Nuages flottants – Fumiko Hayashi (1951)

Et si nous voyagions dans un Japon en ruine ?

Yukiko rentre à Tokyo après un long séjour passé en Indochine. Elle va retrouver un pays marqué par la seconde guerre mondiale et profondément meurtri. Elle tente de retrouver l’homme qu’elle a tant aimé en Indochine et avec qui elle a entretenu une relation fusionnelle. Si elle parvient à le revoir, les modifications de Tokyo et le poids de la guerre ont considérablement bouleversé leur relation.

L’homme qu’elle a connu a retrouvé sa famille et tente de recommencer à vivre dans un pays dévasté par la défaite. Ses deux êtres unis par un amour passionnel en Indochine sont devenus des étrangers. Réussiront-ils à faire renaître leur relation sur les cendres d’un pays en ruine ?

Entre ivresse et misère, ce roman dévoile un amour déboussolé par la guerre. Porté par une jolie écriture, ce livre nous entraine dans une relation tumultueuse et malsaine. Si je n’ai pas été transportée totalement par l’intrigue marquée par quelques longueurs, je salue cependant ce roman d’une grande modernité avec un portrait de femme remarquable.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citation :

« Il imagina sa propre silhouette sous la forme d’un nuage flottant. Un nuage errant au gré du vent qui, un jour, quelque part, insensiblement, disparaîtrait ».

L’héritage d’Esther – Sándor Márai (1939)

Et si nous faisions la rencontre d’Esther ?

Avec ce bref récit, Sándor Márai plonge avec délice le lecteur dans un huit clos envoûtant où se mêle quête de souvenirs, silences et non-dits.

Esther est une vieille femme pleine de sagesse et d’une extrême douceur. Elle vit recluse dans une maison retirée. Solitaire, elle regarde avec mélancolie son passé où demeure immobile un homme qui a bouleversé son existence.

Des années après leur dernière rencontre, Lajos lui adresse une lettre lui annonçant sa venue. Esther est comme plongée à nouveau dans cette histoire d’amour inachevée. Lajos sait manier les mots et évolue avec son charisme naturel. Malgré son absence de morale, Esther a été conquise dès la première seconde par cet homme insaisissable et reste soumise à son pouvoir des années plus tard…

Conquise par l’écriture cristalline et vive de Sándor Márai, ce roman nous dévoile en quelques lignes la psychologie des personnages et parvient aussi à préserver le mystère de leur relation jusqu’à la dernière ligne. Un récit court et intense qui témoigne à nouveau du talent de Sándor Márai et dont j’aurai aimé prolonger la lecture…

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« Alors que nous étions assis sur le banc de pierre, je compris brusquement – et de façon désespérante – qu’il vient un moment où l’on ne peut plus rien « réparer » »

« On peut passer sa vie à taire l’essentiel. Quelquefois même, on en meurt. Mais il arrive qu’on ait la possibilité de parler ; alors il n’est pas permis de continuer à se taire »

Moon Palace – Paul Auster (1989)

Et si nous plongions dans un roman américain dense et ambitieux ?

L’univers de Paul Auster est riche tant par ses personnages hors normes que par la densité de ses intrigues.

À la mort de son oncle, Marco Stanley Fogg hérite d’une quantité indescriptible de livres. Ces objets, reflets d’un homme qu’il a profondément aimé, lui font découvrir l’ampleur de la littérature. Apathique et renfermé, il dédie tout son temps à la lecture et en oublie même de travailler. Il use de ses derniers dollars et se retrouve à la rue dans le dénuement le plus total.

Au coeur de cette misère, il fait la connaissance de Kitty Wu avec qui il entretient une histoire d’amour passionnelle et évidente. Dans son errance, il se met au service de Monsieur Effing et lui fait quotidiennement la lecture. Effing, homme taciturne et aigri lui ouvrira, sans le savoir, la porte de son passé et marquera profondément sa destinée.

Paul Auster use d’une histoire invraisemblable et fantasque pour disséquer ses personnages et nous plonger dans une quête identitaire remarquablement menée.

Sous la lueur de la lune, qu’il est réconfortant et jubilatoire de se plonger dans l’oeuvre de Paul Auster…

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« N’aie pas peur, disait ma voix. Personne n’est autorisé à mourir plus d’une fois. La comédie sera bientôt terminée, et plus jamais tu n’auras à repasser par là »

« J’avais sauté de la falaise, et puis au tout dernier moment, quelque chose s’est interposé et m’a rattrapé en plein vol. Quelque chose que je définis comme l’amour. C’est la seule force qui peut stopper un homme dans sa chute, la seule qui soit assez puissante pour nier les lois de la gravité »

« Les bibliothèques ne sont pas le monde réel, après tout. Ce sont des lieux à part, des sanctuaires de la pensée pure. Comme ça je pourrai continuer à vivre dans la lune pour le restant de mes jours »

Les vestiges du jour – Kazuo Ishiguro (1989)

Et si nous faisions la connaissance d’un majordome anglais ?

Majordorme, Stevens a dédié sa vie aux autres. Comme son père avant lui, il exerce ses fonctions, tout en pudeur, dans une haute demeure anglaise.

Longtemps au service de Lord Darlington, il s’est senti témoin discret des grandes décisions du monde. En effet, à l’aube de la seconde guerre mondiale, Lord Darlington est une figure de la diplomatie anglaise et rencontre des hommes influents. Malgré l’ombre qui plane autour de Lord Darlington, Stevens lui demeure fidèle et orchestre avec finesse et fierté le séjour des invités de marque au sein du manoir anglais.

Des années plus tard un riche américain a acquis le château. Stevens va connaître alors une transformation de son service. Il entreprend, pour la première fois, un voyage à la rencontre de Miss Kenton, l’ancienne gouvernante. Ce séjour sera l’occasion d’une immersion dans ses souvenirs et dans cette histoire d’amour manquée. Malgré les renoncements qui ont émaillé sa vie en raison de ses fonctions, Stevens conserve un souvenir ému et fier de son métier.

Ce roman où se mêle dignité et dévotion révèle avec émotion le poids d’une vocation sur une destinée.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« En vérité, pourquoi le nierais-je ? Malgré les tristes souvenirs qui s’y associent, lorsqu’il m’arrive aujourd’hui de me remémorer cette soirée, je m’aperçois que j’éprouve, à y repenser, un sentiment de triomphe ».

« Mais à ce qu’il me semble, lorsqu’on commence à examiner le passé en y cherchant de tels « tournants », on a tendance, avec le recul, à trouver partout ce que l’on cherche »

La séparation – Dan Franck (1991)

Et si nous parlions du délitement d’un couple ?

Dans ce court roman auréolé du prix Renaudot en 1991, Dan Franck évoque une rupture amoureuse lente et douloureuse.

Elle l’aime mais elle le quitte. Cette femme avec qui il avait tout construit, cette femme avec qui il a eu deux fils commence peu à peu à s’éloigner. Tout d’abord, c’est une main qui s’enfuit, une tendresse qui se délite puis un sourire qui s’évanouit.

Ces gestes disparus laissent place à l’indifférence. Sa femme lui avoue soudain qu’il en existe un autre. Elle l’aime encore mais elle aime aussi, passionnément, l’autre. Elle veut partir mais elle ne sait plus, elle tergiverse et reste malgré tout.

Lui puise dans des forces insoupçonnées pour la retenir. Mais sa colère, sa patience ou sa tendresse ne fonctionnent plus. L’ainé de ses fils prononcera alors l’implacable : « c’est la divorciation ? »

Avec un style pudique, simple et réaliste, Dan Franck plonge le lecteur au coeur de ce couple déchiré par le quotidien. Il dresse aussi un portrait implacable d’une femme manipulatrice et égoïste.

Intentionnellement subjectif, le point de vue de la narration est exclusivement masculin. J’aurai aimé entendre la voix de cette femme, mais la douleur de cet homme prend toute la place et ne peut qu’insuffler de l’empathie chez le lecteur. Un récit personnel qui ne laisse pas indifférent.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citation :

« L’échec ne réside pas dans la rupture, mais dans l’échec de la rupture. La séparation est le dernier acte de la vie commune »

Adrienne Mesurat – Julien Green (1927)

Et si nous parlions d’une femme méconnue et emblématique de la littérature ?

Adrienne Mesurat vit dans une maison reculée au coeur d’un village de province avec sa famille. A la fois délicate et réservée, cette jeune femme semble bien énigmatique.

Son père est emmuré dans ses habitudes. Sa soeur, quant à elle, avec sa santé fragile est comme transparente. Entre ce père colérique et cette soeur taciturne, Adrienne Mesurat a des difficultés à trouver sa place. Emprisonnée dans ce carcan familial, elle s’étiole doucement. Les jours s’écoulent tristement sans qu’aucune véritable joie ne traverse son existence calme et presque monacale.

Un jour ses yeux rencontrent ceux d’un homme. Ce bref instant suspendu va bouleverser son existence. Tout à coup, toute sa vie sera dédiée à cet inconnu. Mais jusqu’où cet amour fantasmé va-t-il la conduire ?

Ce classique méconnu offre une description flamboyante de l’ennui au coeur d’une vie étriquée. La psychanalyse des personnages est précise, acérée et magistrale. J’ai été plongée dans ce roman et j’ai été littéralement conquise par les personnages, la beauté des descriptions et par l’émotion inconditionnelle que ce livre suscite.

Si vous aimez Eugénie Grandet et Emma Bovary, partez à la rencontre d’Adrienne Mesurat !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« C’était peut-être moins affreux d’être plongée ainsi dans un ennui sans trêve que de passer fiévreusement d’un instant de joie inquiète au plus cruel des chagrins ».

« Elle ne se débattait pas, elle laissait le souvenir des espoirs d’autrefois revenir en elle et la déchirer. il lui semblait bien qu’ainsi elle allait jusqu’au fond de sa douleur comme on va vers un refuge. Là, plus rien ne l’atteindrait ».

Petit déjeuner chez Tiffany – Truman Capote (1958)

Et si nous faisions la connaissance d’une femme mythique ?

Ce recueil de nouvelles débute par l’incontournable « Petit déjeuner chez Tiffany ».

Accoudés au comptoir d’un bar New-Yorkais, Buster et Joe se souviennent de leur unique point commun : une femme belle, excentrique et insaisissable prénommée Holly.

Holly était la voisine de Joe, elle a commencé à tisser avec lui une relation amicale ambiguë. Sous le charme, Joe n’avait qu’une seule idée en tête se rapprocher d’elle et percer son mystère. Buster, lui aussi, partageait la même fascination pour la jeune femme.

Au coeur de New-York, Holly vivait avec une frivolité renversante et organisait des réceptions charmantes et excentriques. Pourtant, derrière ce personnage mondain entouré d’hommes se cache une femme, d’une grande sensibilité, à la poursuite de ses rêves.

Des années plus tard, Joe et Buster se souviennent de cette femme inoubliable qui a quitté depuis longtemps leur vie mais qui restera pour toujours dans leur mémoire.

Je n’ai pas été complètement transportée par cet ouvrage. La psychologie des personnages a manqué pour moi de profondeur. Je pense que j’avais eu un tel coup de coeur pour l’ouvrage « De sang froid » de Truman Capote que j’ai été légèrement déçue par cette brève nouvelle.

Ce recueil est également complété par trois autres nouvelles : La maison des fleurs, La guitare de diamants et Un souvenir de Noël. Même si je n’ai pas été complètement conquise, j’ai aimé la tendresse qui se dégageait de ses courts écrits de Truman Capote.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citation :

« Et comme les jours passaient je commençai à éprouver, à son égard un certain laborieux ressentiment comme si j’étais abandonné par le meilleur de mes amis. Un malaise de solitude pénétra dans ma vie. Mais sans me faire languir pour des amitiés plus anciennes, qui désormais me semblaient insipides »

Les braises – Sándor Márai (1942)

Et si nous abordions un classique de la littérature hongroise ?

Dans ce huit clos envoûtant, deux hommes font face à leur passé.

Deux amis d’enfance, Henri et Conrad se retrouvent quarante et un ans après leur dernière rencontre. Ils ont tout partagé : leur enfance, leurs souvenirs de jeunesse et leurs années d’apprentissage à l’école militaire. Pourtant, des faits obscurs ont conduit à leur séparation définitive. Un rempart infranchissable semble s’être dressé entre les deux amis.

Conrad a quitté brusquement l’école militaire et a pris la fuite pour les tropiques tandis que Henri devenu « le Général » a vécu reclus dans son château à la suite du décès de sa femme, Christine.

Des années plus tard, ils vont partager un diner dans le décor inchangé de leur ancienne vie. Cette confrontation ultime va faire éclater la lumière sur la discorde opposant les deux hommes. Tout au long du roman, la tension est palpable entre les deux personnages et le duel devient rapidement un véritable réquisitoire porté par la verve du Général.

Ce court roman ouvre une réflexion plus vaste sur la définition de l’amitié, les rapports de domination et la soif de vengeance. J’ai découvert pour la première fois la plume magistrale de Sándor Márai qui nous transporte facilement dans un univers où le poids du secret plane jusqu’à la dernière ligne.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Cependant, derrière les jalousies baissées, dans le jardin roussi et flétri, l’été jetait ses dernières lueurs comme un incendiaire qui, dans un accès de rage aveugle, livre tout aux flammes autour de lui, avant de s’éclipser »

« Parfois, j’ai eu l’idée que l’amitié vraie était un lien aussi fort que celui de la communauté des jumeaux. Une similitude frappante des penchants, des sympathies, des goûts, de la culture générale et des passions lie deux êtres à un destin identique »

Narcisse et Goldmund – Hermann Hesse (1930)

Et si nous choisissions l’expérience vagabonde ?

Avec ce roman d’apprentissage, nous découvrons Narcisse et Goldmund, deux êtres opposés reliés par une intense amitié.

Jeune homme inexpérimenté, Goldmund est confié à des religieux par son père. Bien vite, sa nature ne semble pas le guider vers cette existence pieuse à laquelle son père l’avait destiné. Durant son séjour au sein du cloître, il fait une rencontre décisive et se lie à son professeur, Narcisse.

Au fil des années, les caractères des deux hommes se dessinent avec plus de précisions. Narcisse, penseur, choisit une vie pieuse et ascétique tandis que Goldmund, l’artiste, est appelé par les désirs de la chair et par l’expérience vagabonde. Sur les routes Goldmund découvre une vie errante peuplée de femmes et d’aventures qui le mène jusqu’à sa vocation de sculpteur, tandis que Narcisse se mure dans le silence du cloître. Malgré leurs choix opposés, l’amitié profonde qui les lie reste inébranlable.

Avec ce roman intense, Hermann Hesse construit deux personnages forts et contrastés, l’un recherchant le beau, l’autre la spiritualité. Narcisse et Goldmund vont mener une véritable quête identitaire entre leur nature et leur force spirituelle et artistique. Par le roman, Hermann Hesse ouvre d’autres portes sur le monde celles de profondes réflexions philosophiques.

Déjà ensorcelée par le Loup des steppes, Narcisse et Goldmund confirme mon enthousiasme pour la somptueuse plume de Hermann Hesse.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« La seule chose qui restait réelle et active, c’était la vie au fond de lui-même : le martèlement anxieux de son coeur, l’aiguillon douloureux du désir, les joies et les angoisses de ses rêves »

« Il se disait que lui-même, comme tous les hommes, s’écoulait, se transformait sans cesse pour se dissoudre enfin, tandis que son image créée par l’artiste resterait immuablement la même et pour toujours ».

« La vie était belle, beau et fugitif le bonheur, belle et si vite fanée la jeunesse ».

« C’était ainsi, les impressions tristes passaient comme les autres, la douleur, le désespoir passaient comme la joie, ils s’atténuaient, pâlissaient, perdaient leur profondeur et leur prix, et à la fin, un jour venait où on ne pouvait plus retrouver ce que c’était qui vous avait fait, jadis, tant de peine »

Les jeunes filles – Henry de Montherlant (1936)

Et si nous parlions d’un odieux personnage ?

Avec « Les jeunes filles », Henry de Montherlant débute un cycle composé de quatre ouvrages retraçant avec cynisme le parcours amoureux de Pierre Costals.

Ecrivain célèbre et jeune bourgeois parisien, Pierre Costals reçoit des correspondances de plusieurs admiratrices vouant une véritable adoration pour sa personne. Pourtant, ce cruel personnage construit avec ces jeunes femmes des relations malsaines.

Thérèse Pantevin, une jeune fille pieuse, verra sa foi entravée par sa terrible passion pour l’écrivain. Pour sa part, Andrée Hacquebaut est cultivée mais n’a aucune clairvoyance dès qu’il s’agit de Pierre Costals. Dans l’espoir de le voir, elle se rend fréquemment à Paris et n’aura de cesse d’être déçue par ces fugaces rencontres.

Ces deux admiratrices sont complètement dépendantes de l’auteur à succès et lui adressent des tirades amoureuses. Il leur répond par un profond silence ou par les pires infamies. D’une terrible cruauté il sait manier le verbe pour les mettre sous sa coupe mais aussi pour les maintenir à distance.

Terriblement misogyne, Pierre Costals a tout pour déplaire. D’une drôlerie remarquable ce court roman épistolaire, nous interroge sur les relations dépendantes et les rapports amoureux. Un écrit cynique qui désarçonne !

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Je réponds à votre honorée du II et avec les quinze jours de retard réglementaires. Huit jours pendant lesquels je n’ai pas ouvert votre enveloppe : c’est une petite quarantaine que je fais subir à toutes les lettres de femmes, après quoi elles ont une chance de n’être plus contagieuses »

« Être aimé plus qu’on aime est une des croix de la vie. Parce que cela vous contraint soit à feindre un sentiment de retour qu’on n’éprouve pas, soit à faire souffrir par sa froideur et ses rebuts »