d’une mère et sa quête de liberté, Constance Debré parviendra-t-elle à trouver l’apaisement ?

Ce texte sans concession, loin des stéréotypes, donne à réfléchir sur notre rapport à la liberté, nos besoins de dépossession et porte un nouveau regard sur la maternité. Porté par une écriture âpre presque viscérale, ce récit poignant est une véritable claque littéraire.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Je ne vois pas pourquoi l’amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas cesser de s’aimer. Pourquoi on ne pourrait pas rompre . Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’en foutre, une fois pour toutes de l’amour, de l’amour prétendu, de toutes les formes d’amour, même de celui- là, pourquoi il faudrait absolument qu’on s’aime »

« En vrai un juge dit à un petit garçon qui sera un homme mon fils que sa mère est coupable parce que son père tout-puissant le décide. Qu’elle n’est pas vraiment une mère puisqu’elle n’est pas vraiment une femme puisqu’elle n’aime pas vraiment les hommes. Que l’endroit est toujours du côté du plus fort et que la liberté n’est qu’une farce »

La fille Elisa – Edmond de Goncourt (1877)

Et si nous dressions le portrait d’une prostituée devenue criminelle ?

Après la mort de son frère, Edmond de Goncourt poursuit le travail entamé avec lui et publie un roman dressant le portrait d’une prostituée. Fille de sage-femme, Elisa veut fuir sa mère et s’éloigner des souvenirs de son enfance.

Elle rencontre une prostituée qui loge parfois chez sa mère. Cette femme fait basculer son destin. A son contact, elle imagine que le métier de prostituée sera source d’épanouissement et de liberté. Elle saisit cette opportunité pour prendre la fuite et suit cette femme dans un petit village de province.

Finalement, elle décide de poursuivre sa route jusqu’à Paris mais son caractère ne lui permet pas de trouver véritablement sa place. Indolente, elle erre entre les maisons de prostitution et s’étiole jour après jour. Quand elle est condamnée pour le meurtre d’un homme, sa déchéance devient implacable. Jusqu’où cette descente aux enfers la conduira-t-elle ?

Si le personnage d’Elisa n’est pas flamboyant mais plutôt apathique, j’ai apprécié cependant la description du milieu carcéral de l’époque. Au-delà de dépeindre la destinée d’une femme et sa lente décadence, Edmond de Goncourt expose un véritable manifeste contre la cruauté pénitentiaire qui demeure intéressant.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« Elle aima avec les tendresses amassées dans un vieux coeur qui n’a point aimé. Elle aima avec l’aliénation d’un cerveau, comme frappé d’une folie de bonheur »

« Elle eût voulu l’aimer, être aimée de lui, rien qu’avec des lèvres qui embrasseraient toujours »

Moins qu’hier (plus que demain) – Fabcaro (2018)

Et si nous choisissions le rire pour retranscrire les relations amoureuses ?

A propos de l’amour, Fab Caro s’exprimait ainsi « J’ai beaucoup de tendresse pour les choses qui ne marchent pas : le couple est un super terreau »

Fidèle à cette idée, Fabcaro dissèque avec tendresse le couple dans cette bande dessinée brillante. Au fil des pages, il dévoile des instants de vie savoureux. Fabcaro met en scène des dizaines de couples. Dans leurs échanges du quotidien se mêlent des tirades cyniques et des mots acerbes. Entre des disputes piquantes, des scènes cocasses ou le monologue d’un homme qui nie la réalité d’une séparation, Fabcaro nous entraine facilement dans son univers.

Avec le ton unique et irrévérencieux de Fabcaro, nous suivons les moments volés de ce quotidien fait de désillusions. Un incontournable si vous voulez savourer quinze minutes de rire ininterrompu.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Le noeud de vipères – François Mauriac (1932)

Et si nous percions le mystère d’un coeur haineux ?

Louis, un ancien avocat avare à la santé fragile, décide de confesser dans une lettre adressée à sa femme sa profonde amertume. Cette confession est aussi l’occasion pour lui de revenir sur son passé.

De son union avec son épouse, Isa, est née trois enfants. Au fil des années, il a porté un regard de plus en plus dur et violent sur sa famille.

Dans cette longue diatribe, il révèle son mépris des siens et sa soif de vengeance. Il soupçonne ses proches de roder autour de lui dans le seul but de le dépouiller de son argent. Empoisonné par une profonde rancoeur, il échafaude des plans afin de tous les déshériter. Derrière cette haine farouche se cache-t-il encore de l’amour ?

Porté par une écriture finement travaillée, ce portrait familial ponctué d’épines est incontestablement réussi. Un très beau texte sur la complexité des rapports familiaux qui s’érige comme un classique de la littérature.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Envier des êtres que l’on méprise, il y a dans cette honteuse passion de quoi empoisonner toute une vie »

« Ceux qui ont l’habitude d’être aimés accomplissent, d’instinct, tous les gestes et disent toutes les paroles qui attirent les cœurs. Et moi, je suis tellement accoutumé à être haï et à faire peur, que mes prunelles, mes sourcils, ma voix, mon rire se font docilement les complices de ce don redoutable et préviennent ma volonté ».

Veiller sur elle – Jean-Baptiste Andrea (2023)

Et si nous nous délections d’un livre romanesque par excellence ?

Dans ce magnifique roman, Jean-Baptiste Andrea nous dévoile la destinée d’un sculpteur italien. De Rome, à Florence en passant par la Toscane, Mimo va connaître un parcours hors du commun et surtout une relation fusionnelle avec Viola.

Fille d’une des familles les plus riches de cette région italienne, elle est curieuse, érudite, émancipée et entraîne le jeune Mimo dans une trajectoire effervescente. Derrière le portrait de ce sculpteur, c’est une femme exceptionnelle dont Jean-Baptiste Andrea sculpte les traits au fur et à mesure de son oeuvre. Les destinées de Mimo et Viola seront-elles à jamais reliées ?

Dans un contexte italien aux dimensions historiques fortes, nous découvrons une oeuvre habitée par des personnages fascinants aux connexions puissantes. Une prouesse romanesque que je vous recommande chaudement, j’ai été complètement ensorcelée par cette merveille.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

« Elle me sourit, un sourire qui dura trente ans, au coin duquel je me suspendis pour franchir bien des gouffres »

« Il est des absences dont on ne se remet pas ».