Le roman de Jim – Pierric Bailly (2021)

Et si nous évoquions une paternité ?

Dans le décor somptueux des forêts d’épicéas, en plein cœur du Jura, s’épanouit un amour évident, affranchi des liens du sang.

Aymeric, un jeune homme timide et mutique, a enchaîné les contrats précaires parfois à la limite de la légalité. Après un court séjour en prison et une séparation douloureuse avec son amour de jeunesse, il revoit Florence. Malgré la différence d’âge et sa grossesse, leur attraction est une évidence.

À la naissance de Jim, Aymeric prend naturellement la place du père. Même si aucune démarche officielle n’est engagée, il tisse avec l’enfant un lien unique et fusionnel. Avec une profonde émotion, il le voit grandir et participe à son éducation. Lorsque le père biologique refait surface, l’équilibre familial vacille. Aymeric pourra-t-il conserver sa place auprès de Jim ?

Dans ce roman sensible porté par une écriture tout en retenue, Pierric Bailly parvient avec une grande justesse à interroger cette paternité choisie. J’ai été littéralement conquise par ce roman émouvant qui fend le cœur et dont il est impossible de se détacher.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citation

« Depuis sa naissance, je ne vivais qu’à travers ce gamin qui n’était pas le mien, je lui avais tout cédé, ce môme m’avait tout écrasé, il avait annulé chez moi toute ambition professionnelle, il était devenu plus important que tout ce que j’avais connu jusqu’alors, il avait rendu tout le reste sans intérêt ».

Un coeur simple – Gustave Flaubert (1877)

Et si nous évoquions le destin d’un cœur sensible ?

Dans cette courte nouvelle, Gustave Flaubert retrace la vie de Félicité.

Dupée et abandonnée par amour, Félicité se met au service de Madame Aubain. Devenue sa servante, elle s’attache aux enfants de sa maîtresse. Puis, elle témoigne d’un amour maternel pour son neveu. Malgré la solitude qui la ronge, Félicité demeure tournée vers les autres.

Sans éducation, d’un naturel aimant et pieux, Félicité éprouve sans cesse de l’amour pour ses proches. Gouvernante dévouée et maternelle, elle partage la vie de Madame Aubain durant cinquante ans. Son cœur résistera-t-il aux douleurs de l’existence ?

Le destin modeste d’une fille issue de la campagne révèle toute l’abnégation et le courage de cette femme. Écrit pour son amie George Sand, ce conte dévoile toute la sensibilité et la plume merveilleuse de Gustave Flaubert.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Elle retenait sa douleur, jusqu’au soir fut très brave ; mais dans sa chambre, elle s’y abandonna, à plat ventre sur son matelas, le visage dans l’oreiller, et les deux poings contre les tempes ».

« Les mouvements de son coeur se ralentirent un à un, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine qui s’épuise, comme un écho qui disparaît ».

La foudre – Pierric Bailly (2023)

Et si nous percevions une fascination dérangeante ?

Au cœur du Jura, Julien évolue paisiblement dans une montagne qu’il connaît parfaitement entre ses brebis et ses chiens. Il s’apprête à vivre un changement radical lorsque sa compagne, Héloïse, est mutée sur l’île de La Réunion. S’il n’ose l’avouer, il appréhende ce départ qui vient ébranler son quotidien solitaire dans les alpages.

Dans son chalet, il découvre une coupure de presse qui évoque le meurtre d’un chasseur par un militant écologiste. Il découvre que le mis en cause est Alexandre, son ancien ami de lycée. Ce fait divers fait ressurgir des souvenirs enfouis et la relation ambivalente qui le liait à Alexandre. Intrinsèquement marqué par le charisme d’Alexandre, celui-ci exerçait sur lui un tel magnétisme qu’il s’était même imprégné de son rire. Face à ces révélations, il décide dans un élan soudain entre curiosité et compassion de recontacter Nadia, la femme d’Alexandre.

Happé par cette fascination mêlée de jalousie pour Alexandre, Julien se rapproche de Nadia jusqu’à intégrer son quotidien. Jusqu’où cette relation équivoque le conduira-t-il ?

Dans un décor somptueux, ce roman orageux explore des relations amicales et amoureuses d’une rare intensité et empreintes de fantasmes. Pierric Bailly interroge également l’influence des liens noués durant l’adolescence sur la construction de notre identité. Si je n’ai pas retrouvé l’élan narratif du « Roman de Jim » et que j’ai perçu quelques longueurs, j’ai néanmoins beaucoup aimé la richesse psychologique de cette œuvre.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« C’est ça la bascule de la quarantaine. La période de l’enfance et de l’adolescence qui s’amenuise. Non seulement on s’en éloigne, mais au regard de tout ce qu’on a vécu ensuite, l’enfance et l’adolescence paraissent de plus en plus concises. Ça reste des moments fondateurs mais des moments qui n’ont pas duré aussi longtemps qu’on le pensait ».

« Quand on y pense, l’influence de ce type sur ma vie est démente. Ce type avec lequel je n’ai rien partagé d’important et que j’ai finalement peu fréquenté est à l’origine de tous les tournants décisifs de mon existence ».

Moderato Cantabile – Marguerite Duras (1959)

Et si une rencontre bouleversait le quotidien d’une mère ?

Dans ce roman dépouillé, Marguerite Duras dévoile la tentative désespérée d’une mère pour s’arracher à la morosité de son quotidien et à un amour maternel démesuré.

Anne Desbaresdes accompagne son fils à sa leçon de piano. Elle tente d’adoucir les remontrances et les brimades infligées par la professeure. Lorsqu’elle est témoin d’un meurtre, Anne Desbaresdes se rend subitement dans un café, sous prétexte de vouloir obtenir des renseignements sur ce fait divers.

Elle rencontre Chauvin, un homme énigmatique avec qui elle noue une relation singulière. Anne Desbaresdes développe un goût immodéré pour le vin à mesure que son attraction pour cet homme grandit. Cette rencontre, nimbée de mystère et du parfum des magnolias, va briser son quotidien. Jusqu’où ce désir implacable la conduira-t-il ?

Dans un style nu et cristallin, Marguerite Duras, en quelques lignes, nous plonge dans un univers d’une beauté menaçante. Ce court ouvrage m’a littéralement conquise.

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Ils n’ont pas demandé à vivre, dit la mère – elle rit encore – et voilà qu’on leur apprend le piano en plus, que voulez vous »

« Dehors, dans le parc, les magnolias élaborent leur floraison funèbre dans la nuit noire du printemps naissant. Avec le ressac du vent qui va, vient, se cogne aux obstacles de la ville, et repart, le parfum atteint l’homme et le lâche, alternativement »

« Il resta là, dans une résolution apparemment tranquille, agrippé de nouveau à elle de ses deux bras, le visage collé au sien, dans le sang de sa bouche ».

Histoire d’un ogre – Erik Orsenna (2023)

Et si nous dévorions un portrait cinglant ?

Dans ce conte, absurde et féroce, Erik Orsenna, sans jamais le nommer, dresse le portrait d’un riche industriel exerçant son pouvoir au sein d’une société soumise à un capitalisme débridé.

Issu d’une lignée d’industriels bretons, l’ogre est né dans une famille bourgeoise. Son père dirige des papeteries et sa famille noue des relations avec des personnes ayant une forte influence dans le domaine de la finance. Au-delà de son héritage familial, l’ogre a des ambitions. Son appétit est insatiable : il engloutit une compagnie de transport maritime, une radio, une maison d’édition… Sa soif de pouvoir semble inépuisable. Jusqu’où l’enquête autour de cet ogre contemporain va-t-elle nous conduire ?

Dans ce récit mordant, aussi drôle qu’inquiétant, Erik Orsenna choisit de mener des investigations pour comprendre l’empire d’un capitaliste implacable. Ce récit intelligent et caustique, ponctué des digressions de l’auteur, nous en apprend peu sur l’ogre, mais reste une lecture amusante et engagée.

Ma note

Note : 3 sur 5.

Citations

« Telle est, typique et fort bien documentée par la psychiatrie internationale, l’addiction à dévorer. Apprenez qu’elle est plus violente, plus invasive et moins guérissable que toutes les autres maladies du désir, le jeu, le sexe, les drogues, l’alcool, les besoins irrépressibles (poutinien de guerre ou prostatique de pisser), la passion du pouvoir et le fanatisme religieux ».

« Parfois l’erreur d’une vie ne vient que d’une légère méprise sur les mots: la grosseur n’est pas la grandeur. Créer n’est pas accumuler. Ni entreprendre avaler »

Un autre m’attend ailleurs – Christophe Bigot (2024)

Et si nous évoquions les dernières années de la vie de Marguerite Yourcenar ?

Dans ce roman, Christophe Bigot lève le voile sur la dernière relation fusionnelle et destructrice de Marguerite Yourcenar.

En 1980, Marguerite Yourcenar est la première femme élue à l’Académie Française. Reconnue par ses pairs, sa renommée littéraire est à son apothéose.

Derrière cette réussite se cache un grand bouleversement dans l’existence personnelle de Marguerite Yourcenar. Grace Frick, sa compagne depuis quarante ans vient de succomber à la maladie qui la ronge depuis plusieurs années. Face au deuil, elle cherche à quitter une vie sédentaire aux États-Unis et retrouver un souffle de vie.

Quelques mois plus tôt, elle a rencontré Jerry Wilson, d’une beauté envoûtante, elle est subjuguée par cet homme qui fait renaître un amour enfoui. Le caractère solaire et la vitalité de Jerry l’entraînent à travers le monde. Mais que se cache-t-il derrière cet homme charismatique ?

Christophe Bigot choisit de nous révéler sa propre interprétation des dernières années de la vie de Marguerite Yourcenar en se basant sur des faits réels. Si j’ai aimé me plonger dans la vie de cette écrivaine, je n’ai pas adhéré au versant romanesque de cette œuvre.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citations

« La sensualité dure autant que la vie, plus ou moins forte selon les individus, et on est sans cesse forcé d’en tenir compte. J’ai appris à connaître que l’érotisme demeure un rite sacré jusqu’à la fin des jours. Ce dont j’avais cru m’évader est miraculeusement revenu ».

« Le bonheur, est-il autre chose qu’une illusion rétrospective? Quand bien même on saurait qu’on est heureux à un certain moment, ce sentiment serait encore altéré par la conscience qu’on en a, la crainte qu’il ne s’arrête, voire l’impression étrange que le ver est déjà dans le fruit ».

Une vie – Guy de Maupassant (1883)

Et si la réalité se heurtait à nos rêves ?

Libérée du couvent où elle a séjourné depuis plusieurs années, Jeanne aspire à savourer la vie.

Quand elle retrouve la magnifique demeure normande familiale proche de la mer, Jeanne croit à un avenir radieux. À peine arrivée, elle rencontre Julien de Lamare, fils d’une noblesse déchue, elle est immédiatement attirée par le jeune homme. Puisqu’il est vicomte et présente tous les attraits physiques et intellectuels, les parents de Jeanne consentent sans difficulté à leur union.

Naïve et ingénue, Jeanne se lance avec ses idéaux dans le mariage. Pourtant, Julien de Lamare s’avère être un mari ingrat, brutal et infidèle. Elle va découvrir peu à peu la réalité de la vie et de sa condition de femme.

Dans cette œuvre romanesque splendide, Maupassant retrace le destin tragique de Jeanne et révèle toutes les désillusions qui jalonnent son existence. J’ai été transportée par ce roman époustouflant et par la plume de Maupassant, je vous le recommande vivement !

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts ».

« (…) et elle sentait entre elle et lui comme un voile, un obstacle, s’apercevant pour la première fois que deux personnes ne se pénètrent jamais jusqu’à l’âme, jusqu’au fond des pensées, qu’elles marchent côte à côte, enlacées parfois, mais non mêlées, et que l’être moral de chacun de nous reste éternellement seul par la vie ».

« La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais, qu’on croit ».

Souvenirs de la cour d’assises – André Gide (1913)

Et si André Gide nous livrait sa vision de la justice ?

Dans ce récit lapidaire, André Gide partage son expérience de juré et dévoile sa conception de la justice.

Nommé juré pour quelques semaines auprès de la cour d’assises, Gide partage les affaires sur lesquelles il a dû statuer : des infanticides, des affaires de moeurs en passant par des vols avec violence. Il retrace chaque affaire, dévoile son opinion personnelle et révèle la faillibilité du système judiciaire.

Il évoque la violence de cette machine judiciaire et les préjugés qui influent sur les verdicts des jurés. À la fin de ce court récit, il propose même des pistes de réflexion pour améliorer le fonctionnement de la justice.

Si j’ai aimé pouvoir retracer l’organisation judiciaire de l’époque, je n’ai pas totalement adhéré à la vision d’André Gide. J’ai trouvé son ton présomptueux et parfois méprisant, tant à l’égard des auteurs, des victimes que des membres du système judiciaire.

Ma note

Note : 1.5 sur 5.

Citations

« Certes je ne me persuade point qu’une société puisse se passer de tribunaux et de juges ; mais à quel point la justice humaine est chose douteuse et précaire, c’est ce que, durant douze jours, j’ai pu sentir jusqu’à l’angoisse »

« Je suis effaré de voir à quel point ces gens, sans le savoir, obéissent à des réflexes de masse, aveuglés par des idées reçues, incapables de s’extraire de leur propre trivialité »

« Je vois dans ce tribunal une farce où l’on demande à des hommes de juger ce qu’ils ne comprennent même pas. »

Brûlent les falaises – Emmanuelle Faguer (2025)

Et si nous perçions les mystères des falaises bretonnes ?

Dans ce roman noir, Emmanuelle Faguer explore les malédictions et les tragédies qui planent autour des femmes.

Il y a quinze ans, un drame a laissé son empreinte sur Douarnec, village de Bretagne, hanté par ses légendes ancestrales, où les vagues déchirent sans relâche les falaises.

Connu dans toute la région pour sa maison nichée au cœur des hauteurs à proximité des falaises, le clan Kerivel a connu une tragédie bouleversante. Durant l’été 2003, la fille de Maxence et Servane, l’indomptable et solaire benjamine de la fratrie, a brutalement disparu. Ce drame a fracturé la famille et leur fille Elena a choisi de quitter le village pour explorer le monde.

Des années plus tard, lorsqu’Elena rentre pour la première fois, elle va percevoir les secrets qui hantent Douarnec. Une nouvelle enquête fera-t-elle ressurgir les drames enfouis ?

Emmanuelle Faguer explore une tragédie familiale. Rapidement happée par ce récit et par cette enquête, le clan Kerival révèle au fil des pages ses secrets. Ces drames dévoilent le destin de femmes meurtries face à la domination implicite des hommes. Je ne sais pas si ce roman restera marquant parmi mes lectures cependant, j’ai été facilement emportée par ce polar.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Terre des hommes – Antoine de Saint-Exupéry (1939)

Et si nous prenions l’avion ?

Dans cette œuvre largement autobiographique, Antoine de Saint-Exupéry partage un récit de voyage en dévoilant ses expériences d’aviateur et sa vision du monde.

Assurant le courrier entre Toulouse et Dakar, il plane au-dessus de la mer, touche presque les nuages et perçoit l’immensité du ciel. Ces nuits de vol sont soumises aux aléas météorologiques et aux dangers. Pourtant, il est passionné par cette vie entre ciel et terre.

Dans ce récit, il revient aussi sur le parcours de ses camarades d’aviation et sur la fraternité qui se dégage de leurs relations. Il témoigne également de son terrible accident d’avion survenu en Libye. Au-delà de son expérience, cette œuvre devient peu à peu un roman philosophique où Antoine de Saint-Exupéry partage sa vision de la place de l’homme dans le monde.

Porté par une plume poétique et de belles images de ses voyages, ce texte nous insuffle des élans de liberté. Si le récit de son expérience en Libye est très marquant, je me suis égarée durant cette lecture et je n’ai pas réussi à m’imprégner de l’ensemble du texte.

Ma note

Note : 2 sur 5.

Citations

« Quand nous prendrons conscience de notre rôle, même le plus effacé, alors seulement nous serons heureux. Alors seulement nous pourrons vivre en paix, car ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort ».

« Ainsi va la vie. Nous nous sommes enrichis d’abord, nous avons planté pendant des années, mais viennent les années où le temps défait ce travail et déboise. Les camarades, un à un, nous retirent leur ombre. Et à nos deuils se mêle désormais le regret secret de vieillir ».