Elias Portolu – Grazia Deledda (1900)

Et si nous voyagions en Sardaigne avec Grazia Deledda ?

Dans ce récit romantique, Grazia Deledda nous propose un voyage immersif et sentimental en Sardaigne. Cette écrivaine italienne, prix nobel de littérature, a publié une oeuvre vaste que je vous recommande de découvrir.

Elias Portolu a été emprisonné de nombreuses années. Quand il sort de prison, il retrouve ses proches. Entouré de ses parents et de ses frères, il renoue avec une famille aimante. Son père vante les mérites de ses trois enfants et se réjouit du retour de l’un de ses fils. Pietro, son frère est fiancé avec Maddalena. Cette union, reliant deux familles, égaye la région de Nuoro.

Quand Elias croise le regard de Maddalena son coeur vacille. Ebloui par la jeune femme, il tombe immédiatement amoureux. Partagé entre son désir et la terrible trahison qu’il ferait à son frère, il se mure dans le silence. Pourtant ses sentiments pour la jeune femme semblent incontrôlables, arrivera-t-il à enfouir cette passion interdite ?

Si l’intrigue reste classique et le personnage tourmenté d’Elias n’a pas suscité pour ma part un vrai charme, la beauté de ce roman est ailleurs. En effet, j’ai trouvé la fluidité du style et la description des paysages remarquables. Ce roman propose une plongée poétique dans une Sardaigne rurale et traditionnelle !

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citation :

« Elias eut une minute d’égarement, de peur et de plaisir indicibles, à se voir seul près de Maddalena, parmi les herbes et les grands chardons fleuris. Son coeur se mit à battre fortement et un vertige d’amour s’empara de tout son être, lorsque ses yeux rencontrèrent le regard passionné et suppliant de la jeune fille »

Soie – Alessandro Baricco (1996)

Et si nous partions au Japon ?

En quelques lignes, Alessandro Baricco façonne un récit marquant mêlant amours et aventures tumultueuses au coeur du Japon.

Vers 1860, Hervé Joncour mène une vie paisible en France. Niché au coeur des monts du Vivarais, il est spécialisé dans la fabrication et le commerce de la soie.

Lorsque les vers de soie, ravagés par une épidémie, viennent à manquer il doit s’embarquer dans un périlleux voyage jusqu’au Japon. Ce pays lointain et méconnu lui promet d’acquérir des oeufs remarquables et lui donne accès à une soie d’une qualité unique. Au-delà de ce commerce, ces voyages successifs au Japon vont permettre à Hervé de découvrir une toute nouvelle culture. Il va rencontrer le regard énigmatique et mystérieux d’une jeune fille qui va profondément le perturber. Jusqu’où ces voyages exotiques le conduiront-ils ?

Avec une maîtrise narrative et stylistique indéniable, Alessandro Baricco parvient à créer un court récit intense et énigmatique. Avec beaucoup de subtilité, il nous emporte dans un Japon évanescent et érotique. Un très beau moment de littérature que je ne peux que vous recommander.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Il racontait avec douceur, regardant dans l’air des choses que les autres ne voyaient pas ».

« Parfois, les jours de vent, Hervé Joncour descendait jusqu’au lac et passait des heures à regarder, parce qu’il lui semblait voir, dessiné sur l’eau, le spectacle léger, et inexplicable, qu’avait été sa vie »

« Elle pleuvait, sa vie, devant ses yeux, spectacle tranquille »

Le mage du Kremlin – Giuliano Da Empoli (2022)

Et si nous accédions aux pensées de Poutine ?

Dans ce brillant récit politique, Giuliano Da Empoli nous ouvre les portes du Kremlin.

Le héros de ce roman, Vadim Baranov est un personnage inspiré de Vladislav Sourkov un des hommes clés dans l’ascension de Vladimir Poutine. Ce conseiller n’était pas prédestiné à une telle collaboration. Issu d’un milieu aisé, il devient producteur à la télévision après des études d’art dramatique. Cette carrière tournée vers le milieu artistique est éloignée du projet politique de Vladimir Poutine.

Pourtant, le narrateur est approché par un homme d’affaire qui lui propose d’accéder aux arcanes du pouvoir. Ils décident ensemble de contribuer à l’ascension de Vladimir Poutine, chef du KGB. La personnalité et les aspirations du chef du Kremlin conduisent Vadim à une toute autre destinée…

Ce roman mêlant dimension politique et historique nous emporte littéralement au côté de Poutine et nous dévoile avec une grande acuité le fonctionnement du pouvoir en Russie. Un livre saisissant qui nous donne un nouvel éclairage sur l’actualité.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Personnellement je suivais toutes ces élucubrations avec un certain détachement. Les vivants m’ont toujours moins intéressé que les morts. Je me sentais perdu dans le monde jusqu’au moment où j’ai découvert que je pouvais passer la plus grande partie de mon temps en leur compagnie plutôt que de m’embêter avec mes contemporains »

« Poutine n’était pas un grand acteur comme je le croyais mais seulement un grand espion. Métier schizophrénique qui requiert, c’est certain, des qualités d’acteur. Mais le véritable acteur est extraverti, son plaisir de communiquer est réel. L’espion, en revanche, doit savoir bloquer toute émotion, si tant est qu’il en ait ».

L’art de la joie – Goliarda Sapienza (1994)

Et si nous parlions d’un des grands classiques de la littérature italienne ?

A l’assaut d’un incontournable de la littérature italienne, j’ai découvert « L’art de la joie » et le personnage emblématique de Modesta.

Née en Sicile en 1900, Modesta a grandi dans un dénuement total. Elle survit malgré les drames qui ont marqué sa jeunesse. Recueillie par des religieuses dans un couvent, elle découvre une vie ascétique et pieuse. A la mort de mère Leonora, sa protectrice, Modesta est introduit auprès de la famille de la défunte et connait pour la première fois une existence aisée dans une noble demeure. Elle s’établit peu à peu dans cette nouvelle vie et devient un pilier de la famille qu’elle va, au fil des années, construire.

Malgré les drames qui jalonnent son parcours et le poids implacable de l’histoire en marche et de la montée du fascisme, Modesta ne cesse de vivre avec de plus en plus d’intensité.

Toute sa vie sera marquée par ses élans de liberté. Ainsi malgré les épreuves qui traversent son existence, sa force semble inépuisable. D’une grande modernité pour son époque, Modesta vit pleinement son épanouissement sexuel et intellectuel. Son art de vivre ne semble pas trouver de limite.

Un roman qui dresse le portrait d’une femme transcendée par son désir, sa liberté et sa soif de vivre. Si j’ai eu parfois quelques difficultés à me plonger totalement dans cette oeuvre, j’ai aimé la puissance évocatrice de cette héroïne.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Dans l’anxiété de vivre j’ai laissé filer trop vite mon esprit »

« Comment pouvais-je le savoir si la vie ne me le disait pas ? Comment pouvais-je savoir que le bonheur le plus grand était caché dans les années apparemment les plus sombres de mon existence ? S’abandonner à la vie sans peur, toujours… Et maintenant encore, entre sifflements de trains et portes claquées, la vie m’appelle et je dois y aller »

Impossible – Erri De Luca (2020)

Et si nous nous plongions dans un huis clos ?

En plein coeur de la montagne, un homme meurt suite à une chute sur un sentier sinueux des Dolomites. Un alpiniste expérimenté, marchant juste derrière lui, prévient les secours.

Mais peu de temps après les faits, il apparaît que les deux hommes se connaissaient bien avant le drame. Quarante ans plus tôt, ils ont fait partie du même groupe révolutionnaire. La victime de cette terrible chute a dénoncé son camarade à la police afin d’obtenir un aménagement de peine.

Simple mort accidentel ou meurtre prémédité ? Un jeune juge va instruire l’affaire et débuter l’interrogatoire bien décidé à faire éclater la vérité. L’accusé est soupçonné d’avoir intentionnellement poussé son ancien camarade dans le vide.

Pourtant, le mis en cause n’a de cesse de nier les faits. L’interrogatoire entre le juge et l’accusé se transforme en une véritable joute verbale. Terrible vengeance ou simple coïncidence, un duel psychologique va se tenir entre les deux hommes.

Retranscrit comme une véritable audition, ce dialogue se transforme en un huis clos d’une grande intensité. Finalement cette échange n’est qu’un prétexte pour amorcer des réflexions plus poussées sur la justice, la vérité, la vengeance et l’amitié reliant les êtres…

Un texte puissant que j’ai beaucoup apprécié.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citation :

« C’est le parfait objectif du pouvoir, arriver au plus haut degré d’incompétence et décider de tout. Je vois la société comme une construction faite de matériaux de plus en plus mauvais au fur et à mesure qu’elle progresse vers le haut »

Magnifica – Maria Rosaria Valentini (2016)

Au coeur d’un petit village italien niché à proximité d’une forêt, Ada Maria grandit.

Sa famille dysfonctionnelle est composée d’une mère fragile, d’un père absent et d’un petit frère qu’elle se fait un devoir de protéger.

Ada Maria, timide et réservée, est pourtant le socle de cette famille défaillante. Véritable mère pour son jeune frère, elle comble les vides et porte à bout de bras ses proches.

A la mort de sa mère, Ada Maria se retrouve seule avec son frère. Son père, devient de plus en plus invisible et se réfugie la plupart du temps chez son amante : Teresina.

Peu à peu, Teresina s’intègre dans la maison et un équilibre familial se recompose tant bien que mal.

En parallèle, une rencontre bouleversera le quotidien d’Ada Maria. Au tréfonds de la forêt vit un homme reclus dans une grotte. Tout d’abord, prise de peur, elle s’enfuit lors de leur première entrevue. Puis, peu à peu, se tisse une véritable relation entre la jeune fille et cet homme qui s’avère être un soldat allemand.

La nouvelle de cette idylle se répand dans tout le village et vient bouleverser un équilibre familial déjà précaire.

Un roman empreint de délicatesse et de poésie. La trame lente de la narration est agréable. Je me suis laissée docilement portée par cette histoire familiale construite autour de personnages attachants.

Les émotions finissent par se glisser dans les silences des personnages et la douceur qui se révèle entre les lignes.

Une lecture sans prétention qui s’avère idéal pour l’été !

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations : 

« Au coeur des heures silencieuses se dessinait l’amour. Celui qui jamais n’existe, mais dilate des rêves de verre et confond, apaise, poursuit les découvertes ».

« Ada Maria décrivait à Benedikt cette petite fille qui ressemblait au battement d’ailes d’une palombe, à la branche verdoyante d’un hêtre, aux tressautements d’un papillon ».

Si c’est un homme – Primo Levi (1947)

« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre » Winston Churchill

Et si nous parlions d’un témoignage indispensable ?

Nous avons tous beaucoup appris sur l’horreur des camps de concentration. Beaucoup de témoignages, de documentaires et de films ont tenté de décrire l’ineffable cauchemar des camps de la mort.

Malgré tous ces récits, j’avais souvent l’impression de ne jamais réussir à entrevoir la survie dans les camps d’extermination.

Issu d’une famille juive, Primo Levi, né à Turin en 1919, tente de résister au fascisme.  Déporté à Auschwitz en 1944, il sera libéré par l’armée rouge en janvier 1945, dans ce récit poignant il nous décrit son long parcours dans les camps de la mort.

De retour à Turin quelques mois plus tard, il sera hanté toute sa vie par l’expérience du Lager et finira par se suicider en 1987, à l’âge de 67 ans.

Déjà écrit en pensée à l’époque de sa déportation, comme une libération intérieure, c’est par les mots que Primo Levi raconte les conditions de vie à Auschwitz.

Primo Levi dépeint la déshumanisation mécanique et implacable à l’encontre des déportés mais aussi la capacité de résilience de l’âme humaine.

Un tel choc ne m’avait pas traversé depuis mes études et la découverte du film « Shoah » de Claude Lanzmann sorti en 1985.

Ciment du devoir de mémoire et Bible de l’humanité, ce récit sans l’ombre d’une trace de haine est incontournable pour comprendre la Shoah.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Nous découvrons tous tôt ou tard dans la vie que le bonheur parfait n’existe pas, mais bien peu sont ceux qui s’arrêtent à cette considération inverse qu’il n’y a pas de non plus de malheur absolu »

« Détruire un homme est difficile, presque autant que le créer : cela n’a été ni aisé ni rapide, mais vous y êtes arrivés, Allemands. Nous voici dociles devant vous, nous n’avez plus rien à craindre de nous : ni les actes de révolte, ni les paroles de défi, ni même un regard qui vous juge »

« Si je pouvais résumer tout le mal de notre temps en une seule image, je choisirais cette vision qui m’est familière : un homme décharné, le front courbé et les épaules voûtées, dont le visage et les yeux ne reflètent nulle trace de pensée »

« Il faut donc nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d’autres voies que par la raison, autrement dit des chefs charismatiques : nous devons bien peser notre décision avant de déléguer à quelqu’un d’autre le pouvoir de juger et de vouloir à notre place »

Les huit montagnes – Paolo Cognetti (2016)

Envie d’un joli moment d’évasion ?

Paolo Cognetti nous transporte dans les paysages magnifiques de la Vallée d’Aoste en Italie.

Pietro est né à Milan mais découvre très jeune les torrents, les chemins escarpés, les alpages. En effet, ses parents qui n’ont jamais cessé d’aimer la nature l’initient chaque été aux paysages montagneux.

Il passe ainsi les vacances à Grana, un village niché au cœur de la montagne italienne. Pietro fait la connaissance de Bruno, un vacher de son âge qui ne s’est jamais éloigné de cette montagne. Cette rencontre le mène peu à peu vers la nature sauvage et la conquête de cette montagne si mystérieuse.

Bruno, montagnard né, est taciturne. Ses parents impénétrables ne semblent pas lui offrir un environnement familial aimant. Il trouve alors le réconfort et la protection auprès des parents de Pietro.

Les deux garçons, tous les deux silencieux et solitaires, partagent des relations difficiles avec leurs pères respectifs et finissent par se comprendre en un seul regard.

Les années s’écoulent et finalement les chemins des deux jeunes hommes vont s’éloigner.

Pietro, vingt ans plus tard, sera à nouveau ramené vers la montagne de Grana et redécouvrira avec émotion les souvenirs indélébiles de son enfance.

Bruno, le rat des champs, et Pietro, le rat des villes a nouveau lié dans cette amitié fraternelle affronteront ensemble les épreuves de leurs vies d’adultes.

Ode à la nature, ce roman offre un profond moment d’évasion à travers la description de paysages montagneux majestueux et des saisons successives s’écoulant dans la Vallée d’Aoste.

Mais c’est surtout avec une profonde émotion que Paolo Cognetti dépeint une belle histoire d’amitié et de solitude.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations :

« Un lieu que l’on a aimé enfant peut paraître complètement différent à des yeux d’adulte et se révéler une déception, à moins qu’il ne nous rappelle celui que l’on n’est plus, et nous colle une profonde tristesse ».

« Lui, irascible, autoritaire, intolérant, elle, forte et tranquille et conservatrice. Leur façon rassurante de jouer toujours le même rôle en sachant que l’autre jouera le sien : ce n’étaient pas de vraies discussions que les leurs, mais des dialogues écrits d’avance dont je devinais immanquablement la chute, et dans cette cage je finissais moi aussi par étouffer ».

« C’est dans le souvenir que se trouve le plus beau refuge ».