Réparer les vivants – Maylis de Kerangal (2013)

Et si nous interrogions notre rapport à la mort ?

Dans ce texte bouleversant, Maylis de Kerangal nous propose une course entre la vie et la mort.

Simon, un jeune surfeur vivant près du Havre, aime avec ses amis se mesurer à la puissance des vagues. Confronté à l’immensité de l’eau froide, il prend pleinement conscience de sa vitalité. Après une session de surf alors qu’il reprend la route, sa vie bascule. Victime d’un accident de la circulation, le verdict des médecins est implacable : Simon est en mort cérébrale.

Bien qu’il soit déclaré mort, ses organes continuent de fonctionner et les médecins envisagent rapidement la possibilité de don d’organes. Ses parents sont heurtés de plein fouet par ce drame et devront prendre une décision inimaginable. En vingt-quatre heures, la vie pourra-t-elle déferler à nouveau ?

Au-delà du récit d’une transplantation cardiaque, Maylis de Kerangal nous propose une oeuvre épidermique oscillant entre la réalité du milieu hospitalier et l’intimité des familles. Avec un style particulier, ce roman empreint d’émotion m’a profondément marquée. Une claque littéraire que je vous recommande vivement !

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« Que deviendra l’amour de Juliette une fois que le cœur de Simon recommencera à battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce cœur, ses affects lentement déposés en strates depuis le premier jour ou inoculé ça et là dans un élan d’enthousiasme ou un accès de colère, ses amitiés et ses aversions, ses rancunes, sa véhémence, ses inclinations graves et tendres ?

« Que deviendront les salves électriques qui creusaient si fort son cœur quand s’avançait la vague ? »

« Le coeur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps« 

Mauprat – George Sand (1837)

Et si l’amour pouvait combattre la violence ?

Enfant sauvage, Bernard a été recueilli par les Mauprat après le décès de ses parents. Ses oncles sont cruels, rustres et dénués de morale. Bernard a été élevé dans la violence par cette branche de la famille.

Il rencontre sa cousine Edmée, qui s’est perdue et a trouvé refuge au château de la Roche-Mauprat. Terrorisée par la brutalité de cette famille de bandits, elle espère trouver en Bernard un peu d’humanité et s’enfuir. Sous l’influence de ses oncles, Bernard pensait user de la force pour la conquérir. Mais face à la beauté et à la grâce d’Edmée, Bernard entrevoit un élan amoureux qu’il n’a jamais connu. Bernard décide de l’aider à fuir, mais entre eux une promesse est scellée… Jusqu’où ce pacte les conduira-t-il ?

Ce roman d’apprentissage nous propose de suivre l’évolution d’un homme aux instincts violents soumis à l’influence salvatrice d’une femme. Aux confins de tous les genres, ce roman à l’atmosphère romantique mêle le gothique, le récit d’aventures et une dimension sociale. Portée par une plume élégante et par l’influence de Jean-Jacques Rousseau, cette œuvre entremêle un amour patient et la force de l’éducation. Ce roman est très intéressant, même s’il présente quelques longueurs.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« A mesure que tu as grandi à mes yeux, j’ai senti que je pouvais attendre, parce que j’avais à t’aimer longtemps, et que je ne craignais pas de voir évanouir ma passion avant de l’avoir satisfaite, comme font les passions dans les âmes faibles« 

« Sachez donc distinguer l’amour du désir ; le désir veut détruire les obstacles qui l’attirent, et il meurt sur les débris d’une vertu vaincue ; l’amour veut vivre, et pour cela il veut voir l’objet de son culte longtemps défendu par cette muraille de diamant dont la force et l’éclat font la valeur de la beauté ».

In carna – Fragments de grossesse – Caroline Hinault (2022)

Et si nous parlions d’un corps en pleine mutation ?

Dans ce récit, résolument féministe, Caroline Hinault dévoile son parcours intime et engagé autour de sa grossesse.

Du ventre vide au ventre plein, Caroline Hinault évoque avec un ton bouleversant et une vérité implacable, son expérience de la maternité.

Elle aborde tout d’abord ses aspirations à devenir mère, cette attente interminable et ce ventre qui reste creux. Puis cette incarnation, la mutation de son corps et de son esprit avec ce ventre devenu plein. Au-delà de l’intimité de son corps, cette grossesse se heurte à toute une société.

A travers son expérience personnelle, Caroline Hinault évoque cette appropriation du corps et révèle toutes les problématiques inégalitaires et sociétales. Ce récit percutant lève le voile sur des mécanismes ancrés et des injonctions contradictoires. Entre essai et journal intime, je vous recommande cette oeuvre passionnante qui ouvre de véritables pistes de réflexions autour de la maternité.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Seul le renoncement, mais parfois forcé, à la maternité permettait pour les femmes d’espérer une égalité de statut social et artistique. On n’a jamais demandé de tel renoncement aux hommes artistes ».

« Une chose la frappe dans cette peinture : Marie n’a pas son habituel visage empreint de générosité et de douceur mais baisse les yeux, le visage plutôt fermé. Certains commentateurs voient dans cette impassibilité un peu rêche la volonté du peintre de se démarquer de la tradition, en lui donnant davantage l’allure d’une paysanne. Mais Elle qui se trouve également en fin de grossesse, Elle devine. Marie est juste complètement crevée et, Christ ou pas Christ, exténuée par tant d’encombrements ».

Sido – Les vrilles de la vigne – Colette (1929)

Et si nous nous imprégnions des confidences de Colette ?

Dans cet ouvrage, Colette dresse tout d’abord le portrait de sa mère, Sido. Une femme proche de la nature qu’elle a toujours admiré. A travers des scènes de son enfance, elle partage également ses souvenirs avec son père et ses frères et soeur. L’évocation des paysages où elle a grandi nous permet de mieux comprendre son passé et ses relations familiales.

Dans la seconde partie de l’ouvrage « Les vrilles de la vigne », Colette partage de courts extraits où elle décrit la nature et sa conception de l’amour. Dans ces textes, elle témoigne également de sa profonde tendresse pour les animaux.

Un livre délicat et sensible qui révèle toute l’intimité de Colette. Si j’ai admiré la prose sensuelle et poétique de Colette, je n’ai pas réussi à être captivée par ces deux récits qui n’ont pas suscité pour ma part une grande émotion. Si sa plume demeure remarquable, il ne s’agit pas de mon livre préféré de l’autrice.

Ma note

Note : 2 sur 5.

Citations

« Ma mère, Sido, savait mieux que tout autre comment se faire oublier pour mieux nous entourer de sa présence. »

« L’amour est une vigne, et les vrilles de l’amour s’enroulent autour du cœur, serrent et tordent. Mais si on ne les laisse pas grandir, elles étouffent ».

Ressac – Diglee (2021)

Et si nous évoquions une retraite inspirante ?

Dans ce court récit autobiographique, Diglee nous partage avec beaucoup de finesse et de grâce sa retraite spirituelle.

En février 2020, Maureen Wingrove choisit de séjourner dans une abbaye reculée en Bretagne afin de se couper du monde et des réseaux sociaux, un confinement choisi avant celui qui lui sera imposé quelques mois plus tard.

Face aux embruns et à la nature, elle cherche à se retrouver et souhaite dédier son temps à la lecture, à l’écriture et aux dessins. Ce séjour est l’occasion d’une prise de recul face à la maladie de son beau-père et aux ombres familiales et personnelles qui planent sur sa vie. Ce temps de repli sera aussi propice à des rencontres féminines qui vont lui permettre de nourrir sa réflexion.

A l’image d’une chambre à soi, Maureen Wingrove s’isole pour mieux se réinventer. J’ai beaucoup aimé ce récit sensible qui propose une introspection salvatrice.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Entre ces murs, nourrie de mots, de peinture et de silence, je me sens abreuvée. L’eau coule de nouveau. Je réalise que rien ne manque à mon couple, c’est à moi qu’il manque des accroches pour apaiser ma soif ».

« Je partirai pour faire parler les mots et faire taire mes maux ».

« La beauté est à vivre avant tout. C’est si banal et en même temps si terrible, un soleil qui se couche. C’est un adieu aux yeux de tous, une théâtrale disparition ».

La mémoire délavée – Nathacha Appanah (2023)

Et si nous témoignions de nos origines ?

Dans ce court récit, avec beaucoup d’émotion et de pudeur, Nathacha Appanah retrace le parcours de ses ancêtres. Elle raconte comment son trisaïeul est arrivé à l’île Maurice et a connu une vie d’asservissement sur les plantations sucrières coloniales.

En 1872, il quitte l’Inde et part dans un voyage lointain et dangereux vers l’Ile Maurice. A son arrivée avec sa femme et son fils, il rêve d’un avenir prospère mais connaîtra la servitude. D’une génération à l’autre, la famille de Nathacha Appanah a vécu sur l’île. Parviendront-ils à s’y intégrer ?

Dans ce livre intime et émouvant, Nathacha Appanah amorce un travail d’une grande sensibilité autour de la mémoire familiale. Ce récit est aussi l’occasion de rendre un véritable hommage à ses grands-parents. Ponctuée de photographies, cette oeuvre lumineuse fait monter les larmes…

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« La déshumanisation immédiate que provoque l’attribution d’un numéro à un être humain ne m’échappe pas. C’est un couperet qui marque l’avant et l’après; c’est une marque au fer rouge qu’on applique, brûlante et grésillante »

« Tant qu’il y aura des mers, tant qu’il y aura la misère, tant qu’il y aura des dominants et des dominés, j’ai l’impression qu’il y aura toujours des bateaux pour transporter les hommes qui rêvent d’un horizon meilleur ».

Les conditions idéales – Mokhtar Amoudi (2023)

Et si nous évoquions une enfance brisée ?

Skander est un enfant de l’Aide sociale à l’enfance. Abandonné par une mère dysfonctionnelle qui doit faire face à ses démons, Skander n’a jamais connu son père. Très jeune, il est placé en famille d’accueil.

A huit ans, Skander voit sa vie à nouveau basculer et va devoir changer de famille. Il déménage à Courseine, en banlieue parisienne et rencontre Madame Khadija. Si ce nouveau repère maternel a choisi la garde des enfants pour répondre à ses besoins d’argent, une relation particulière se tisse entre eux au fil des années.

Passionné par les études et amoureux des dictionnaires, Skander va peu à peu s’acclimater au monde extérieur et côtoyer les jeunes du quartier. Skander arrivera-t-il à maitriser son avenir ou glissera-t-il inexorablement vers la délinquance ?

Dans ce premier roman tendre, Mokhtar Amoudi met en exergue les déterminismes sociaux et les stéréotypes lancinants qui planent dans notre société. Avec un personnage particulièrement attachant et une connotation autobiographique, Mokhtar Amoudi revient sur une enfance chaotique tout en nous livrant un message d’espérance.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« Je ne pensais pas à l’argent, j’étais content. On n’en aura jamais assez de toute façon. C’est comme l’amour. Il faut s’y faire ».

« On a été abandonné une fois, on se dit que ça ne pourra plus arriver, que jamais on ne se permettra de vous la refaire. Mais un adulte, c’est capable de tout »

Etre mère – Julia Kerninon (2024)

Et si nous écoutions des voix féminines ?

Dans ce recueil initié par Julia Kerninon, sept autrices vont évoquer leurs parcours autour de la maternité.

Des témoignages intimes où se mêlent peur, angoisse, joie, culpabilité ou incertitude. Les thèmes abordés sont vastes de l’accouchement, aux représentations autour de l’allaitement, à la dualité de la femme devenue mère ou encore à son rapport au corps et la crainte éprouvée pour l’avenir de ses enfants. La diversité des témoignages est frappante et chaque autrice va aborder cette thématique avec son propre vécu.

Admirative de l’oeuvre de Julia Kerninon, j’ai aimé son initiative et cette parole libérée des femmes. Cette mise a nu permet de lever le voile sur les tabous qui planent toujours autour de la maternité. Un agréable moment de lecture que je vous recommande.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Avoir des enfants nous fait peur et nous rend fortes, nous égare et nous retrouve, nous empêche et nous autorise, nous pèse et nous grise, ne nous apprend rien sinon que tout restera toujours à apprendre »

« Nos peurs, nos réflexions, nos déchirures ont droit de cité au sein des livres. Nous ne sommes peut-être que la moitié de l’humanité, mais nous l’avons créée tout entière »

Pierre et Jean – Guy de Maupassant (1888)

Et si nous évoquions une rivalité entre deux frères ?

Dans ce court récit, Guy de Maupassant dévoile une intrigue limpide en mélangeant roman naturaliste et psychologique.

Pierre et Jean Roland, deux frères à la physionomie et aux caractères opposés, ont grandi en cultivant une certaine rivalité. L’un embrasse une carrière de médecin tandis que l’autre se destine à la profession d’avocat. Lorsqu’un notaire s’invite dans la demeure des Rolands et que Jean, le cadet, hérite intégralement d’un ami de ses parents, le fragile équilibre familial vacille.

Face à cette succession soudaine, Pierre se sent lésé et les doutes jaillissent. Cet héritage révélerait-il un secret de famille ?

J’ai beaucoup aimé ce récit qui aborde une dynamique familiale avec beaucoup de modernité. Avec une écriture terriblement maîtrisée, Guy de Maupassant nous décrit avec finesse les émotions de ses personnages et la beauté des paysages normands. Je vous recommande ce très joli moment de littérature.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Il portait en lui un petit point douloureux, une de ces presque insensibles meurtrissures dont on ne trouve pas la place, mais qui gênent, fatiguent, attristent, irritent, une souffrance inconnue et légère, quelque chose comme une graine de chagrin »

« Elle avait été jeune, avec toutes les défaillances poétiques qui troublent le coeur des jeunes êtres! Enfermée, emprisonnée dans une boutique à côté d’un mari vulgaire et parlant toujours commerce, elle avait rêvée de clair de lune, de voyages, de baisers donnés dans l’ombre des soirs. Et puis un homme, un jour, était entré comme entrent les amoureux dans les livres, et il avait parlé comme eux. »

J’emporterai le feu – Leïla Slimani (2024)

Et si nous dévorions une saga familiale ?

Avec « J’emporterai le feu » le dernier volet de la trilogie « le Pays des autres », Leïla Slimani achève un cycle brillant où s’entrecroise l’intime et le politique.

Nées de l’union entre Aïcha et Medhi, Mia et Inès ont grandi au Maroc dans une famille avec des idéaux résolument modernes. En tant que président d’une grande banque, Medhi rêve d’un pays prospère tourné vers le monde. Pourtant, le couple doit s’adapter à la réalité d’un Maroc contrasté.

Entre héritage traditionnel et modernité, Mia et Inès essayent de découvrir la voie de leur propre émancipation. Parviendront-elles à trouver la liberté ?

Ce dernier roman clôture parfaitement ce cycle qui explore avec talent la question de l’identité et des origines. Envoutée par des personnages brillamment construits, j’ai été à nouveau subjuguée par l’oeuvre de Leïla Slimani.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Mehdi avait beau répéter à ses filles qu’il ne fallait pas être esclave de l’opinion des autres, que seul comptait ce que l’on était vraiment, à l’intérieur, il savait que c’étaient des foutaises. Nous n’étions jamais rien d’autre que ce que les autres percevaient, ce que nous leur donnions à voir. Les secrets du cœur, les qualités cachées de l’âme, les bonnes intentions, tout ça ne comptait pas dans le vrai monde. »

« Allume un grand incendie et emporte le feu »