Le lait de l’oranger – Gisèle Halimi (1988)

Et si nous évoquions les souvenirs d’une femme de combats ?

Gisèle Halimi dévoile dans ce livre infiniment tendre et personnel son enfance en Tunisie, la mort tragique de son frère, son parcours et ses engagements.

A travers ses mots, Gisèle Halimi parle surtout d’Edouard, son père. Elle raconte la place du premier homme de sa vie et le lien indestructible qui les unissait. Avec émotion, nous découvrons la fierté dans les yeux de ce père, sa fille avait réussi au-delà de ses espérances mais elle s’était aussi engagée dans des luttes qui le dépassaient.

Dans ce récit, Gisèle Halimi mentionne également des rencontres savoureuses de Simone de Beauvoir à Jacques Chirac en passant par Sartre, Simone Veil ou Aragon. Ces personnalités qui ont jalonné sa vie permettent d’éclairer toute une époque.

Ce livre révèle l’émancipation admirable d’une femme. Gisèle Halimi s’est investie dans des causes loin des valeurs traditionnelles inculquées par sa famille. J’ai beaucoup aimé cette autobiographie, portée par une écriture limpide et délicieuse, qui nous permet de mieux comprendre cette femme incroyable.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Il me fallait toucher, humer, caresser, ouvrir, fermer les pages. Comme un rite sensuel qui me préparait au plaisir. La lecture me submergeait alors de ses vagues et j’accédais à un autre monde ».

« Seule la grande émotion de « toucher » enfin la France me submergeait. Ce pays que j’avais construit en moi, à partir de mes lectures, de mes images, de mes fantasmes, me devenait terre et lumière. j’allais m’y intégrer, m’y fondre avec volupté. La tour Eiffel me mettait les larmes aux yeux, Notre-Dame, tel un aimant, me tenait immobile de longues heures sur le parvis, je me perdais, éblouie, dans le Marais. A chaque rue, chaque place, je voyais surgir des vieux hôtels Le Roi-Soleil et Racine »

Les tourmentés – Lucas Belvaux (2022)

Et si nous débutions une chasse à l’homme ?

Dans ce thriller psychologique, Lucas Belvaux propose un triangle inquiétant entre un ancien légionnaire qui a tout perdu, un majordome mystérieux et une femme hautaine.

Passionnée de chasse, Madame est une femme aussi fortunée qu’impitoyable. Elle a réussi à conquérir tous les gibiers à l’exception d’une seule espèce : l’homme. Avec l’aide de son unique et dévoué employé Max, elle décide d’entamer une toute nouvelle partie de chasse.

Pour entamer ce jeu cruel, Max doit trouver un homme prêt à risquer sa vie. Il a partagé un passé de légionnaire avec Skender. Cet homme qu’il a bien connu a aujourd’hui tout perdu. Enlisé dans la misère et rongé par ses traumatismes, il s’est éloigné de sa famille et n’a plus d’avenir. Max lui propose de mettre en jeu sa vie pour satisfaire les ambitions glaçantes de Madame. Skender acceptera-t-il ce pacte sanglant ?

Dans une ambiance cinématographique, nous découvrons l’union de ces trois personnages déchirés par des tourments obscurs. Si je n’ai pas été conquise par la dimension littéraire de ce roman, Lucas Belvaux parvient facilement à nous entrainer dans ce pacte par l’intensité psychologique de ses personnages.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citations

« Je suis sans contours. Sans peau ni rien entre le monde et moi qui me protège. Rien qui me tient ».

« Je connais la haine, le mépris, l’humiliation mieux qu’il ne l’imagine, depuis plus longtemps, depuis toujours. J’ai surmonté tout ça. J’ai appris à ne plus m’y fracasser à coups de poing ou de tête, à les esquiver, devenir plus noir encore et les absorber comme les trous noirs absorbent l’énergie autour d’eux. Je les vide de toute substance. Je les épuise »

Une rose seule – Muriel Barbery (2020)

Et si nous entamions un voyage à Kyoto ?

A la mort de son père, Rose part à Kyoto sur les traces d’un père qu’elle n’a jamais connu. Elle s’installe dans sa maison et s’imprègne peu à peu de l’atmosphère qui se dégage des lieux. Marchand d’art, son père avait une vie très établie à Kyoto. Il n’a pour autant jamais oublié l’existence de sa fille Rose. Tout d’abord assaillie par la colère vis-à-vis de cet homme resté dans l’ombre, elle va s’approprier son passé.

Lors de son séjour, elle rencontre Paul, l’assistant de son père, qui lui sert de guide et avec qui elle tisse peu à peu une relation forte. Jusqu’où la quête de ses origines va-t-elle la conduire ?

Dans ce court récit, tout en pudeur, Muriel Barbery dresse l’itinéraire d’une femme à la découverte d’elle-mêmeSi ce roman à l’écriture délicate ne m’a pas profondément marquée dans le portrait de ses personnages, j’en garde un beau souvenir de lecture tout en raffinement.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citations

« Si on n ‘est pas prêt à souffrir, dit-elle, on n’est pas prêt à vivre ».

« Sa jeune vie avait été morose. Celles des autres lui paraissaient chatoyantes et gracieuses, la sienne, lorsqu’elle y songeait, la fuyait comme l’eau sur la paume. Quoiqu’elle eût des amis, elle les aimait sans élan ; ses amants traversaient le paysage comme des ombres, ses jours se passaient à fréquenter des silhouettes indécises ».

« Elle se sentait assommée de beauté, de minéralité et de bois ; tout lui était torpeur, tout lui était intense »

Le procès – Franz Kafka (1925)

Et si nous évoquions un classique inclassable ?

Pierre angulaire de la littérature, « Le procès » de Franz Kafka est un roman déroutant mêlant philosophie, absurdité, satire sociale, onirisme…

Cadre de banque, Joseph K. est arrêté par deux hommes. Cependant, il ne connaît pas les motifs de cette intervention arbitraire à son domicile.

Malgré son arrestation, il demeure libre et peut retrouver son quotidien et se rendre à son travail. Pourtant, la menace de son procès rode. Sa liberté est enfermée dans un carcan cauchemardesque. Il assiste à une première audience au Tribunal où il se défend et prend la parole avec force face à un simulacre de Justice. Afin d’être innocenté, il s’entoure de personnages étranges mais l’issue tragique semble inexorable. Parviendra-t-il à retrouver sa liberté ?

Ce roman dérangeant et incontournable suscite de nombreuses interprétations. Dans tous les cas, il laisse planer dans nos esprits une terrible angoisse et interroge sur le sens de la société et de la justice. Il marquera pour toujours mes mémoires de livres.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« Le jugement n’intervient pas d’un coup ; c’est la procédure qui insensiblement devient jugement ».

« La seule attitude judicieuse consiste à s’accommoder de l’état des choses ».

Challah la danse – Dalya Daoud (2024)

Et si nous vivions au coeur d’un lotissement ?

Dans ce premier roman, Dalya Daoud propose une immersion dans un lotissement.

A proximité de son usine de tissage, Armand Kechichian a créé des logements ouvriers. Entre la chapelle et l’église, six longères sont sorties de terre. Des familles majoritairement issues du Maghreb se sont installées dans ce lotissement niché au coeur d’un village rural.

S’ils vivent à proximité du Village, ils demeurent reclus dans cette cité. Les conflits entre voisins se multiplient au fil des années. Bassou, un des enfants de la cité est le symbole de cette intégration difficile. Entre ses origines et sa volonté de côtoyer les enfants de la ville parviendra-t-il à trouver sa place ?

Si j’ai trouvé la thématique abordée et la dimension sociale de ce premier roman particulièrement intéressante, je garde un avis mitigé à propos de cette lecture. Malheureusement, j’ai trouvé le fil narratif légèrement confus et je n’ai pas réussi à m’imprégner des différents personnages.

Merci à Babelio pour cet envoi !

Ma note

Note : 1.5 sur 5.

Citation

« Quand leurs enfants en partirent, Hassan leur prescrivit de ne pas oublier leurs origines mais, avec le temps et la façon de leur père de si bien composer avec le Village, ils ne surent pas s’il parlait de l’Algérie ou du Lotissement »

L’amour – François Bégaudeau (2023)

Et si nous parlions d’un amour sans passion ?

Sans artifice ni envolé lyrique, François Bégaudeau décrit un amour construit autour des gestes simples du quotidien.

Les Moreau vont partager leur vie pendant cinquante ans. Ce couple modeste se rencontre au début des années 70 sans éprouver un grand émoi amoureux. Jeanne est réceptionniste dans un hôtel et Jacques travaille comme maçon à côté de l’établissement hôtelier. Ils échangent quelques mots anodins et décident de se retrouver pour une balade en forêt. Ils n’ont été traversés par aucun coup de foudre.

Pourtant, au fil du temps, ils apprennent à se connaître et vont partager une vie côté à côté. Une vie simple se dessine avec un mariage, une maison avec jardin, un enfant. Sans cri ni larme, les Moreau partage la douce harmonie des petits instants du quotidien. L’amour peut-il donc éclore loin de la passion ?

Si j’ai aimé entrevoir cet amour dans les gestes du quotidien, j’ai malheureusement trouvé ce roman assez plat. Le travail autour de la psychologie des personnages a manqué pour moi de profondeur et ne me laissera pas une trace indélébile.

Ma note

Note : 1.5 sur 5.

Citation

« L’amour prend patience, l’amour rend service, l’amour ne jalouse pas. Il ne s’emporte pas. Il n’entretient pas de rancune. Il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai. Il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout, l’amour ne passera jamais ».

Rétiaire(s) – Doa (2024)

Et si nous intégrions un clan au coeur d’un trafic de stupéfiants ?

Amélie Vasseur, capitaine de gendarmerie à l’OFAST (l’Office anti-stupéfiants) se lance dans la traque de la famille Cerda, un clan familial engagé dans un réseau plus vaste et meurtrier.

Dans ce polar, Doa propose une croisée entre de nombreux personnages : un policier qui n’a plus rien à perdre et vacille vers l’illégalité, une enquêtrice féroce engagée dans une traque sans fin, un clan aux personnages violents, sombres mais aussi ambivalents. Entre clivages familiaux, lutte contre les trafiquants, pistes avortées, l’enquêtrice va-t-elle réussir à percer les mystères de cette famille ?

Ce roman extrêmement réaliste nous plonge dans les mécanismes des réseaux mais aussi au coeur des prisons et de l’office anti-stupéfiant. J’ai aimé le réalisme et le rythme de ce policier qui nous emporte facilement. Je ne suis malheureusement pas la plus adepte de ce genre littéraire mais je salue la plume nerveuse, contemporaine et percutante de cet auteur !

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citation

« Souvent lorsqu’elle observe son reflet dans une glace, Lola cherche les traces de son père. De lui, elle a hérité ce visage aux mâchoires trop carrées, diront certains, avec des pointes et des angles saillants, et aussi cette ligne des yeux en retrait du front, quelque peu assombrie par ce surplomb. Des traits qui font se retourner les gens, intimident parfois, ne laissent jamais indifférent »

D’autres vies que la mienne – Emmanuel Carrère (2009)

Et si nous parlions d’un roman émouvant ?

A travers ce roman choral, Emmanuel Carrère évoque notre rapport au deuil. Les destins croisés de deux Juliettes vont se faire écho durant tout le récit.

La première Juliette n’est qu’une enfant quand le 24 décembre 2004, un terrible tsunami touche le Sri Lanka. Emmanuel Carrère avec sa femme et ses enfants passent des vacances sur place et vont assister, impuissants, aux désarrois des victimes.

A leur retour en France, la femme d’Emmanuel Carrère apprend que sa soeur, Juliette, est atteinte d’un cancer. L’écrivain devient le témoin de ses destins tragiques. Il va, à travers le portrait de plusieurs personnages, retracer le lent processus de deuil.

Le ton est particulièrement émouvant et nous permet de retranscrire avec beaucoup de finesse notre rapport à la perte. La diversité des sujets abordés entre le tsunami, la maladie, le surendettement aurait pu conduire à des romans complètement indépendants. Même si l’omniprésence d’Emmanuel Carrère durant tout le récit m’a parfois dérangée, ces témoignages bouleversants émeuvent jusqu’aux larmes.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Pour le moment il était là, il tenait dans ses bras sa femme en train de mourir et, quel que soit le temps qu’elle y mettrait, on pouvait être sûr qu’il la tiendrait jusqu’au bout, que Juliette dans ses bras mourrait en sécurité. Rien ne me paraissait plus précieux que cette sécurité-là, cette certitude de pouvoir se reposer jusqu’au dernier instant dans les bras de quelqu’un qui vous aime entièrement ».

« La pire des souffrances, c’est celle qu’on ne peut pas partager »

Les Deux Soeurs – Stefan Zweig (1936)

Et si nous nous enivrions à nouveau de la plume de Stefan Zweig ?

Dans ce recueil, nous découvrons deux nouvelles méconnues et poétiques de Stefan Zweig. Ces récits intérieurs dévoilent les premiers émois fougueux d’un adolescent et mettent également en lumière la rivalité de deux soeurs jumelles.

Tout d’abord, « Une histoire au crépuscule » propose de décrire une passion amoureuse. Un jeune homme qui vient à peine de sortir de l’adolescence séjourne dans une belle demeure avec ses cousines et plusieurs femmes. Durant son séjour, il rencontre au crépuscule une étrangère. Cachée dans l’ombre, celle-ci ose montrer son désir pour le garçon et l’enlace fougueusement. Cette rencontre avec une inconnue au doux parfum et à la sensualité indéniable plonge le jeune homme dans une ivresse charnelle. Il s’éprend de cette femme jusqu’à lui vouer une passion dévorante et fantasmée. Parviendra-t-il à percer le mystère de cette inconnue ?

Dans la seconde nouvelle « Les Deux Soeurs », Stefan Zweig propose une rencontre avec deux soeurs jumelles. Issues de l’union entre un commandant ambitieux et une magnifique épicière, Helena et Sophia sont rivales depuis l’enfance. Elles s’épanouissent dans un duel acharné et aspirent à une réussite luxueuse. Quand Helena quitte brusquement la maison et se jette dans une vie où ses charmes vont lui permettre d’accéder à la richesse, Sophia est dévastée. Pourtant, elle n’est pas décidée à perdre la bataille, qui gagnera ce combat ?

Entre vanité exacerbée, affres de la jalousie ou fougue de jeunesse, Stefan Zweig parvient à nouveau dans ces courts récits à dépeindre avec talent l’âme humaine. Il arrive en quelques lignes à dévoiler les sentiments enfouis de ses personnages et propose deux nouvelles au charme indéniable.

Ma note

Note : 5 sur 5.

« Peu lui importe de savoir comment cette femme est parvenue jusqu’à lui, de connaître son nom : il lui suffit de boire, les yeux clos, jusqu’à l’ivresse, le désir avide de ces lèvres étrangères, leur parfum humide, et d’abdiquer toute volonté, éperdu, transporté par une vague immense de passion ».

« L’amour n’a peut-être rien de plus délicieux à offrir que ces instants de rêves aux couleurs pastels, dans la pénombre ».

Connemara – Nicolas Mathieu (2022)

Et si nous pouvions corriger le passé ?

Dans ce récit immersif, Nicolas Mathieu dévoile l’union de deux destins opposés.

A quarante ans, Hélène a depuis longtemps quitter sa ville natale. Elle a construit sa vie et sa carrière, loin de la modeste ville de son enfance. Elle évolue avec son époux et ses deux filles dans le confort d’une vie bourgeoise. Si toutes ses ambitions semblent avoir été accomplies, ses aspirations ont pourtant un arrière goût de désillusion.

Par hasard, elle croise à nouveau le regard de Christophe, l’ancien joueur de hockey adulé par toutes les jeunes filles du lycée. Cet amour inachevé va la heurter de plein fouet et faire ressurgir ses fantasmes d’adolescente. Christophe n’a pas quitté la ville et ses rêves de jeunesse. Ces vies si diamétralement opposées vont-elles pouvoir se réunir ?

Avec des personnages incarnés, Nicolas Mathieu mêle avec brio nostalgie du passé, rêves déchus et ambitions avortées. Grâce à son sens de l’observation redoutable et ce ton toujours aussi acerbe, Nicolas Mathieu dans ce roman politique et social confirme son indéniable talent.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Il fallait vivre pourtant et espérer, malgré le compte à rebours et les premiers cheveux blancs. Des jours meilleurs viendraient. On le lui avait promis. »

« Enfin la voix de Sardou, et ces paroles qui faisaient semblant de parler d’ailleurs, mais ici, chacun savait à quoi s’en tenir. Parce que la terre, les lacs, les rivières, ça n’était que des images, du folklore. Cette chanson n’avait rien à voir avec l’Irlande. Elle parlait d’autre chose, d’une épopée moyenne, la leur, et qui ne s’était pas produite dans la lande ou ce genre de conneries, mais là, dans les campagnes et les pavillons, à petits pas, dans la peine des jours invariables, à l’usine puis au bureau, désormais dans les entrepôts et les chaînes logistiques, les hôpitaux et à torcher le cul des vieux, cette vie avec ses équilibres désespérants, des lundis à n’en plus finir et quelquefois la plage, baisser la tête et une augmentation quand ça voulait, quarante ans de boulot et plus, pour finir à biner son minuscule bout de jardin, regarder un cerisier en fleur au printemps, se savoir chez soi, et puis la grande qui passait le dimanche en Megane, le siège bébé à l’arrière, un enfant qui rassure tout le monde : finalement, ça valait le coup. Tout ça, on le savait d’instinct, aux premières notes, parce qu’on l’avait entendue mille fois cette chanson, au transistor, dans sa voiture, à la télé, grandiloquente et manifeste, qui vous prenait aux tripes et rendait fier ».