Si c’est un homme – Primo Levi (1947)

« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre » Winston Churchill

Et si nous parlions d’un témoignage indispensable ?

Nous avons tous beaucoup appris sur l’horreur des camps de concentration. Beaucoup de témoignages, de documentaires et de films ont tenté de décrire l’ineffable cauchemar des camps de la mort.

Malgré tous ces récits, j’avais souvent l’impression de ne jamais réussir à entrevoir la survie dans les camps d’extermination.

Issu d’une famille juive, Primo Levi, né à Turin en 1919, tente de résister au fascisme.  Déporté à Auschwitz en 1944, il sera libéré par l’armée rouge en janvier 1945, dans ce récit poignant il nous décrit son long parcours dans les camps de la mort.

De retour à Turin quelques mois plus tard, il sera hanté toute sa vie par l’expérience du Lager et finira par se suicider en 1987, à l’âge de 67 ans.

Déjà écrit en pensée à l’époque de sa déportation, comme une libération intérieure, c’est par les mots que Primo Levi raconte les conditions de vie à Auschwitz.

Primo Levi dépeint la déshumanisation mécanique et implacable à l’encontre des déportés mais aussi la capacité de résilience de l’âme humaine.

Un tel choc ne m’avait pas traversé depuis mes études et la découverte du film « Shoah » de Claude Lanzmann sorti en 1985.

Ciment du devoir de mémoire et Bible de l’humanité, ce récit sans l’ombre d’une trace de haine est incontournable pour comprendre la Shoah.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Nous découvrons tous tôt ou tard dans la vie que le bonheur parfait n’existe pas, mais bien peu sont ceux qui s’arrêtent à cette considération inverse qu’il n’y a pas de non plus de malheur absolu »

« Détruire un homme est difficile, presque autant que le créer : cela n’a été ni aisé ni rapide, mais vous y êtes arrivés, Allemands. Nous voici dociles devant vous, nous n’avez plus rien à craindre de nous : ni les actes de révolte, ni les paroles de défi, ni même un regard qui vous juge »

« Si je pouvais résumer tout le mal de notre temps en une seule image, je choisirais cette vision qui m’est familière : un homme décharné, le front courbé et les épaules voûtées, dont le visage et les yeux ne reflètent nulle trace de pensée »

« Il faut donc nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d’autres voies que par la raison, autrement dit des chefs charismatiques : nous devons bien peser notre décision avant de déléguer à quelqu’un d’autre le pouvoir de juger et de vouloir à notre place »

Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu (2018)

Nicolas Mathieu est devenu en quelques mois un auteur incontournable. Je n’étais pas de celle qui avait dévoré ce roman avant que son auteur soit propulsé dans la lumière en recevant le prestigieux « prix Goncourt ».

Et pourtant, le thème du roman m’avait déjà touchée en plein cœur : un adolescent pris au piège dans une région désindustrialisée de l’Est de la France et qui fait face à un certain déterminisme social.

Le lecteur découvre un groupe de jeunes évoluant dans l’atmosphère alangui de quatre étés successifs entre 1992 et 1998.

Anthony a grandi dans cette petite vallée où les hauts-fourneaux sont désaffectés. Aux prémices de son adolescence, il commence à ressentir les émois de son premier amour, les découvertes charnelles et à commettre ses premières bêtises de jeunesse…

Lors d’une fête, il fera la connaissance de Steph. Cette jeune fille qui n’a de cesse de réapparaître dans sa vie. Issue d’une classe supérieure, elle lui semble inaccessible et pourtant, elle lui apparaît proche, elle aussi coïncée dans cette ville qui n’offre aucune issue.

On y découvre également Hacine. Ce jeune homme grandit dans cette banlieue à côté de la ville qui le met à fortiori à l’écart. Soumis aux préjugés tenaces, il finit par plonger dans la délinquance.

L’imbrication de ces portraits issus de divers milieux sociaux est extrêmement bien travaillée par Nicolas Mathieu qui nous livre un roman dense, plein de contradiction et de force. Loin des clichés, il nous emporte littéralement dans le parcours de ces jeunes.

La trame de l’histoire apparaît anodine et pourtant Nicolas Mathieu nous offre bien plus dans ce roman d’une extrême richesse. Sous fond de colères adolescentes, l’auteur nous décrit une analyse des classes chère à Bourdieu.

Ces jeunes qui vivent dans une région étriquée et désaffectée projettent de fuir. Cependant, ils apparaissent comme encrés et sclérosés dans leur milieu social à reproduire inexorablement la trajectoire de leurs parents.

Un roman coup de cœur, qui allie avec brio émotion et fresque sociale, à dévorer jusqu’à la dernière ligne.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Dans chaque ville que portait ce monde désindustrialisé et univoque, dans chaque bled déchu, des mômes sans rêve écoutaient maintenant ce groupe de Seattle qui s’appelait Nirvana. Il se laissaient pousser les cheveux et tâchaient de transformer leur vague à l’âme en colère, leur déprime en décibels ».

« La minorité avait cette vertu ambiguë, elle vous protégeait mais, en prenant fin, vous précipitait tout d’un coup dans un monde d’une férocité insoupçonnée jusque-là ».

« Ces femmes qui, d’une génération à l’autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu’assurer la persistance d’une progénitures vouées aux mêmes joies, aux mêmes maux, tout cela lui collait un bourdon phénoménal. Dans cette obstination sourde, il devinait le sort de sa classe. Pire, la loi de l’espèce, perpétuée à travers les corps inconscients de ces femmes aux fourneaux, leurs hanches larges, leurs ventres pleins ».

De sang-froid – Truman Capote (1966)

Un livre coup de poing à vous procurer d’urgence !

De sang-froid, le roman culte de Truman Capote, nous plonge avec effroi dans un fait divers glaçant, survenu en 1959, dans le village de Holcomb, à l’ouest du Kansas. Le lecteur est transporté dans les hautes plaines de blé de cette région américaine aride et solitaire où vient se nicher un petit village.

Rien ne semble pouvoir troubler ce joli paysage américain où les habitants vivent presque en autarcie. Pourtant la ville d’Holcomb restera à jamais meurtrie par le passage de deux truands sans grande envergure, Dick et Perry.

Ils vont assassiner de sang-froid, les Clutter, famille connue, aimée et respectée dans tout Holcomb.

Si le mobile et les détails du crime nous demeurent inconnus, le lecteur est tenu, tout au long du livre, en haleine par la traque policière des deux criminels.

Truman Capote nous transporte, nous glace, nous attache à ses personnages avec un style magistral !

Dick et Perry, ces deux assassins aux caractères si différents, nous laissent à la fois pétrifié et paradoxalement touché par leur histoire de vie.

Perry, surtout, est décrit sous un double visage, à la fois terrifiant et attachant. Truman Capote arrive à faire se succéder des sentiments si diamétralement opposés mais surtout questionne et bouleverse son lecteur sur la société américaine.

Le contexte de cet ouvrage nous en dit aussi très long sur la force de ce roman. Truman Capote en lisant le New York Time, en 1959, découvre le quadruple meurtre d’une famille de fermiers. Il décide d’enquêter lui-même sur cette affaire pendant plus de cinq ans.

Considérablement ébranlé par sa rencontre avec Perry Smith, l’un des meurtriers, l’écrivain sera plongé dans une inéluctable descente aux enfers…

Plus globalement, Truman Capote dévoile un roman psychologique sur les mécanismes qui poussent l’être humain jusqu’au crime. Il décrit un quadruple meurtre atroce et parvient également à humaniser la monstruosité.

Ce fil tendu par l’écrivain entre la noirceur de l’homme mais aussi cette humanité qui tente de survivre est captivant…

Une force admirable se dégage de cet œuvre qui bien au-delà de décrire un terrible fait divers ne peut laisser son lecteur indemne.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Ils attendaient un voyageur solitaire dans une voiture convenable et avec de l’argent dans son porte-billets : un étranger à voler, étrangler et abandonner dans le désert ».

« Et les Clutter n’y étaient pour rien. Ils ne m’ont jamais fait de mal. Comme les autres. Comme les autres m’en ont fait toute ma vie. Peut-être simplement que les Clutter étaient ceux qui devaient payer pour les autres »

« Ces péquenots, ils vont voter la corde aussi vite qu’un cochon vide son auge. Regardez leurs yeux. J’veux bien être pendu si je suis le seul tueur dans la salle d’audience ».

Le portrait de Dorian Gray – Oscar Wilde (1890)

Et si nous parlions d’un livre qui reste gravé dans nos mémoires ?

Oscar Wilde nous livre le portrait de Dorian Gray, un visage d’ange et une beauté sans égal qui inspirent pour son entourage une moralité exemplaire.

Un célèbre peintre, Basil Hallward, voulant immortaliser cet être parfait, va réaliser son portrait…

Dorian Gray fera le voeu atypique, et pourtant si cher à l’être humain, de conserver inaltéré cette beauté divine et la quintessence de sa jeunesse.

Ce miracle fantastique se réalisera et le jeune homme restera beau et angélique tandis que son portrait matérialisé dans l’oeuvre artistique ne cessera d’être altéré par le temps, par l’âge et par la perversion de l’âme de Dorian Gray…

Oscar Wilde dresse le portrait d’un homme rongé par ses vices, enseveli dans sa perversité, une âme altérée sous des airs de perfection.

On dit souvent que l‘habit ne fait pas le moine, dans ce récit d’une très grande profondeur, Oscar Wilde dessine, avec brio, un portrait sur les apparences et les faux semblants.

Mais il s’agit aussi d’une amitié liant Henry, Dorian et Basil. Basil idolâtre et peint Dorian, Henry influence Dorian et Dorian est emporté par un narcissisme exacerbé. Cette amitié qui lie les trois hommes semble parfois conduire aux sentiments amoureux avec une très grande sensualité…

Entre les lignes, Oscar Wilde dévoile à son lecteur autre chose, son propre portrait. Condamné pour « grave immoralité » en raison de son homosexualité, son propre père avait porté plainte contre lui à cause de son orientation sexuelle. Censuré et perçu par la critique de l’époque comme un roman décrivant une débauche homosexuelle, ce livre nous dévoile aussi tout le combat d’Oscar Wilde…

Il est difficile d’exprimer ce qu’on ressent face à un tel chef d’œuvre de la littérature.

Une merveille stylistique, une prouesse d’écriture, une œuvre profonde sur l’humanité, les vicissitudes de l’être humain et ses controverses.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Tout portrait qu’on peint avec âme est un portrait, non du modèle, mais de l’artiste. le modèle n’est qu’un hasard et qu’un prétexte. Ce n’est pas lui qui se trouve révélé par le peintre ; c’est le peintre qui se révèle lui-même sur la toile qu’il colorie »

« Le seul moyen de se délivrer de la tentation, c’est d’y céder. Résistez-y, et votre âme languira, tourmentée »

« Il y a toujours quelque chose de ridicule dans les émotions de ceux que nous avons cessé d’aimer »

Demande à la poussière – John Fante (1939)

Aujourd’hui, je reviens vers vous pour vous présenter une des oeuvres d’un de mes auteurs américains préférés, j’ai nommé John Fante.

John Fante, le tumultueux, auteur imminent dont la reconnaissance me paraît parfois sous estimée son talent magistral ! Sa plume brutale, puissante et sans concession est à découvrir de toute urgence !

Si vous ne le connaissez pas, commencez à le découvrir au travers de son roman « Demande à la poussière » publié en 1939. Cette oeuvre largement autobiographique raconte le destin d’Arturo Bandini, fils d’immigré italien, il quitte le Colorado pour Los Angeles où il rêve de devenir un écrivain reconnu.

Sans expérience, il survit dans une chambre d’hôtel miteuse avec pour seule compagne, cette soif de vivre et de devenir un auteur célèbre. Il fera alors la connaissance de Camilla Lopez, une serveuse au tempérament fougueux…

Ce roman admirable sur le rêve américain nous fait découvrir le personnage clé de l’oeuvre de John Fante que vous pouvez retrouver dans quatre de ses romans, Arturo Bandini, ce jeune écrivain tourmenté, impulsif, orgueilleux, menteur, en quête du succès littéraire.

John Fante, l’auteur qui a inspiré Charles Bukowski, nous parle de cafés miteux, de chambres d’hôtels minables, de débâcle littéraire mais aussi il nous conte une incroyable histoire d’amour…

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citation : 

« A coté d’elle j’étais un étranger. Elle était toutes ces nuits calmes, ces grands eucalyptus, elle était les étoiles du désert, terre et ciel et brouillard dehors, et moi je n’étais venu ici que pour écrire, pour gagner de l’argent, pour me faire un nom et toutes ces singeries »

Le monde selon Garp – John Irving (1978)

Choisir le premier livre pour la première chronique n’est pas une chose aisée.

Aujourd’hui, j’ai décidé pour notre premier rendez-vous littéraire, de vous conter mon ressenti par rapport à un des romans cultes des années 80, le Monde selon Garp…

Adapté au cinéma par George Roy Hill en 1982, il m’est apparu comme « un des romans incontournables » de la littérature américaine. L’occasion est encore plus vive que ce chef d’oeuvre fête ses 40 ans cette année !

Il s’agit d’une première pierre à l’édifice de nos mémoires de livres car cet ouvrage demeurera, toute ma vie, dans ma mémoire littéraire.

Le Monde selon Garp, c’est un roman féministe, une oeuvre qui dérange par son caractère cru mais surtout par ses trésors d’imagination.

Une infirmière, désireuse d’avoir un enfant seule, sans se lier à la vie d’un homme, profite de l’érection d’un soldat mourant pour concevoir un enfant. De cette union née S.T GARP.

Devenu écrivain en quête du roman qui bouleversa sa carrière, S.T GARP est un personnage complexe, protecteur envers sa famille, désireux de connaître la gloire dont fera l’objet sa mère devenue, au travers de son propre roman, une figure de proue du féministe.

Il s’agit d’une histoire qui ne ressemble à aucune autre, la destinée tragique, émouvante et drôle d’un homme paralysé par ses rôles de père protecteur, de fils, d’époux, d’amant…

Se mêlent dans ce roman, des prouesses d’imagination ancrées dans le réel tragique des hommes et de leurs vices.

Les personnages sont beaux et complexes, John Irving dans un interview récent accordé au magazine « América, Ladies First n°6 » confiait qu’il venait d’achever l’écriture d’une série télévisée consacrée à Roberta, un personnage secondaire qui est pourtant une des clés du roman.

Je ne peux que vous inciter à découvrir ou (re)découvrir ce petit trésor de la littérature américaine qui n’a pas pris une ride !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Les écrivains sont de simples observateurs, de fidèles et implacables imitateurs de la nature humaine »

« Une partie de l’adolescence, écrivit-il à Helen, réside dans ce sentiment qu’il n’existe nulle part personne qui vous ressemble assez pour pouvoir vous comprendre »

« Puis je voulus un enfant, sans être, pour autant, obligée de partager mon corps ni ma vie, écrivit l’infirmière Jenny. Cela aussi me rendit, sexuellement parlant, suspecte. »