Dostoïevski, le soleil noir – Henrik Rehr & Chantal Van den Heuvel (2023)

Et si nous suivions en image la vie de Dostoïevski ?

Dans ce roman graphique sombre, nous marchons au côté de Dostoïevski à Saint-Pétersbourg vers les lieux de son exécution. Condamné à mort en 1849 en raison de sa proximité avec les mouvements progressistes et le cercle de Petrachevski, sa sentence est imminente.

A quelques minutes de son exécution, l’empereur lui-même commue la peine. Dostoïevski sera condamné à quatre ans de bagne en Sibérie. Au delà de ce souvenir terrible, c’est toute la vie de l’imminent écrivain que nous suivons page après page.

Cet écrivain de génie cache une santé fragile et une frénésie du jeu. Submergé par les dettes, nous partageons ses souffrances intérieures, ses terribles souvenirs du bagne et son parcours amoureux tumultueux.

Porté par des dessins tourmentés, ce roman graphique offre un nouveau regard sur la vie et sur l’oeuvre de Dostoïevski et ne peux que vous inciter à le (re)découvrir.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Les Frères Karamazov – Fiodor Dostoïevski (1880)

Et si nous tuons un père monstrueux ?

Dans ce roman intense, Fiodor Dostoïevski dresse le portrait de trois frères. L’ainé, Dimitri est un être passionné, sensuel et irascible. Le cadet Ivan est un érudit au caractère froid et renfermé. Le benjamin, Aliocha est un homme de foi d’une grande honnêteté morale.

Si les trois frères n’ont rien en commun, ils partagent le même père : Fiodor Karamazov. Un père décrit par Dostoïevski comme un homme rongé par les vices. Corrompu, égoïste et jouisseur, il a rejeté ses enfants.

En toile de fond, un quatrième frère se cache, Semerdiakov, un batard qui n’a jamais été reconnu. Fils illégitime, il est devenu cuisinier et domestique auprès de Fiodor Karamazov. Quand le père est assassiné, les regards se tournent vers les fils.

Dimitri n’a pas eu peur de proférer ouvertement des menaces à l’encontre de son père qui s’est amouraché de la femme qu’il aime passionnément. Désigné comme principal coupable durant l’enquête, Dimitri a-t-il véritablement tué son père ?

Roman fondateur sur le paricide, cette oeuvre riche questionne de nombreux sujets : le rapport à la culpabilité, à la religion, à l’enfance et à l’héritage.

Roman policier, philosophique, psychologique ou métaphysique, les multiples lectures de cette oeuvre la positionne parmi les plus grands classiques de la littérature. Un roman que je ne peux que vous inciter à lire et à (re)lire afin d’en percer toutes les réflexions.

Pour aller plus loin :

Radio France – Les chemins de la philosophie

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Sachez qu’il n’y a rien de plus noble, de plus fort, de plus sain et de plus utile dans la vie qu’un bon souvenir, surtout quand il provient du jeune âge, de la maison paternelle. On vous parle beaucoup de votre éducation ; or, un souvenir saint, conservé depuis l’enfance, est peut-être la meilleure des éducations : si l’on fait provision de tels souvenirs pour la vie, on est sauvé définitivement »

« Surtout, n’ayez pas tant honte de vous-même, car tout le mal vient de là »

Belle du seigneur – Albert Cohen (1968)

Et nous partagions une prouesse romanesque ?

Tragédie amoureuse, Belle du seigneur nous emporte dans les méandres d’une histoire d’amour passionnée.

Quand Solal rencontre Ariane la force de l’attraction est indéniable. Pourtant Ariane est mariée à Adrien Deume, personnage arriviste et oisif prêt à tout pour réussir. Quand son employeur Solal pose son regard sur Adrien, il ne saisit pas que c’est sa femme qu’il convoite. Lumineuse Ariane, elle est tournoyante de beauté. Plus ténébreux et sombre, Solal est beaucoup plus énigmatique mais il est bien décidé à se lancer dans cette conquête amoureuse.

Pourtant leur passion ne sera pas éternelle, elle doit faire face à l’usure du quotidien et à l’ennui. Ariane et Solal n’auront de cesse de créer des artifices pour préserver une conception fantasmée de l’amour. Jusqu’où iront-ils pour sauver cet absolu amoureux ?

Au-delà de nous interroger sur nos conceptions des rapports passionnés, Albert Cohen jette un regard cynique sur la bureaucratie de la Société des Nations. Si la longueur de cette œuvre peut vous faire peur, ce roman est immensément riche. Il parvient à nous faire sourire mais également à susciter de profonds bouleversements dans nos réflexions.

Un immense classique de la littérature qui me laissera une marque indélébile.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Descendu de cheval, il allait le long des noisetiers et des églantiers, suivi des deux chevaux que le valet d’écurie tenait par les rênes, allait dans les craquements du silence, torse nu sous le soleil de midi, allait et souriait, étrange et princier, sûr d’une victoire. A deux reprises, hier et avant-hier, il avait été lâche et il n’avait pas osé. Aujourd’hui, en ce premier jour de mai, il oserait et elle l’aimerait ».

« Aimé, hier soir je lisais un livre et soudain je me suis aperçue que je ne comprenais rien et que je pensais à vous »

Numéro deux – David Foenkinos (2022)

Et si nous rencontrions le double de Harry Potter ?

A l’âge de 11 ans, le destin de Daniel Radcliffe bascule quand il décroche le rôle d’Harry Potter. Pourtant en 1999 quand le casting d’Harry Potter débute il n’était pas prédestiné à un tel rôle. Après de nombreuses auditions, il ne reste que deux candidats en compétition : Daniel Radcliffe et Martin Hill.

Repéré sur un tournage, Martin Hill accompagnait son père, décorateur de cinéma et n’avait jamais eu pour ambition de devenir acteur. Très vite, les auditions se succèdent et Martin Hill commence à rêver à l’obtention du rôle de ce jeune sorcier. Quand la production lui annonce qu’il n’est pas choisi et que Daniel Radcliffe a « un petit quelque chose en plus », tout s’effondre. L’impression étouffante d’être passé à côté de son destin ne le quittera jamais. L’omniprésente de Harry Potter lui rappelle inlassablement cette terrible défaite. Ce sentiment d’échec va le poursuivre durant toute sa vie. Comment Martin Hill parviendra-t-il à se reconstruire ?

Grâce à ce personnage fantasmé, David Foenkinos raconte l’histoire d’un « numéro deux ». Un roman facile d’accès qui nous encourage à nous relever face aux revers de nos existences. Je n’ai pas été envoutée par le style assez plat de l’auteur mais ce roman reste un moment de lecture divertissant.

Merci aux éditions Folio pour ce cadeau.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« La vie humaine se résume peut-être à ça, une incessante expérimentation de la désillusion, pour aboutir avec plus ou moins de succès à une gestion des douleurs »

« Rencontrer quelqu’un, c’est se permettre d’exister à nouveau sans son passé. On se raconte comme on veut, on peut sauter des pages et même commencer par la fin »

Invisible – Paul Auster (2009)

Et si nous voyagions de New-York à Paris en compagnie de Paul Auster ?

Lors de ses études à Colombia, Adam Walker croise un énigmatique professeur, Rudoff Born. Si Adam aimerait percer le mystère de cet homme, il s’inquiète de ses opinions provocantes. La femme qui accompagne Rudoff fascine littéralement le jeune homme. Sulfureuse, elle jette un regard plein d’intérêt pour cet étudiant qui aspire à devenir poète.

Attiré par cette femme, il se rapproche du couple jusqu’à envisager des projets d’avenir. Être naïf et tourmenté, Adam va être envouté par l’aura nocive de Rudoff. Un sombre drame va lier les deux hommes et faire basculer leurs destins.

Maîtrisant la trame narrative avec virtuose, Paul Auster dresse les portraits de personnages complexes. Captivée, je me suis plongée dans ce roman qui nous emporte dans des zones d’ombre parfois malsaines et dérangeantes mais où la psychologie des personnages est finement travaillée.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« La distance entre la pensée et les actes peut être immense, un gouffre aussi vaste que le monde lui-même »

« Elle est de nature plus libre que toi, plus heureuse que toi et, chaque fois que tu es en sa compagnie, le monde te paraît plus lumineux et plus accueillant, un endroit où ton ego maussade et introverti peut presque commencer à se sentir chez lui »

« Il se demande si les mots ne constituent pas un élément essentiel de la relation sexuelle, si la parole n’est pas finalement une forme plus subtil du toucher, si les images qui nous dansent en tête n’ont pas tout autant d’importance que les corps que nous tenons dans nos bras » 

Désirer – Emma Becker, Wendy Delorme, Joy Majdalani, Emmanuelle Richard, Marina Rollman, Laurine Thizy (2023)

Et si nous parlions d’érotisme ?

Dans ce recueil de nouvelles, six femmes abordent le désir féminin. Ainsi, elles explorent avec un style limpide et décomplexé les fantasmes féminins.

Dans ces récits engagés et érotiques, nous percevons la force d’un désir pluriel, les rapports érotisés pour des hommes aux physiques hors normes, la force des fantasmes inassouvis ou la complexité des rapports adultères. Dans ce travail collectif, les six plumes féminines se suivent avec une grande harmonie de style.

Dans ces nouvelles charnelles, les femmes sont aux centres et poursuivent cette quête d’une sexualité épanouie, ouverte et libre. Un récit sensuel que je vous recommande pour mieux appréhender la pluralité de la sexualité féminine et la force des mots dans l’érotisation des rapports amoureux ou sensuels.

Merci aux éditions L’iconoclaste pour cet envoi

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citation :

« Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l’autre ».

La fille parfaite – Nathalie Azoulai (2022)

Et si nous parlions d’une amitié fusionnelle ?

Rachel et Adèle sont de jeunes filles blondes aux teints parfaits. Presque jumelles, leur ressemblance physique est indéniable mais elles sont intellectuellement à l’extrême opposées. Rachel a choisi naturellement les lettres. Depuis son enfance, elle évolue dans une famille d’érudits où les mots sont une évidence. Adèle, initiée par son père depuis son jeune âge aux calculs, a choisi les sciences. Son destin de brillante mathématicienne semble tracé.

Face à un déterminisme social inévitable, les deux femmes vont-elles changer de cap ? Tout au long de leur vie, Rachel et Adèle appréhendent le monde différemment et l’ambivalence de leur relation sera de plus en plus forte.

Dans ce roman initiatique, Nathalie Azoulai trace les contours d’une amitié tumultueuse faite de jalousie et de complémentarité. Au-delà de la relation qui les unit, Nathalie Azoulai cherche à percer les mystères de deux mondes qui se font face. Si j’ai aimé la clivage entre sciences et lettres, je l’ai trouvé très présent peut-être au détriment de la psychologie des personnages.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citation :

« Si elle avait su. Elle savait. C’était une de ses théories, que les gens naissent tous chiffrés, avec leur nombre d’années à vivre au-dessus de la tête, une auréole qui déclenche toutes les vies comme des
comptes à rebours qui tournent en silence. Ne va pas t’imaginer que ça fasse du bruit, ça s’oublie, mais si chacun au fond sait combien d’années il a à vivre, ça fait quoi ? se demandait-elle. Ça donne plus d’intensité ? plus d’angoisse ? En tout cas, niveau inégalités, ça se pose là, on comprendrait au moins d’emblée que le monde est inégal, que certes, on peut lutter, mais qu’il vaut mieux le savoir, ne pas caresser de folles espérances, rêver à des choses qui n’existent pas »

Soleil amer – Lilia Hassaine (2021)

Et si nous évoquions un long processus d’intégration ?

Quand Saïd quitte son pays natal l’Algérie pour la France il veut offrir à sa famille un avenir meilleur. Embauché dans une usine automobile en 1959, les conditions de travail sont désastreuses et il est perçu comme un étranger. Après plusieurs années de solitude, sa femme et ses trois filles le rejoignent en France.

Les rêves s’évanouissent rapidement face à l’amertume du quotidien. La famille s’installe dans une cité HLM et leurs conditions de vie restent difficiles. Quand Naja tombe enceinte, l’accueil d’un nouvel enfant leur semble impossible. Lorsqu’elle accouche de jumeaux, Daniel et Amir, le couple décide que Daniel sera élevé par son frère et sa compagne française, Eve. Eve ne peut pas avoir d’enfant et la proximité des deux femmes fait de ce choix une évidence. Le destin des deux frères s’en trouvera profondément bouleversé. Un tel secret de famille pourra-t-il survivre aux temps ?

Dans ce roman social, Lilia Hassaine parvient en peu de lignes à retranscrire toute la complexité de la désillusion d’une intégration. Une fresque familiale envoutante qui parvient à nous captiver !

Merci aux éditions folio pour cette découverte !

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« La joie sans mélancolie, c’est un soleil qui brillerait sans discontinuer. La joie n’est la joie que parce qu’elle joue au funambule au-dessus du vide ».

« Quitter un pays qu’elles aimaient, suivre un mari qui trimait, perdre leurs enfants un par un, se demander si elles avaient fait le bon choix, être mère c’était ça, accumuler les erreurs, apprendre sans cesse, échouer encore. Les héroïnes, c’était elles ».

« D’un côté il se disait fier de ses origines et de sa culture, de l’autre il espérait se fondre dans le paysage français. D’un côté il désirait rentrer au bled, de l’autre il rêvait que ses enfants s’intègrent. Il oscillait entre deux pays, entre deux projets, et élevait ses enfants dans la même dualité. La dualité comme identité, c’était déjà une contradiction, il n’existait pas de mot pour dire « un et deux » à la fois »

L’attentat – Yasmina Khadra (2005)

Et si nous comprenions la violence du monde avec Yasmina Khadra ?

Au coeur de Tel-Aviv, une explosion foudroyante fait de nombreuses victimes. Rapidement, la piste de l’attentat est confirmée, une femme kamikaze a actionné les bombes qu’elle portait.

Chirurgien, Amine s’occupe des nombreux blessés toute la nuit. Quand il rentre à son domicile, le téléphone retentit à nouveau, il doit se rendre à l’hôpital en urgences. Il va apprendre par ses collègues et par la police que la kamikaze est son épouse Sihem. Face à cette annonce irréelle, sa vie s’écroule. Au fil du temps, il se rend compte qu’il ne connaissait pas la femme avec qui il partageait sa vie. Dans une lente descente aux enfers, il doit faire le deuil de la femme qu’il aimait mais aussi comprendre l’inimaginable. Amine part alors sur les traces du parcours de radicalisation de Sihem.

Dans sa quête de vérité, Amine va aussi rechercher son identité. Israélien d’origine palestinienne, en tant que chirurgien il a évolué dans un milieu privilégié lui faisant oublier ses racines.

Par une oeuvre incisive et nerveuse, Yasmina Khadra cherche à nous faire comprendre l’impensable. J’ai aimé la force de ce récit qui porte un regard intime sur le conflit israélo-palestinien.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Je veux juste comprendre comment la femme de ma vie m’a exclu de la sienne, comment celle que j’aimais comme un fou a été plus sensible au prêche des autres plutôt qu’à mes poèmes ».

« Garde tes peines pour toi, elles sont tout ce qu’il te reste lorsque tu as tout perdu ».

Les raisins de la colère – John Steinbeck (1939)

Et si nous parlions d’un chef-oeuvre humaniste ?

Avec les raisons de la colère, John Steinbeck nous transporte dans une épopée familiale émouvante et criante d’humanité.

Tout juste sorti de prison, Joah rejoint sa famille sur les modestes terres de l’Oklahoma. A son arrivée, il découvre que ses proches s’apprêtent à partir. Face à l’industrialisation croissante de l’Amérique, ils doivent quitter leurs terres agricoles pour l’ouest des Etats-Unis. Ils rêvent de la Californie, de terres libres et ensoleillées où l’ensemble de la famille pourra cultiver des fruits, trouver du travail et de la nourriture.

Pourtant cette traversée américaine sera rude et semée d’embuches. Si la Californie a un parfum d’Eldorado, la route est longue et les promesses de l’ouest incertaines. De route en route, la famille Joad rencontre d’autres fermiers contraints également à l’exil. Face à des conditions atroces, les gestes d’entraide et l’espoir demeurent. Cependant confrontés à l’injustice de leurs conditions la colère gronde. Jusqu’où les conduira ce périple ?

Monument de la littérature américaine, ce roman retraçant la Grande Dépression qui a frappé les Etats-Unis est à mettre entre toutes les mains. Dans un style brut et réaliste, John Steinbeck parvient à nous plonger totalement au coeur de cette famille. J’ai partagé leur voyage et je suis profondément marquée par ce témoignage social bouleversant. Un coup de coeur que je ne peux que vous recommander.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« En route pour la Californie, ou ailleurs… Chacun de nous, tambour-major à la tête d’un régiment de peines, de douleurs, marchant le coeur plein d’amertume. Et un jour, toutes les armées des coeurs amers marcheront toutes dans le même sens. Et elles iront toutes ensemble et répandront une terreur mortelle ».

« Si vous qui possédez les choses dont les autres manquent, si vous pouviez comprendre cela, vous pourriez peut-être échapper à votre destin. Si vous pouviez séparer les causes des effets, si vous pouviez savoir que Paine, Marx, Jefferson, Lénine furent des effets, non des causes, vous pourriez survivre. Mais cela vous ne pouvez pas le savoir. Car le fait de posséder vous congèle pour toujours en « Je » et vous sépare toujours du « Nous » »