Le bruit et la fureur – William Faulkner (1929)

Et si nous assistions au déchirement d’une famille ?

À travers le point de vue d’une fratrie, William Faulkner dresse le lent déclin des Compson, une famille aristocratique du Sud des États-Unis.

Dans ce récit, nous suivons plusieurs monologues intérieurs. Nous évoluons tout d’abord avec Benjy, le dernier-né de la fratrie, atteint d’une déficience mentale qui reste plongé dans les déchirements de son enfance. Puis, nous découvrons Quentin, l’aîné, cette âme torturée est sujette à des vagues de dépression. Il éprouve une passion empreinte de jalousie pour sa sœur Caddy tandis que Jason, lui, est envahi par la colère et une soif de vengeance. Enfin, Dilsey, la servante, assiste avec son regard réfléchi à l’évolution de ces bouleversements familiaux. Les générations successives de cette famille arriveront-elles à affronter ce délitement ?

D’une certaine complexité narrative, il n’est pas facile de comprendre les tourments intérieurs qui ébranlent les membres de cette famille. Malgré un style déroutant entre obscurité et déconstruction, tout finit par s’éclairer au fil de la lecture. Si ce roman arbore un aspect élitiste, il est aussi d’une très grande richesse et promet une véritable expérience littéraire !

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Mon père dit qu’un homme est la somme de ses propres malheurs. On pourrait penser que le malheur finirait un jour par se lasser, mais alors, c’est le temps qui devient votre malheur, dit papa ».

« Il n’y a que lorsque la pendule s’arrête que le temps se remet à vivre. Les aiguilles étaient allongées, pas tout à fait horizontales. Elles formaient une courbe légère comme des mouettes qui penchent dans le vent. Contenant tout ce qui d’habitude m’inspirait des regrets, comme la nouvelle lune contient de l’eau… »

J’emporterai le feu – Leïla Slimani (2024)

Et si nous dévorions une saga familiale ?

Avec « J’emporterai le feu » le dernier volet de la trilogie « le Pays des autres », Leïla Slimani achève un cycle brillant où s’entrecroise l’intime et le politique.

Nées de l’union entre Aïcha et Medhi, Mia et Inès ont grandi au Maroc dans une famille avec des idéaux résolument modernes. En tant que président d’une grande banque, Medhi rêve d’un pays prospère tourné vers le monde. Pourtant, le couple doit s’adapter à la réalité d’un Maroc contrasté.

Entre héritage traditionnel et modernité, Mia et Inès essayent de découvrir la voie de leur propre émancipation. Parviendront-elles à trouver la liberté ?

Ce dernier roman clôture parfaitement ce cycle qui explore avec talent la question de l’identité et des origines. Envoutée par des personnages brillamment construits, j’ai été à nouveau subjuguée par l’oeuvre de Leïla Slimani.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Mehdi avait beau répéter à ses filles qu’il ne fallait pas être esclave de l’opinion des autres, que seul comptait ce que l’on était vraiment, à l’intérieur, il savait que c’étaient des foutaises. Nous n’étions jamais rien d’autre que ce que les autres percevaient, ce que nous leur donnions à voir. Les secrets du cœur, les qualités cachées de l’âme, les bonnes intentions, tout ça ne comptait pas dans le vrai monde. »

« Allume un grand incendie et emporte le feu »

Le noeud de vipères – François Mauriac (1932)

Et si nous percions le mystère d’un coeur haineux ?

Louis, un ancien avocat avare à la santé fragile, décide de confesser dans une lettre adressée à sa femme sa profonde amertume. Cette confession est aussi l’occasion pour lui de revenir sur son passé.

De son union avec son épouse, Isa, est née trois enfants. Au fil des années, il a porté un regard de plus en plus dur et violent sur sa famille.

Dans cette longue diatribe, il révèle son mépris des siens et sa soif de vengeance. Il soupçonne ses proches de roder autour de lui dans le seul but de le dépouiller de son argent. Empoisonné par une profonde rancoeur, il échafaude des plans afin de tous les déshériter. Derrière cette haine farouche se cache-t-il encore de l’amour ?

Porté par une écriture finement travaillée, ce portrait familial ponctué d’épines est incontestablement réussi. Un très beau texte sur la complexité des rapports familiaux qui s’érige comme un classique de la littérature.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Envier des êtres que l’on méprise, il y a dans cette honteuse passion de quoi empoisonner toute une vie »

« Ceux qui ont l’habitude d’être aimés accomplissent, d’instinct, tous les gestes et disent toutes les paroles qui attirent les cœurs. Et moi, je suis tellement accoutumé à être haï et à faire peur, que mes prunelles, mes sourcils, ma voix, mon rire se font docilement les complices de ce don redoutable et préviennent ma volonté ».

L’étrange disparition d’Esme Lennox – Maggie O’Farrel (2008)

Et si nous évoquions un troublant secret de famille ?

Esme a été enfermée toute sa vie. Rejetée par sa famille à cause de sa différence, elle a vécu durant soixante ans dans un asile.

Iris, sa plus proche parente est contactée par l’établissement psychiatrique qui va bientôt fermer ses portes. Eberluée, Iris découvre l’existence d’une grande tante oubliée de tous et les médecins lui proposent de la recueillir. Sa grand-mère, Kitty, est la soeur d’Esme. Pourtant, elle n’a jamais mentionné l’existence de sa jeune soeur qui a été effacée de l’histoire familiale.

Iris voit sa vie bouleversée par l’existence de la vieille femme. Va-t-elle accepter de s’occuper d’Esme et lever le voile sur de mystérieux secrets de famille ?

J’ai été naturellement fascinée par le personnage d’Esme et emportée dans cette histoire familiale troublante. Les thèmes abordés entre secrets de famille et internement en psychiatrie sont particulièrement intéressants. J’ai trouvé le fil narratif parfois confus et j’aurai aimé que le parcours des personnages soit abordé avec davantage de profondeur. Malgré ces réserves, j’ai passé un agréable moment de lecture.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citation :

« Nous ne sommes que des vaisseaux par lesquels circulent des identités, songe Esme : on nous transmet des traits, des gestes, des habitudes, et nous les transmettons à notre tour. Rien ne nous appartient en propre. Nous venons au monde en tant qu’anagrammes de nos ancêtres ».

Un barrage contre le Pacifique – Marguerite Duras (1950)

Et si nous partions en Indochine avec Marguerite Duras ?

Dans ce récit extrêmement fort, Marguerite Duras dresse le destin d’une famille assaillie par l’administration coloniale.

Une institutrice devenue veuve se voit attribuer une concession au sud de l’Indochine française. Ce terrain lui donne l’espoir d’une vie meilleure. Elle espère donner un avenir à ses deux enfants, Joseph et Suzanne. Rapidement, cette plaine marécageuse isolée s’avère inexploitable. Tous les ans, la grande marée ensevelie la moindre culture. La mère décide de construire un barrage pour faire face aux inondations et sauver ses terres. Face à l’échec de ce projet, la famille sombre dans la pauvreté et cette mère désespérée se rapproche de la folie.

Quand Suzanne rencontre Monsieur Jo, un richissime planteur de la région, la famille perçoit une issue à leur misère. Jusqu’où cette rencontre va-t-elle les conduire ?

Marguerite Duras s’est inspirée de son adolescence pour construire un roman intense avec des personnages attachants mais aussi complexes. L’imbrication permanente entre les membres de cette famille est particulièrement travaillée. Nous percevons la détresse de ces personnages soumis aux promesses déçues de la société coloniale.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citation :

« On ne pouvait pas lui en vouloir. Elle avait aimé démesurément la vie et c’était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu’elle était devenue, une désespérée de la vie même ».

Les Frères Karamazov – Fiodor Dostoïevski (1880)

Et si nous tuons un père monstrueux ?

Dans ce roman intense, Fiodor Dostoïevski dresse le portrait de trois frères. L’ainé, Dimitri est un être passionné, sensuel et irascible. Le cadet Ivan est un érudit au caractère froid et renfermé. Le benjamin, Aliocha est un homme de foi d’une grande honnêteté morale.

Si les trois frères n’ont rien en commun, ils partagent le même père : Fiodor Karamazov. Un père décrit par Dostoïevski comme un homme rongé par les vices. Corrompu, égoïste et jouisseur, il a rejeté ses enfants.

En toile de fond, un quatrième frère se cache, Semerdiakov, un batard qui n’a jamais été reconnu. Fils illégitime, il est devenu cuisinier et domestique auprès de Fiodor Karamazov. Quand le père est assassiné, les regards se tournent vers les fils.

Dimitri n’a pas eu peur de proférer ouvertement des menaces à l’encontre de son père qui s’est amouraché de la femme qu’il aime passionnément. Désigné comme principal coupable durant l’enquête, Dimitri a-t-il véritablement tué son père ?

Roman fondateur sur le paricide, cette oeuvre riche questionne de nombreux sujets : le rapport à la culpabilité, à la religion, à l’enfance et à l’héritage.

Roman policier, philosophique, psychologique ou métaphysique, les multiples lectures de cette oeuvre la positionne parmi les plus grands classiques de la littérature. Un roman que je ne peux que vous inciter à lire et à (re)lire afin d’en percer toutes les réflexions.

Pour aller plus loin :

Radio France – Les chemins de la philosophie

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Sachez qu’il n’y a rien de plus noble, de plus fort, de plus sain et de plus utile dans la vie qu’un bon souvenir, surtout quand il provient du jeune âge, de la maison paternelle. On vous parle beaucoup de votre éducation ; or, un souvenir saint, conservé depuis l’enfance, est peut-être la meilleure des éducations : si l’on fait provision de tels souvenirs pour la vie, on est sauvé définitivement »

« Surtout, n’ayez pas tant honte de vous-même, car tout le mal vient de là »

Soleil amer – Lilia Hassaine (2021)

Et si nous évoquions un long processus d’intégration ?

Quand Saïd quitte son pays natal l’Algérie pour la France il veut offrir à sa famille un avenir meilleur. Embauché dans une usine automobile en 1959, les conditions de travail sont désastreuses et il est perçu comme un étranger. Après plusieurs années de solitude, sa femme et ses trois filles le rejoignent en France.

Les rêves s’évanouissent rapidement face à l’amertume du quotidien. La famille s’installe dans une cité HLM et leurs conditions de vie restent difficiles. Quand Naja tombe enceinte, l’accueil d’un nouvel enfant leur semble impossible. Lorsqu’elle accouche de jumeaux, Daniel et Amir, le couple décide que Daniel sera élevé par son frère et sa compagne française, Eve. Eve ne peut pas avoir d’enfant et la proximité des deux femmes fait de ce choix une évidence. Le destin des deux frères s’en trouvera profondément bouleversé. Un tel secret de famille pourra-t-il survivre aux temps ?

Dans ce roman social, Lilia Hassaine parvient en peu de lignes à retranscrire toute la complexité de la désillusion d’une intégration. Une fresque familiale envoutante qui parvient à nous captiver !

Merci aux éditions folio pour cette découverte !

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« La joie sans mélancolie, c’est un soleil qui brillerait sans discontinuer. La joie n’est la joie que parce qu’elle joue au funambule au-dessus du vide ».

« Quitter un pays qu’elles aimaient, suivre un mari qui trimait, perdre leurs enfants un par un, se demander si elles avaient fait le bon choix, être mère c’était ça, accumuler les erreurs, apprendre sans cesse, échouer encore. Les héroïnes, c’était elles ».

« D’un côté il se disait fier de ses origines et de sa culture, de l’autre il espérait se fondre dans le paysage français. D’un côté il désirait rentrer au bled, de l’autre il rêvait que ses enfants s’intègrent. Il oscillait entre deux pays, entre deux projets, et élevait ses enfants dans la même dualité. La dualité comme identité, c’était déjà une contradiction, il n’existait pas de mot pour dire « un et deux » à la fois »

Les raisins de la colère – John Steinbeck (1939)

Et si nous parlions d’un chef-oeuvre humaniste ?

Avec les raisons de la colère, John Steinbeck nous transporte dans une épopée familiale émouvante et criante d’humanité.

Tout juste sorti de prison, Joah rejoint sa famille sur les modestes terres de l’Oklahoma. A son arrivée, il découvre que ses proches s’apprêtent à partir. Face à l’industrialisation croissante de l’Amérique, ils doivent quitter leurs terres agricoles pour l’ouest des Etats-Unis. Ils rêvent de la Californie, de terres libres et ensoleillées où l’ensemble de la famille pourra cultiver des fruits, trouver du travail et de la nourriture.

Pourtant cette traversée américaine sera rude et semée d’embuches. Si la Californie a un parfum d’Eldorado, la route est longue et les promesses de l’ouest incertaines. De route en route, la famille Joad rencontre d’autres fermiers contraints également à l’exil. Face à des conditions atroces, les gestes d’entraide et l’espoir demeurent. Cependant confrontés à l’injustice de leurs conditions la colère gronde. Jusqu’où les conduira ce périple ?

Monument de la littérature américaine, ce roman retraçant la Grande Dépression qui a frappé les Etats-Unis est à mettre entre toutes les mains. Dans un style brut et réaliste, John Steinbeck parvient à nous plonger totalement au coeur de cette famille. J’ai partagé leur voyage et je suis profondément marquée par ce témoignage social bouleversant. Un coup de coeur que je ne peux que vous recommander.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« En route pour la Californie, ou ailleurs… Chacun de nous, tambour-major à la tête d’un régiment de peines, de douleurs, marchant le coeur plein d’amertume. Et un jour, toutes les armées des coeurs amers marcheront toutes dans le même sens. Et elles iront toutes ensemble et répandront une terreur mortelle ».

« Si vous qui possédez les choses dont les autres manquent, si vous pouviez comprendre cela, vous pourriez peut-être échapper à votre destin. Si vous pouviez séparer les causes des effets, si vous pouviez savoir que Paine, Marx, Jefferson, Lénine furent des effets, non des causes, vous pourriez survivre. Mais cela vous ne pouvez pas le savoir. Car le fait de posséder vous congèle pour toujours en « Je » et vous sépare toujours du « Nous » »

Brothers – Yu Hua (2005)

Et si nous parlions d’une fresque éblouissante de la littérature chinoise ?

Dans ce roman dense, nous suivons avec émotion et promiscuité le destin de deux demi-frères dans une Chine en pleine mutation. 

Li Guangtou et Song Gang sont liés l’un à l’autre depuis leur enfance. Le mariage de leurs parents a créé entre eux une véritable fratrie. Face aux tragédies familiales, ils sont restés unis. A l’arrivée au pouvoir de Mao Zedong, leur père malgré son métier de professeur est rapidement perçu, en raison de sa famille, comme un propriétaire terrien. La nouvelle condition de leur père transforme le quotidien de cette famille modeste. 

Confrontés aux brimades et aux humiliations, leurs parents, modèles de courage et de droiture, gardent toute leur dignité et parviennent à guider leurs enfants.  

L’arrivée des deux frères dans l’âge adulte marque leurs premières divergences. Les bouleversements qui traversent le pays vont les conduire vers des chemins opposés. Parviendront-ils à rester unis ?  

Entre révolution culturelle et modernité, Yu Hua décrit avec intensité les changements profonds de la Chine durant ses quarante dernières années. A travers le regard de ses deux frères, les mutations de la Chine sont parfaitement retranscrites. Portée par un ton truculent mêlant humour et émotion, j’ai été emportée par cette fresque familiale qui offre un très beau panorama de la Chine. 

Ma note : 

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations : 

« Sois tranquille Maman : s’il ne me reste qu’un bol de riz, il sera pour Li Guantou, et s’il ne me reste qu’une chemise, elle sera pour lui aussi ».  

« ….les rires fusèrent: des gros rires, des rires discrets, des rires pointus, des rires perfides, des rires bêtes, des rires secs, des rires mouillés et des rires contraints. Quand la forêt est grande, on y trouve toutes sortes d’oiseaux: quand la foule est nombreuse, on y entend toutes sortes de rires ». 

L’éveil de la Glèbe – Knut Hamsun (1917)

Et si nous abordions une oeuvre norvégienne ?

Isak se retire dans une région reculée de Norvège avec pour ambition la culture d’une terre en friche. Lorsqu’il rencontre Inger, Isak perçoit sous son physique disgracieux et « son bec de lièvre » un caractère laborieux. Il décide de s’unir à elle et ils construisent ensemble une vie éloignée du monde.

Grâce à leur union, ils vont réussir à bâtir une ferme florissante. Entre concupiscence, jalousie ou infanticide, le couple lutte et l’amour que porte Isak pour Inger se renforce avec le temps.

Au fil des années, la ferme s’étend et doit coexister avec son milieu. D’autres cultivateurs s’installent dans la région et l’influence de la ville se fait de plus en plus prégnante. Le progrès qui éclôt dans la région éloignera-t-il Isak de la nature ?

Cette fresque familiale raconte la lente progression d’un couple de fermiers. Knut Hamsun parvient à faire évoluer ses personnages et à construire un portrait de femme puissant sous les traits d’Inger. Je confirme mon attrait pour la plume de Knut Hamsun qui nous propose un très bel éloge de la nature.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Isak sème. Le soleil du soir illumine les grains de blé qui s’échappent de sa main et tombent comme une pluie d’or dans les sillons »

« Mais un homme peut-il se représenter ce que c’est pour une femme que d’enfanter ? Il n’en a jamais ressenti les angoisses, les douleurs atroces. L’accusée est une fille de ferme, qui, n’étant pas mariée, a essayé de cacher son état. Pourquoi l’a-t-elle fait ? Par la faute de la Société, qui méprise la fille mère ! Non seulement la Société lui refuse sa protection, mais elle la persécute, lui inflige une honte imméritée ».