La tresse – Laetitia Colombani (2017)

Tresse, « Assemblage de trois mèches, de trois brins entrelacés »

Laetitia Colombani signe un premier roman magistral avec « la tresse ». Profondément féministe, ce livre retrace le destin de trois femmes.

Smita est une Dalit, une intouchable, exclue de la société indienne, hors caste, elle est contrainte de ramasser les excréments contenus dans les maisons. Transparente, elle n’existe pas.

Pourtant, Smita est avant tout une mère qui désire ardemment que sa fille puisse aller à l’école… Elle tentera tout pour que son enfant puisse fuir ce destin d’invisible irrémédiablement voué à porter le poids du travail indigne de sa mère.

Giulia travaille dans l’atelier de son père et a appris un métier en voie d’extinction. Elle s’occupe de la confection de perruques. Elle a toujours grandi dans cette usine, au rythme de la cadence des ouvrières, qui lavent, démêlent et confectionnent les cheveux. Fière de son héritage, elle va bientôt découvrir les périls qui menacent l’entreprise familiale.

Sarah est une avocate brillante vivant exclusivement pour son travail. Elle néglige sa vie de famille et ses enfants, elle n’a qu’un seul désir devenir associée dans le cabinet où elle exerce. L’apogée de sa carrière sera bouleversée lorsqu’elle tombe gravement malade…

J’ai tout simplement dévoré ce livre retraçant le destin de trois femmes évoluant dans des cultures différentes et lointaines.

Elles se ressemblent bien plus que le lecteur peut le penser aux premiers abords. Elles sont reliées par leurs forces, leurs courages mais aussi leurs révoltes. Ces femmes, profondément dignes, m’ont envoutée.

Elles vont toutes se battre pour modifier leurs modes de vie et leurs avenirs seront entremêlés. Le destin de Smita et de sa fille m’a particulièrement émue.

Un premier roman fascinant qui se lit d’une traite, j’ai beaucoup apprécié le parcours de ces trois femmes admirables, si diamétralement opposées et pourtant si proches. Laetitia Colombani bouleverse son lecteur avec sa plume vive et entrainante.

Je ne peux que conseiller ce roman bref et facile d’accès pour un joli moment d’émotion.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait »

« Smita sent son coeur se serrer. Elle a aimé cet homme, s’est habituée à sa présence rassurante auprès d’elle. Elle lui en veut de son manque de courage, de ce fatalisme amer dont il a recouvert leur vie. Elle aurait tant voulu partir avec lui. Elle a cessé de l’aimer à l’instant où il a refusé de se battre »

« Elle se sent femme aujourd’hui, auprès de cet homme qui l’a révélée. Cette main, elle n’est pas près de la lâcher. Dans les années qui suivront, elle la serrera souvent, dans la rue, au parc, à la maternité, en dormant, en jouissant, en pleurant, en mettant au monde leurs enfants. Cette main, elle la tient pour longtemps »

Amours en fuite – Bernhard Schlink (2000)

Vous connaissez sans doute Bernhard Schlink, célèbre écrivain allemand qui avait publié en 1995, le roman « Le liseur »ce livre incontournable qui nous raconte le destin d’Hanna et à travers son regard celui de l’histoire.

Ce livre m’avait profondément marquée. Je vous invite à vous jeter sur ce roman si ce n’est pas déjà fait…

Alors quand j’ai découvert lors de mes errances littéraires, ce recueil de nouvelles de Bernhard Schlink intitulé « Amours en fuite », j’ai forcément été happée.

Ce recueil articulé autour de sept nouvelles nous raconte le parcours de sept hommes mais surtout des rencontres avec des femmes courageuses, lucides, hors du commun, rêvées ou ancrées dans le réel…

Qu’il s’agisse de la petite fille au lézard figure d’un tableau familial qui n’a de cesse d’obséder et de fasciner le narrateur. Cette oeuvre conservée dans le bureau de son père et représentant une jeune fille au lézard bouleverse son fils depuis sa tendre enfance. Ce tableau semble cacher tous les secrets de famille et cet homme tentera de découvrir ce qui se cache derrière ce portrait énigmatique.

Qu’il s’agisse de cette femme communiste et révolutionnaire, vivant dans un Berlin Est meurtri et en quête de liberté qui rencontrera un berlinois de l’Ouest. Leur relation nous transportera dans un trio amoureux rempli de trahisons et d’engagements politiques…

Ou encore de cette femme que le narrateur connaissait depuis toujours, marié à elle depuis des années il croyait la connaître par coeur. Et pourtant… A sa mort, il découvrira la face cachée de cette épouse qui lui semblait si transparente mais surtout cet autre qui n’est pas lui…

Et ces femmes au fort tempérament qui ont jalonné la vie d’un homme infidèle qui a jonglé avec plusieurs vies et a fini par s’étourdir…

Ou bien la femme de la station-service, femme chimérique qui semble pouvoir faire tout basculer dans la vie d’un homme…

Chacun des personnages masculins semble se débattre avec ses silences, ses secrets et ses mensonges.

Des nouvelles profondément humaines qui viennent retracer le destin de ces hommes et de ces femmes qui se rencontrent, s’aiment ou se croisent dans une Allemagne marquée par la guerre et la Shoah.

J’ai apprécié ce recueil que je ne peux que conseiller aux amateurs de nouvelles.

La densité de certains récits pourrait même les transformer en romans. Pour ma part, j’ai passé un agréable moment avec une envie de prolonger certaines nouvelles…

Un recueil que je n’ai pas trouvé aussi bouleversant que le roman « Le liseur » mais dont la qualité littéraire et la force narrative demeurent très intéressantes.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Il ôta les rides du visage de Sarah pour retrouver son visage d’enfant. Il le contemplait avec bonheur, lorsqu’une vague de jalousie l’envahit. Jamais il ne connaîtrait Sarah dansant pour la première fois, montant pour la première fois à bicyclette ou découvrant la mer. Son premier baiser, sa première étreinte, c’étaient d’autres qui les avaient eus ; et dans les rituels de sa famille et de sa religion elle avait un monde et un trésor qui lui seraient toujours fermés ».

« Le pire, ce serait qu’un jour les garçons épousent une femme qui ne soit pas juive. Il ne sut que dire ni que penser. Ce que Rachel venait de dire, était-ce la même chose que si, pour lui, le pire avait été que son fils épouse une femme qui ne soit pas allemande, pas aryenne, une Juive, une Noire ? Ou bien s’agissait-il uniquement de religion ? »

 « A quel moment est-on obligé de s’avouer qu’une dispute n’est pas une simple dispute ? Qu’elle n’est pas un orage après lequel le soleil brille à nouveau, ni une saison pluvieuse à laquelle succédera le beau temps, mais le mauvais temps normal ? Que se réconcilier ne résout rien, ne règle rien et ne fait que traduire l’épuisement et instaurer un répit plus ou moins long, au terme duquel la dispute reprendra ? »

 « Peut-on tomber amoureux de l’autre une seconde fois ? Est-ce qu’on ne le connait pas beaucoup trop bien ? Tomber amoureux ne suppose-t-il pas qu’on ne connaisse pas l’autre, qu’il ait encore des plages blanches sur lesquelles on puisse projeter ses propres désirs ? »

Une éducation catholique – Catherine Cusset (2014)

Auréolée du prix Goncourt des lycéens en 2008 pour son roman « Un brillant avenir », je vous parle aujourd’hui, pour la première fois, de Catherine Cusset.

J’avais envie de découvrir sa plume et mon choix s’est porté sur son court roman « Une éducation catholique ».

« Remarque, je la comprends. C’est plus amusant de lire un roman que d’aller à la messe »

Cet extrait qui ouvre la quatrième de couverture a suscité mon intérêt.

J’ai fait la connaissance de Marie, cette héroïne touchante confrontée à la dureté de l’adolescence, à ses blessures et son mal-être.

Entourée d’un père croyant et d’une mère athée, elle grandit dans un univers protégé entre les livres et le catéchisme.

Pourtant, les relations qu’elle tisse avec ses amies vacillent très vite vers des passions dévorantes qui ne cessent de l’obséder et de la hanter.

Entière, passionnée, exclusive, Marie vit chaque émotion de façon décuplée. Elle va rencontrer ses premiers amies et amours sous les visages de Laurence, Nathalie, Ximena puis David, Samuel, Francesco et Al…

Le lecteur la voit évoluer entre la fin de l’enfance, l’adolescence et les prémisses de l’âge adulte.

Entre les premiers émois et les douleurs de l’âge ingrat, Marie, narcissique et névrosée, n’a de cesse de se chercher et sera confrontée à un drame qui la transformera inexorablement en adulte.

Si l’angle d’approche du roman est son éducation catholique, Catherine Cusset n’analyse pas l’empreinte de la religion dans l’éducation d’une jeune fille mais décrit avant tout les errances sentimentales de la narratrice.

Si la lecture est fluide, les thèmes abordés demeurent assez stéréotypés. Un joli moment de divertissement même si le livre ne parvient pas à se hisser jusqu’aux incontournables de la littérature.

Un moment de plaisir mais la trace n’est pas indélébile dans mes mémoires de livres.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« Le message du catéchisme m’atteint profondément. La nécessité d’être humble et généreuse, l’idée que les pauvres seront récompensés dans le royaume des cieux, que les derniers seront les premiers, que les malheureux deviendront bienheureux » 

« Le Réel n’a qu’une face : celle d’un tout petit cadavre en pyjama de velours rayé sur un grand lit devant lequel une jeune fille de vingt-deux ans se tient le ventre. C’est un Réel devant lequel tous s’inclinent ». 

 « J’avais un désir : qu’il pose sa main sur mon corps comme il avait posé sa voix sur mon âme, avec la même force et la même certitude » 

Tendre est la nuit – F.Scott Fitzgerald (1934)

« Tendre est la nuit », ce titre évocateur dévoile déjà l’univers poétique de cet ouvrage de Scott Fitzgerald.

Cette phrase est d’ailleurs tiré d’un poème de John Keats « Ode à un rossignol », la référence envoûtante à tout pour conquérir son lecteur !

Nous rencontrons, Rosemary Hoyt, jeune actrice ingénue, évoluant dans l’univers hollywoodien et en séjour pour quelques mois sur la côte d’azur.

Cette belle jeune femme, candide et pétillante toujours accompagnée de sa mère, fait la connaissance d’un couple fascinant, Dick et Nicole Diver. Emerveillée par la délicatesse et la prestance de ce couple, elle sera conquise et finira par succomber au charisme de Dick.

Cette rencontre va la bouleverser et l’ensorceler avant de la faire définitivement rompre avec son enfance.

Dick et Nicole Diver, ce couple mondain, si fascinant, que rien ne semble pouvoir désunir cache pourtant un lourd secret…

L’ouvrage de Scott Fitzgerald est composé en trois livres, le premier, sous l’angle de Rosemary, nous fait côtoyer ce couple mythique sous le regard émerveillé de la jeune actrice.

Le deuxième livre, essentiellement du point de vue de Dick, nous dévoile la part d’ombre de Dick et Nicole Diver, leur rencontre et l’obscur secret partagé par le couple : la maladie psychique de Nicole.

Le rapprochement du lecteur avec Dick, devenu narrateur, nous permet de découvrir cet homme inaccessible et envoûtant.

Le dernier livre, nous fait plonger dans les méandres de ce couple en apparence si attrayant mais dissimulant l’étiolement de leur relation sous le poids de profondes fêlures.

Une très belle œuvre sur un trio amoureux et sur la complexité des relations humaines. Le personnage de Nicole m’a fascinée et m’a captivée. J’ai beaucoup aimé ce roman, qui malgré quelques lenteurs, nous attache à ce couple si complexe.

Nous découvrons tout d’abord Dick et Nicole, couple unie en 1925, dans la première partie, avant de revenir en arrière en 1917, sur la naissance de leur relation. Ce fil narratif est ainsi admirablement bien amené par l’écrivain.

A ce propos, Scott Fitzgerald avait envisagé de réécrire la narration de son œuvre estimant que cette construction détruisait la force de son roman. Ayant la volonté de rétablir un récit chronologique, en 1936, il propose une nouvelle version de son ouvrage, en vain.

Au contraire, cette présentation du récit contribue à l’attractivité du roman, Hemingway écrira d’ailleurs à ce propos :

« Je crains que tout ça ne soit qu’une mauvaise idée. Ainsi remis dans le strict ordre chronologique, le roman perd totalement sa magie ».

La force de ce roman réside aussi dans son volet autobiographique, Scott Fitzgerald ayant lui-même évolué dans une relation similaire. Confronté à la schizophrénie de sa femme Zelda, il fera face à son alcoolisme et à la destruction de son couple.

Sous la plume magnifique de Fitzgerald, la déchéance de ce couple aux apparences trompeuses est captivante.Je ne peux que vous conseiller ce classique de la littérature américaine !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Elle se cramponna davantage, avec désespoir, et il l’embrassa de nouveau, et frissonna devant l’innocence du baiser qu’elle lui donnait, devant le regard qu’à ce moment, à son contact, elle plongeait derrière lui, dans la pénombre de la nuit, la pénombre du monde » 

« Ils en étaient encore au stade le plus heureux de leur amour. Ils nourrissaient de braves illusions l’un sur l’autre, des illusions grandioses : ainsi la communion de leurs âmes semblait-elle se produire à un niveau où aucune autre relation humaine n’avait d’importance » 

« Ils s’éloigna en poussant son vélo, conscient que Nicole le suivait du regard, conscient de lui inspirer un premier amour sans espoir, conscient que cet amour s’enroulait autour de lui jusqu’à le pénétrer » 

Régime sec – Dan Fante (2005)

Je vous avais déjà parlé sur le blog d’un de mes auteurs américains préférés, j’ai nommé : John Fante.

Aujourd’hui nous abordons ensemble son héritage, Dan Fante, son fils, qui a réussi à poursuivre avec talent son oeuvre.

Il a d’ailleurs dédié son livre à son père en ces termes si Fantesque :

A mon père, John Fante.
Merci, fils de pute sublime.

Dan Fante, après avoir multiplié les petits boulots à New York comme vendeur, gardien de nuit, chauffeur de taxis, détective privé ou laveur de carreaux entame sa carrière d’écrivain à l’âge de 45 ans.

Digne héritier de son père, son œuvre est marquée par l’argent, l’alcool, la drogue, le sexe et la quête d’un succès littéraire.

Dan Fante n’oubliera jamais que le premier éditeur à lui faire confiance était français, il continuera à vouer une belle attache pour la France en se présentant comme un écrivain français.

Régime sec, ce recueil de huit nouvelles, dans la lignée de John Fante et de Charles Bukowski est un très joli instant littéraire et m’a fait replonger avec délice dans l’univers de ces auteurs que j’affectionne tant !

Sous fond de débâcle d’alcool et de drogue, l’écrivain nous livre un recueil brut, caustique, noir et vif.

Entre des tentatives de désintoxication avortées, des aventures décousues, des pannes d’écriture, Dan Fante nous fait rencontrer des clients sordides et nous plonge dans ses aventures et dérapages multiples.

L’écrivain nous fait voyager dans son taxi à la rencontre de personnages plus déjantés les uns que les autres et tous difficilement recommandables : des stripteaseuses, des écrivains ratés, un portier macho, des réalisateurs sur le retour, un éleveur de serpent…

Fils désabusé du rêve américain, il n’a de cesse de surprendre et d’horrifier son lecteur.

J’aime particulièrement l’atmosphère acide de son œuvre qui se lit d’un trait, transforme le sordide en poésie, fait esquisser un sourire et des envies de voyages dans un Los Angeles sans pitié.

A consommer sans modération avec un verre !

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Le taxi me sauvait de la folie. Depuis des mois j’avais le cerveau chauffé au rouge par la dépression, l’insomnie et une effrayante solitude. Je me réveillais cinq ou six fois chaque nuit, ivre de rage, avec dans la tête les visages de tous les gens que je haïssais » 

« Je faisais mon diagnostic : trop déglingué pour écrire. J’avais décidé de toute laisser tomber, tout sauf la poésie que je griffonnais dans le taxi. Tout le reste – essais de roman, de nouvelle – n’était que mensonge et imposture. Des bouses insauvables. »

Dix-sept ans – Eric Fottorino (2018)

Avez-vous une image de votre mère lorsqu’elle avait dix-sept ans ?

Pour cette rentrée littéraire 2018, Eric Fottorino tente de répondre à cette question épineuse.

Connaît-t-on vraiment la femme qui se cache derrière notre mère, sa jeunesse ? ses souffrances ? ses combats ?

Ce récit autobiographique s’ouvre sur la révélation d’un lourd secret. Lina dévoile à ses fils une part cachée d’elle-même qu’elle n’avait jamais osé révéler.

A l’âge de dix-sept ans, Lina tombe enceinte et doit affronter cette grossesse non désirée. Une naissance que sa propre mère n’arrivera jamais à accepter. Au fil du livre, nous découvrons les souffrances d’une femme, ses combats pour la liberté mais surtout son amour pour ses fils.

Eric Fottorino essaye de provoquer une rencontre avec une mère dont il a l’impression qu’elle demeure cette inconnue qui est restée à ses côtés durant son enfance.

Il n’a jamais su comment l’appeler autrement que « Lina », le mot « Maman » ne parvenant jamais à franchir le recoin de ses lèvres. Face à une grand-mère omniprésente qui finalement se comporte comme un mère, Lina a du mal à trouver sa place.

Davantage sœur que mère, amie que véritable appui dans la vie d’Eric, l’écrivain demeure dans la frustration d’avoir été privé de cet amour maternel.

Et pourtant ! Eric Fottorino, au fil du livre, cherche et découvre cette femme au lourd passé.

Dans une quête identitaire le conduisant jusqu’à un Nice meurtri par les attentats de 2016, l’écrivain retrace le parcours de sa mère à l’âge de dix-sept ans, l’imaginant déambuler sur la promenade des anglais. Il fantasme la vie de Lina, ses pensées et ses espoirs…

Dans cette biographie émouvante, Eric Fottorino dresse le portrait d’une femme qu’il a aimé sans véritablement en prendre conscience.

Un bel éloge à un amour maternel ressuscité !

J’ai aimé le thème du livre et la tendresse qui s’en dégage. L’auteur nous dévoile, avec beaucoup d’émotion, une part intime de son enfance et de sa famille.

Malgré l’aspect touchant de ce récit, je n’ai pas réussi à être totalement transportée par ma lecture. La plume d’Eric Fottorino ne m’a pas bouleversée autant que je l’aurais souhaité.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations :

« L’amour de ma mère, je ne l’ai pas senti. Il a manqué une étincelle. Sur l’adolescente qui attendait la délivrance, elle ne m’a jamais éclairé. Trop coupable pour articuler un mot. C’est dans ce silence que nous nous sommes perdus. Le silence. Il est devenu notre marque de fabrique. Depuis toutes ces années, ne rien se dire a été notre mode unique de conversation »

« On s’écorchait, ça faisait du vague à l’âme. On s’enfonçait des aiguilles dans le cœur pour vérifier qu’on s’aimait, qu’on en crevait de s’aimer » 

De sang-froid – Truman Capote (1966)

Un livre coup de poing à vous procurer d’urgence !

De sang-froid, le roman culte de Truman Capote, nous plonge avec effroi dans un fait divers glaçant, survenu en 1959, dans le village de Holcomb, à l’ouest du Kansas. Le lecteur est transporté dans les hautes plaines de blé de cette région américaine aride et solitaire où vient se nicher un petit village.

Rien ne semble pouvoir troubler ce joli paysage américain où les habitants vivent presque en autarcie. Pourtant la ville d’Holcomb restera à jamais meurtrie par le passage de deux truands sans grande envergure, Dick et Perry.

Ils vont assassiner de sang-froid, les Clutter, famille connue, aimée et respectée dans tout Holcomb.

Si le mobile et les détails du crime nous demeurent inconnus, le lecteur est tenu, tout au long du livre, en haleine par la traque policière des deux criminels.

Truman Capote nous transporte, nous glace, nous attache à ses personnages avec un style magistral !

Dick et Perry, ces deux assassins aux caractères si différents, nous laissent à la fois pétrifié et paradoxalement touché par leur histoire de vie.

Perry, surtout, est décrit sous un double visage, à la fois terrifiant et attachant. Truman Capote arrive à faire se succéder des sentiments si diamétralement opposés mais surtout questionne et bouleverse son lecteur sur la société américaine.

Le contexte de cet ouvrage nous en dit aussi très long sur la force de ce roman. Truman Capote en lisant le New York Time, en 1959, découvre le quadruple meurtre d’une famille de fermiers. Il décide d’enquêter lui-même sur cette affaire pendant plus de cinq ans.

Considérablement ébranlé par sa rencontre avec Perry Smith, l’un des meurtriers, l’écrivain sera plongé dans une inéluctable descente aux enfers…

Plus globalement, Truman Capote dévoile un roman psychologique sur les mécanismes qui poussent l’être humain jusqu’au crime. Il décrit un quadruple meurtre atroce et parvient également à humaniser la monstruosité.

Ce fil tendu par l’écrivain entre la noirceur de l’homme mais aussi cette humanité qui tente de survivre est captivant…

Une force admirable se dégage de cet œuvre qui bien au-delà de décrire un terrible fait divers ne peut laisser son lecteur indemne.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Ils attendaient un voyageur solitaire dans une voiture convenable et avec de l’argent dans son porte-billets : un étranger à voler, étrangler et abandonner dans le désert ».

« Et les Clutter n’y étaient pour rien. Ils ne m’ont jamais fait de mal. Comme les autres. Comme les autres m’en ont fait toute ma vie. Peut-être simplement que les Clutter étaient ceux qui devaient payer pour les autres »

« Ces péquenots, ils vont voter la corde aussi vite qu’un cochon vide son auge. Regardez leurs yeux. J’veux bien être pendu si je suis le seul tueur dans la salle d’audience ».

Hiver à Sokcho – Elisa Shua Dusapin (2016)

Evoquons, un livre tout en légèreté et en délicatesse.

Elisa Shua Dusapin nous transporte dans une petite ville portuaire de Corée du Sud à quelques pas de la Corée du Nord. Sokcho, cette ville frontière morne et glacée, où des voyageurs égarés semblent flotter dans une atmosphère enneigée.

Dans ce paysage hivernal, enseveli par la neige et le froid, deux êtres que tout semble opposés vont se rencontrer. Une jeune coréenne, travaillant comme cuisinière dans une pension désaffectée, fait la connaissance d’un voyageur français.

Kerrand, normand mystérieux et dessinateur de bandes dessinées, erre dans la ville de Sokcho, morne et glacée, en quête d’une inspiration artistique.

La narratrice pour sa part, évolue dans un quotidien triste, dévouée à sa mère qui souhaite la voir se fiancer au jeune Jun-Oh. Elle semble passer à côté de son existence dans cette routine ronronnante au rythme du passage des résidents de la pension.

Ces deux êtres issus de deux cultures si diamétralement opposées, vont finalement se toiser, se croiser, se frôler et véritablement se rencontrer.

Kerrand va briser la monotonie de son existence et la jeune femme se sentira implacablement troublée et attirée par ce français.

Cette rencontre finira par lui révéler une part cachée d’elle-même qu’elle n’avait eu de cesse d’enfouir.

Issue d’une union entre une coréenne et un français, qu’elle n’a jamais connu et dont sa mère refuse obstinément de parler, elle se sent comme happée par cette rencontre. Finalement, sa relation avec Kerrand semble être un véritable reflet d’une quête identitaire.

Elisa Shua Dusapin signe un premier roman prometteur, couronné du prix Robert Walser et du Prix Révélation de la Société des Gens de Lettres en 2016.

Un roman bref et délicat qui se lit de manière fulgurante mais qui laisse comme un goût d’inachevé. En effet, j’ai eu envie de prolonger ce doux moment avec ces personnages, j’avais envie d’aller plus loin.

Cette brièveté, aussi fugace que cette rencontre, pourra laisser le lecteur sur sa fin même s’il s’agit d’une douce parenthèse…

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Les plages ici attendent la fin d’une guerre qui dure depuis tellement longtemps qu’on finit par croire qu’elle n’est plus là, alors on a construit des hôtels, on met des guirlandes mais tout est faux, c’est comme une corde qui s’effile entre deux falaises, on y marche en funambules sans jamais savoir quand elle se brisera, on vit dans un entre-deux, et cet hiver qui n’en finit pas ! »

« Son regard, physique, dur, m’avait pénétrée. Il m’avait fait découvrir quelque chose que j’ignorais, cette part de moi là-bas, à l’autre bout du monde, c’était tout ce que je voulais. Exister sous sa plume, dans son encre, y baigner, qu’il oublie toutes les autres »

Le portrait de Dorian Gray – Oscar Wilde (1890)

Et si nous parlions d’un livre qui reste gravé dans nos mémoires ?

Oscar Wilde nous livre le portrait de Dorian Gray, un visage d’ange et une beauté sans égal qui inspirent pour son entourage une moralité exemplaire.

Un célèbre peintre, Basil Hallward, voulant immortaliser cet être parfait, va réaliser son portrait…

Dorian Gray fera le voeu atypique, et pourtant si cher à l’être humain, de conserver inaltéré cette beauté divine et la quintessence de sa jeunesse.

Ce miracle fantastique se réalisera et le jeune homme restera beau et angélique tandis que son portrait matérialisé dans l’oeuvre artistique ne cessera d’être altéré par le temps, par l’âge et par la perversion de l’âme de Dorian Gray…

Oscar Wilde dresse le portrait d’un homme rongé par ses vices, enseveli dans sa perversité, une âme altérée sous des airs de perfection.

On dit souvent que l‘habit ne fait pas le moine, dans ce récit d’une très grande profondeur, Oscar Wilde dessine, avec brio, un portrait sur les apparences et les faux semblants.

Mais il s’agit aussi d’une amitié liant Henry, Dorian et Basil. Basil idolâtre et peint Dorian, Henry influence Dorian et Dorian est emporté par un narcissisme exacerbé. Cette amitié qui lie les trois hommes semble parfois conduire aux sentiments amoureux avec une très grande sensualité…

Entre les lignes, Oscar Wilde dévoile à son lecteur autre chose, son propre portrait. Condamné pour « grave immoralité » en raison de son homosexualité, son propre père avait porté plainte contre lui à cause de son orientation sexuelle. Censuré et perçu par la critique de l’époque comme un roman décrivant une débauche homosexuelle, ce livre nous dévoile aussi tout le combat d’Oscar Wilde…

Il est difficile d’exprimer ce qu’on ressent face à un tel chef d’œuvre de la littérature.

Une merveille stylistique, une prouesse d’écriture, une œuvre profonde sur l’humanité, les vicissitudes de l’être humain et ses controverses.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Tout portrait qu’on peint avec âme est un portrait, non du modèle, mais de l’artiste. le modèle n’est qu’un hasard et qu’un prétexte. Ce n’est pas lui qui se trouve révélé par le peintre ; c’est le peintre qui se révèle lui-même sur la toile qu’il colorie »

« Le seul moyen de se délivrer de la tentation, c’est d’y céder. Résistez-y, et votre âme languira, tourmentée »

« Il y a toujours quelque chose de ridicule dans les émotions de ceux que nous avons cessé d’aimer »

Oh… – Philippe Djian (2012)

Philippe Djian, un auteur contemporain qu’on ne présente plus mais dont je n’avais jamais encore découvert la plume.

« Oh… » nous raconte l’histoire d’une femme. Une femme poursuivie par son passé et enlisée dans son présent. Une femme qui ne croit plus en l’homme, une femme ensevelie dans l’ombre obscure de son enfance.

Michèle, cette cinquantenaire qui s’est délestée de son mari puis de son amant. Cette mère attendant l’émancipation de son fils semble être le symbole de l’indépendance et de la liberté. Pour autant, elle ne cesse d’être rattrapée par son passé, par ses névroses, par ses proches et par ses pulsions.

Victime d’un viol, elle va s’enfermer dans une relation troublante où s’entrecroise répulsion et attirance.

Nous découvrons un personnage fascinant aux multiples contrastes. Sa vision déformée du mal par son enfance l’entrainera au plus profond d’elle-même.

Michèle a décidé de rayer définitivement de sa vie un père assassin mais paradoxe troublant ses pulsions la conduisent inévitablement dans une relation malsaine avec un homme présentant finalement le même profil que son père…

Reflet du complexe œdipien, cet ouvrage nous livre-t-il finalement le portrait d’une femme qui cherche à se rapprocher inéluctablement de son père ?

Avec son style vif et acéré, Philippe Djian ne s’est pas encombré de chapitre et nous dévoile un roman brut qui se lit en un souffle.

Peu initiée au contexte de cet ouvrage, je voyais, au fil de ma lecture, avec étonnement les images du thriller « Elle » réalisé par Paul Verhoeven en 2016 et couronné des Césars du meilleur film et de la meilleure actrice pour Isabelle Huppert.

Ce film m’avait particulièrement marquée et j’ai découvert après coup qu’il s’agissait tout simplement de l’adaptation du livre !

Je pense finalement que l’image persistante du film m’a quelque peu décontenancé dans ma lecture puisque j’aime toujours découvrir les ouvrages avant leur adaptation cinématographique.

Un livre dérangeant et acide qui se lit d’une traite et que je ne peux que vous conseiller.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« A l’aube, je referme ma porte sur les talons de Robert et Anne qui sont les derniers à partir j’ai le sentiment d’avoir procuré un sursis de quelques heures à Irène, ainsi qu’à moi-même, et que nous en avons profité – nous avons réussi à passer ces derniers moments ensemble, à l’écart, toutes les deux, et seules comme autrefois, sans personne sur qui compter, et j’en suis profondément satisfaite, j’en ressors apaisée » 

« Ne pas avoir accès à ce qui est enfoui en moi, si profondément enfoui que j’en perçois qu’une infime et vague rumeur lointaine, comme un chant oublié, déchirant, totalement illisible, ne me facilite pas les choses »