Messieurs encore un effort… – Elisabeth Badinter (2024)

Et si nous expliquions la baisse de la natalité avec Elisabeth Badinter ?

Dans ce court essai, parfaitement documenté, Elisabeth Badinter interroge les évolutions contemporaines et le repli démographique.

Plusieurs pistes ont déjà été explorées pour expliquer une baisse de la natalité entre crise climatique, sociale et perte de confiance dans l’avenir. Dans cet essai, Elisabeth Badinter interroge aussi les contraintes qui pèsent sur la femme. S’il y a quelques années, la maternité était une aspiration naturelle, aujourd’hui cet élan fait face à de multiples problématiques et à une réflexion plus raisonnée de la femme.

Dans ce texte, Elisabeth Badinter met également en perspective la baisse de natalité en France avec les évolutions à l’étranger et notamment en Corée du Sud où cette chute est frappante.

Avec un clarté remarquable et une précision indéniable, Elisabeth Badinter pose de véritables pistes de réflexions sur le désir de maternité et l’importance d’une égalité entre les sexes. Un essai court et passionnant que je vous recommande fortement !

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citation

« L’une des raisons essentielles du ralentissement (voire de la stagnation dans certains domaines) de la cause égalitaire réside dans la force toujours vivace des stéréotypes de genre. Le premier d’entre eux est l’identification de la femme et de la mère. On présume que toute femme par nature a une vocation maternelle. Or le modèle de la mère traditionnelle est le dévouement absolu à son enfant. L’instinct maternel serait la pulsion naturelle de la femme à assurer le bien-être. Pour ce faire, elle doit le nourrir, le soigner, veiller sur lui nuit et jour, et rester à la maison jusqu’à ce qu’il ait acquis une certaine autonomie. Dans cet optique, les désirs personnels de la femme s’effacent devant les obligations de la mère. Raison pour laquelle on s’est pris à penser que le rôle de la femme était de prendre soin de tous »

Combats et métamorphoses d’une femme – Edouard Louis (2021)

Et si nous évoquions le portrait d’une mère ?

Dans un style tranchant, Edouard Louis dresse le portrait sans concession de sa mère et fait jaillir ses souvenirs d’enfance.

Comme il avait déjà évoqué son père dans son oeuvre, Edouard Louis dans ce court récit fait surgir les traits de sa mère. Une mère parfois radicale dans ses mots ou ses gestes mais surtout une femme ignorée et incomprise. Séparée du père de son premier enfant, elle a reconstruit sa vie avec un homme qu’elle pensait différent. Pourtant, elle demeure toujours asservie et opprimée. Sous le poids d’une violence inexorable tant sociale que masculine, sa mère a depuis toujours perdu sa liberté et son insouciance. Réussira-t-elle à s’émanciper ?

Edouard Louis propose le récit d’une métamorphose face à une fatalité mécanique. Entre honte et admiration, il évoque sa relation tumultueuse avec sa mère. Dans un style radical et personnel, ce récit sensible est celui de leur réconciliation.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Notre rapprochement n’a pas seulement changé son avenir, il a aussi transformé notre passé ».

« Quand j’étais enfant, nous avions honte ensemble – de notre maison, de notre pauvreté. Maintenant j’avais honte de toi, contre toi. Nos hontes se sont séparées »

« Elle était certaine qu’elle méritait une autre vie, que cette vie existait quelque part, abstraitement, dans un monde virtuel, qu’il aurait fallu un rien pour l’effleurer, et que sa vie n’était ce qu’elle était dans le monde réel que par accident »

Rose royal – Nicolas Mathieu (2020)

Et si nous parlions d’un livre aussi amer que sensible ?

Dans ce recueil de nouvelles, Nicolas Mathieu nous propose deux récits « Rose Royal » suivi du texte « La Retraite du juge Wagner ».

Femme divorcée d’une cinquantaine d’années, Rose a connu de nombreuses désillusions amoureuses. Des relations tortueuses et toxiques se sont succédées où la violence était omniprésente. Depuis qu’elle vit seule, Rose a pris pour habitude de glisser un révolver dans son sac. Cette arme lui offre une toute nouvelle assurance. Quand elle rencontre Luc cette quête d’indépendance vacille, cet amour lui apportera-t-elle enfin la sérénité ?

La seconde nouvelle nous permet de rencontrer le juge Wagner. Ce juge en retraite a mis de côté la justice même si les ombres menaçantes de ses anciennes affaires planent toujours autour de lui. Quand il fait la connaissance de Johann, une certaine affection va commencer à se tisser entre ce jeune homme perdu et cet ancien juge. Parviendra-t-il à sauver une jeunesse en perdition ?

Ces récits forts posent un regard acerbe sur toute une génération. J’aime la plume de Nicolas Mathieu, son acuité mais aussi sa sensibilité. Je ne peux que vous recommander ces deux nouvelles sombres d’une grande réussite !

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Il valait mieux tout oublier. Un couple a autant besoin de douceur que d’amnésie. Aucun amour ne peut survivre à ses archives »

« Son visage, par contre, ne tenait plus si bien la route. Il n’était ni gras, ni particulièrement bien creusé, mais le temps y avait laissé sa marque de larmes et de nuits blanches ».

Le lait de l’oranger – Gisèle Halimi (1988)

Et si nous évoquions les souvenirs d’une femme de combats ?

Gisèle Halimi dévoile dans ce livre infiniment tendre et personnel son enfance en Tunisie, la mort tragique de son frère, son parcours et ses engagements.

A travers ses mots, Gisèle Halimi parle surtout d’Edouard, son père. Elle raconte la place du premier homme de sa vie et le lien indestructible qui les unissait. Avec émotion, nous découvrons la fierté dans les yeux de ce père, sa fille avait réussi au-delà de ses espérances mais elle s’était aussi engagée dans des luttes qui le dépassaient.

Dans ce récit, Gisèle Halimi mentionne également des rencontres savoureuses de Simone de Beauvoir à Jacques Chirac en passant par Sartre, Simone Veil ou Aragon. Ces personnalités qui ont jalonné sa vie permettent d’éclairer toute une époque.

Ce livre révèle l’émancipation admirable d’une femme. Gisèle Halimi s’est investie dans des causes loin des valeurs traditionnelles inculquées par sa famille. J’ai beaucoup aimé cette autobiographie, portée par une écriture limpide et délicieuse, qui nous permet de mieux comprendre cette femme incroyable.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Il me fallait toucher, humer, caresser, ouvrir, fermer les pages. Comme un rite sensuel qui me préparait au plaisir. La lecture me submergeait alors de ses vagues et j’accédais à un autre monde ».

« Seule la grande émotion de « toucher » enfin la France me submergeait. Ce pays que j’avais construit en moi, à partir de mes lectures, de mes images, de mes fantasmes, me devenait terre et lumière. j’allais m’y intégrer, m’y fondre avec volupté. La tour Eiffel me mettait les larmes aux yeux, Notre-Dame, tel un aimant, me tenait immobile de longues heures sur le parvis, je me perdais, éblouie, dans le Marais. A chaque rue, chaque place, je voyais surgir des vieux hôtels Le Roi-Soleil et Racine »

Les tourmentés – Lucas Belvaux (2022)

Et si nous débutions une chasse à l’homme ?

Dans ce thriller psychologique, Lucas Belvaux propose un triangle inquiétant entre un ancien légionnaire qui a tout perdu, un majordome mystérieux et une femme hautaine.

Passionnée de chasse, Madame est une femme aussi fortunée qu’impitoyable. Elle a réussi à conquérir tous les gibiers à l’exception d’une seule espèce : l’homme. Avec l’aide de son unique et dévoué employé Max, elle décide d’entamer une toute nouvelle partie de chasse.

Pour entamer ce jeu cruel, Max doit trouver un homme prêt à risquer sa vie. Il a partagé un passé de légionnaire avec Skender. Cet homme qu’il a bien connu a aujourd’hui tout perdu. Enlisé dans la misère et rongé par ses traumatismes, il s’est éloigné de sa famille et n’a plus d’avenir. Max lui propose de mettre en jeu sa vie pour satisfaire les ambitions glaçantes de Madame. Skender acceptera-t-il ce pacte sanglant ?

Dans une ambiance cinématographique, nous découvrons l’union de ces trois personnages déchirés par des tourments obscurs. Si je n’ai pas été conquise par la dimension littéraire de ce roman, Lucas Belvaux parvient facilement à nous entrainer dans ce pacte par l’intensité psychologique de ses personnages.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citations

« Je suis sans contours. Sans peau ni rien entre le monde et moi qui me protège. Rien qui me tient ».

« Je connais la haine, le mépris, l’humiliation mieux qu’il ne l’imagine, depuis plus longtemps, depuis toujours. J’ai surmonté tout ça. J’ai appris à ne plus m’y fracasser à coups de poing ou de tête, à les esquiver, devenir plus noir encore et les absorber comme les trous noirs absorbent l’énergie autour d’eux. Je les vide de toute substance. Je les épuise »

Une rose seule – Muriel Barbery (2020)

Et si nous entamions un voyage à Kyoto ?

A la mort de son père, Rose part à Kyoto sur les traces d’un père qu’elle n’a jamais connu. Elle s’installe dans sa maison et s’imprègne peu à peu de l’atmosphère qui se dégage des lieux. Marchand d’art, son père avait une vie très établie à Kyoto. Il n’a pour autant jamais oublié l’existence de sa fille Rose. Tout d’abord assaillie par la colère vis-à-vis de cet homme resté dans l’ombre, elle va s’approprier son passé.

Lors de son séjour, elle rencontre Paul, l’assistant de son père, qui lui sert de guide et avec qui elle tisse peu à peu une relation forte. Jusqu’où la quête de ses origines va-t-elle la conduire ?

Dans ce court récit, tout en pudeur, Muriel Barbery dresse l’itinéraire d’une femme à la découverte d’elle-mêmeSi ce roman à l’écriture délicate ne m’a pas profondément marquée dans le portrait de ses personnages, j’en garde un beau souvenir de lecture tout en raffinement.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citations

« Si on n ‘est pas prêt à souffrir, dit-elle, on n’est pas prêt à vivre ».

« Sa jeune vie avait été morose. Celles des autres lui paraissaient chatoyantes et gracieuses, la sienne, lorsqu’elle y songeait, la fuyait comme l’eau sur la paume. Quoiqu’elle eût des amis, elle les aimait sans élan ; ses amants traversaient le paysage comme des ombres, ses jours se passaient à fréquenter des silhouettes indécises ».

« Elle se sentait assommée de beauté, de minéralité et de bois ; tout lui était torpeur, tout lui était intense »

Challah la danse – Dalya Daoud (2024)

Et si nous vivions au coeur d’un lotissement ?

Dans ce premier roman, Dalya Daoud propose une immersion dans un lotissement.

A proximité de son usine de tissage, Armand Kechichian a créé des logements ouvriers. Entre la chapelle et l’église, six longères sont sorties de terre. Des familles majoritairement issues du Maghreb se sont installées dans ce lotissement niché au coeur d’un village rural.

S’ils vivent à proximité du Village, ils demeurent reclus dans cette cité. Les conflits entre voisins se multiplient au fil des années. Bassou, un des enfants de la cité est le symbole de cette intégration difficile. Entre ses origines et sa volonté de côtoyer les enfants de la ville parviendra-t-il à trouver sa place ?

Si j’ai trouvé la thématique abordée et la dimension sociale de ce premier roman particulièrement intéressante, je garde un avis mitigé à propos de cette lecture. Malheureusement, j’ai trouvé le fil narratif légèrement confus et je n’ai pas réussi à m’imprégner des différents personnages.

Merci à Babelio pour cet envoi !

Ma note

Note : 1.5 sur 5.

Citation

« Quand leurs enfants en partirent, Hassan leur prescrivit de ne pas oublier leurs origines mais, avec le temps et la façon de leur père de si bien composer avec le Village, ils ne surent pas s’il parlait de l’Algérie ou du Lotissement »

L’amour – François Bégaudeau (2023)

Et si nous parlions d’un amour sans passion ?

Sans artifice ni envolé lyrique, François Bégaudeau décrit un amour construit autour des gestes simples du quotidien.

Les Moreau vont partager leur vie pendant cinquante ans. Ce couple modeste se rencontre au début des années 70 sans éprouver un grand émoi amoureux. Jeanne est réceptionniste dans un hôtel et Jacques travaille comme maçon à côté de l’établissement hôtelier. Ils échangent quelques mots anodins et décident de se retrouver pour une balade en forêt. Ils n’ont été traversés par aucun coup de foudre.

Pourtant, au fil du temps, ils apprennent à se connaître et vont partager une vie côté à côté. Une vie simple se dessine avec un mariage, une maison avec jardin, un enfant. Sans cri ni larme, les Moreau partage la douce harmonie des petits instants du quotidien. L’amour peut-il donc éclore loin de la passion ?

Si j’ai aimé entrevoir cet amour dans les gestes du quotidien, j’ai malheureusement trouvé ce roman assez plat. Le travail autour de la psychologie des personnages a manqué pour moi de profondeur et ne me laissera pas une trace indélébile.

Ma note

Note : 1.5 sur 5.

Citation

« L’amour prend patience, l’amour rend service, l’amour ne jalouse pas. Il ne s’emporte pas. Il n’entretient pas de rancune. Il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai. Il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout, l’amour ne passera jamais ».

Rétiaire(s) – Doa (2024)

Et si nous intégrions un clan au coeur d’un trafic de stupéfiants ?

Amélie Vasseur, capitaine de gendarmerie à l’OFAST (l’Office anti-stupéfiants) se lance dans la traque de la famille Cerda, un clan familial engagé dans un réseau plus vaste et meurtrier.

Dans ce polar, Doa propose une croisée entre de nombreux personnages : un policier qui n’a plus rien à perdre et vacille vers l’illégalité, une enquêtrice féroce engagée dans une traque sans fin, un clan aux personnages violents, sombres mais aussi ambivalents. Entre clivages familiaux, lutte contre les trafiquants, pistes avortées, l’enquêtrice va-t-elle réussir à percer les mystères de cette famille ?

Ce roman extrêmement réaliste nous plonge dans les mécanismes des réseaux mais aussi au coeur des prisons et de l’office anti-stupéfiant. J’ai aimé le réalisme et le rythme de ce policier qui nous emporte facilement. Je ne suis malheureusement pas la plus adepte de ce genre littéraire mais je salue la plume nerveuse, contemporaine et percutante de cet auteur !

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citation

« Souvent lorsqu’elle observe son reflet dans une glace, Lola cherche les traces de son père. De lui, elle a hérité ce visage aux mâchoires trop carrées, diront certains, avec des pointes et des angles saillants, et aussi cette ligne des yeux en retrait du front, quelque peu assombrie par ce surplomb. Des traits qui font se retourner les gens, intimident parfois, ne laissent jamais indifférent »

D’autres vies que la mienne – Emmanuel Carrère (2009)

Et si nous parlions d’un roman émouvant ?

A travers ce roman choral, Emmanuel Carrère évoque notre rapport au deuil. Les destins croisés de deux Juliettes vont se faire écho durant tout le récit.

La première Juliette n’est qu’une enfant quand le 24 décembre 2004, un terrible tsunami touche le Sri Lanka. Emmanuel Carrère avec sa femme et ses enfants passent des vacances sur place et vont assister, impuissants, aux désarrois des victimes.

A leur retour en France, la femme d’Emmanuel Carrère apprend que sa soeur, Juliette, est atteinte d’un cancer. L’écrivain devient le témoin de ses destins tragiques. Il va, à travers le portrait de plusieurs personnages, retracer le lent processus de deuil.

Le ton est particulièrement émouvant et nous permet de retranscrire avec beaucoup de finesse notre rapport à la perte. La diversité des sujets abordés entre le tsunami, la maladie, le surendettement aurait pu conduire à des romans complètement indépendants. Même si l’omniprésence d’Emmanuel Carrère durant tout le récit m’a parfois dérangée, ces témoignages bouleversants émeuvent jusqu’aux larmes.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Pour le moment il était là, il tenait dans ses bras sa femme en train de mourir et, quel que soit le temps qu’elle y mettrait, on pouvait être sûr qu’il la tiendrait jusqu’au bout, que Juliette dans ses bras mourrait en sécurité. Rien ne me paraissait plus précieux que cette sécurité-là, cette certitude de pouvoir se reposer jusqu’au dernier instant dans les bras de quelqu’un qui vous aime entièrement ».

« La pire des souffrances, c’est celle qu’on ne peut pas partager »