La part manquante – Christian Bobin (1989)

Et si nous évoquions un récit fragmentaire ?

Je me suis attelée à la lecture d’un livre de Christian Bobin : « la part manquante ». Ce texte d’une grande originalité, au carrefour de la poésie et du recueil de pensées, m’a fait découvrir le travail hors du temps de Christian Bobin.

Il me semble ardu de vous faire un résumé de ce texte tant il est parcellaire. Ce livre nous donne à réfléchir sur les rapports entre la mère et son enfant mais plus largement sur l’amour, l’enfance, le rapport à Dieu, au silence et aux mots.

Composé de onze récits brefs, ce recueil nous questionne sur cette part manquante : le vide laissé pour une mère après le départ d’un enfant, l’amour qui s’éteint, la part de soi qui s’évanouit.

Un récit nébuleux dont j’en suis ressortie presque en lévitation transportée par un style brillant.

J’éprouve des difficultés à retranscrire le contenu de cette lecture qui laisse une véritable impression de parenthèse poétique. Si je suis restée profondément admirative de son écriture, je n’ai pas réussi à être marquée par ses pensées.

Je n’ai pas été pleinement touchée par ce recueil mais je ne peux que saluer la plume de Christian Bobin. Elle m’a donné envie de réaliser une nouvelle tentative afin d’appréhender son oeuvre.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations : 

« Le temps passé dans l’amour n’est pas du temps, mais de la lumière, un roseau de lumière, un duvet de silence, une neige de chair douce »

« Ce n’est pas pour devenir écrivain qu’on écrit. c’est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour »

Isidore et les autres – Camille Bordas (2018)

Et si nous nous autorisions un instant de légèreté avant de clôturer l’année 2019 ?

A onze ans, Isidore grandit entouré d’une fratrie indiscutablement précoce. Ses deux frères sont brillants. Léonard, sociologue planche sur sa thèse, et Jérémie, compositeur de musique surdoué, continue avec une facilité déconcertante son master.

Ses deux grandes soeurs, Bérénice et Aurore, sont comme coupées du monde à l’approche de leurs soutenances de thèses.

Sa plus jeune soeur a, pour sa part, déjà sauté plusieurs classes. Elle envisage d’écrire désormais sa biographie et vise une prestigieuse classe préparatoire parisienne afin de poursuivre ses études.

Face à ses ainés, Isidore pourrait se sentir bien complexité. En effet, il n’est pas doté d’une si grande intelligence mais sa sensibilité et son altruisme remarquables comblent ses lacunes intellectuelles. Ainsi, il est le seul véritablement relié au monde qui l’entoure. Sa famille façonnée par les livres et la doctrine semble bien désarçonnée face aux rapports humains et le consulte régulièrement à ce propos.

Pour parachever ce tableau, Isidore est particulièrement proche de sa mère. Dévouée, elle tente de construire un équilibre familial face à un père tristement absent.

Entre fugues avortées et premières rencontres féminines, Isidore malgré le climat familial élitiste réussit le délicat passage entre son enfance et son adolescence.

Un drame fera basculer le semblant d’équilibre familial et confrontera les membres de cette famille atypique à ses limites. En effet, il n’y a pas de manuel pour comprendre les interactions humaines et se lier les uns aux autres…

Avec une extrême tendresse, nous suivons le parcours d’un jeune garçon, follement attachant. Sa famille, si douée et pourtant si paralysée face à autrui est également pleine de charme.

Un livre qui ne restera pas nécessairement ancré dans mes mémoires. Cependant, j’ai aimé l’humour et la légèreté de cette lecture qui au-delà d’être un agréable moment de détente, nous interroge sur les rapports entre les êtres et les interactions familiales si fondamentales à la construction personnelle.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citation :

« Je veux bien que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, mais, s’ils décident de grandir sans ouvrir un bouquin, rien ne m’oblige à subir leur conversation »

Encre sympathique – Patrick Modiano (2019)

Et si nous plongions dans l’écriture délicieuse de Patrick Modiano ?

Le narrateur n’a guère plus de vingt ans quand il part sur les traces de « Noëlle Lefebvre ».

Une enquête est confiée par l’agence de Hutte à un jeune homme engagé à l’essai : retrouver la trace d’une femme disparue du jour au lendemain.

Les éléments contenus dans la chemise bleu ciel de l’agence sont bien minces : un nom, une photo, une adresse, quelques éléments sibyllins pour tenter de retracer le fil d’une vie.

L’enquête débute dans la loge d’une concierge d’un immeuble du 15ème arrondissement de Paris. La gardienne est laconique et lui précise qu’elle n’a pas revu Noëlle Lefebvre depuis plus d’un mois.

Puis, le narrateur fait un détour par le bureau de la poste restante muni d’une carte servant à retirer le courrier. S’ensuit, la réception d’une lettre qu’il essaye de décrypter.

Au fils du temps, l’affaire l’entraîne à la rencontre d’inconnus qui ont déjà croisé Noëlle Lefebvre dans Paris. Il essaye de dénouer ces tranches de vie entrelacées.

Il fait face à toute la subjectivité des témoignages recueillis. Finalement, ces inconnus qui ont traversé la vie de Noëlle Lefebvre lui délivrent leurs propres récits et il constate, très vite, le manque de fiabilité de ces pistes.

Ainsi, l’enquête semble compromise et la recherche de la disparue vaine.

Pourtant, cette affaire suit le narrateur toute sa vie. Sous forme de brides, des années plus tard, l’image de Noëlle Lefebvre réapparait inlassablement dans sa propre existence…

Avec la plume magistrale de Patrick Modiano, je me suis promenée avec délice dans Paris à la recherche d’une inconnue. En effet, sa vision de Paris est toujours aussi délicate : la loge de la concierge dans le 15ème arrondissement, un hôtel particulier à la façade de brique sous la chaleur caniculaire d’un après-midi du mois de juillet, une impasse menant au théâtre Edouard VII…

J’aime redécouvrir Paris sous son regard.

Avec son style inimitable, il parvient à nouveau à nous emporter avec lui sur les traces d’autres vies et à la recherche de nos propres souvenirs.

Délicieusement toujours conquise.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations : 

« Je ne pouvais m’empêcher de penser à cet homme, dans son bureau aux volets fermés, sous la lumière éblouissante du lustre, le buste raide, la cravate serrée, sans la moindre goutte de sueur au front ».

« L’avenue était déserte, et pourtant je devinais à mes côtés une présence, l’air était plus vif que celui que je respirais d’habitude, le soir et l’été plus phosphorescents. Et cela, je l’éprouvais chaque fois que je m’aventurais sur des chemins de traverse afin de pouvoir ensuite écrire noir sur blanc mon itinéraire, chaque fois que je vivais une autre vie – en marge de ma vie »

« Le présent et le passé se mêlent l’un à l’autre dans une sorte de transparence, et chaque instant que j’ai vécu dans ma jeunesse m’apparaît, détaché de tout, dans un présent éternel ».

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon – Jean-Paul Dubois (2019)

Et si nous parlions du Goncourt 2019 ?

Edmond et Jules de Goncourt arguaient « Un livre n’est jamais un chef-d’oeuvre : il le devient ».

Le prix Goncourt participe-t-il à la création d’un chef d’oeuvre ? En tout état de cause, il existe une atmosphère toute particulière à cette lecture ayant reçu cette consécration littéraire.

En tout sincérité, je n’aurai sans doute pas acheté ce roman de Jean-Paul Dubois, s’il n’avait pas été auréolé du Prix Goncourt. J’ai ainsi pu découvrir, pour la première fois, son oeuvre.

Paul Hansen est emprisonné depuis deux ans dans une prison provinciale de Montréal pour un crime dont nous ne savons rien.

Il partage sa cellule avec Horton, un autre détenu, incarcéré pour une sombre affaire de meurtre d’un Hells Angel. Passionné de Harley Davidson, le tatouage explicite sur son bras « Life is a bitch and then you die » donne le ton à ce personnage haut en couleur. Pour autant, petit à petit, la part de sensibilité et de tendresse qui se dégage d’Horton est tout simplement bouleversante.

Paul Hansen ne cesse, durant sa détention, de revenir en arrière, dans ses souvenirs. Loin du détenu, nous rencontrons un citoyen canadien presque modèle. Entouré d’un père, pasteur et d’une mère programmatrice dans un cinéma, il grandit dans une famille équilibrée.

Puis, sa profession de « super intendant » dans une résidence principalement composée de personnes âgées semble l’épanouir. Ainsi, il partage son temps entre ses travaux de réparation et ses talents de concierge. Petit à petit, ce métier devient une véritable vocation et sa dévotion pour les résidents grandit jour après jour.

Si son père avait perdu la foi, Paul Hansen a conservé tout son altruisme. Sa rencontre avec Winona, sa compagne, achève de l’épanouir.

Pourtant, un drame fera basculer sa vie allant jusqu’à le priver de sa liberté…

Ces aller retours constants entre sa vie de détention et son passé sont particulièrement troublants. En effet, Paul Hansen est un homme comme les autres et le point de basculement de son existence nous apparaît, bien plus tard.

Un roman particulièrement riche tant par la trame narrative que par la diversité des sujets qu’il expose. Pour ma part, c’est, avant tout, la tendresse des personnages qui m’a particulièrement bouleversée.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Peut-être sont-ils morts  avec ces mots en tête, ces phrases rebondissant dans leurs boîtes crâniennes sous l’effet des chocs successifs, ces scansions accrochées, agrippées à leurs mémoires, tournant en bouche comme un disque rayé »

« Depuis cette journée au bord du lac, elle est devenue une part de ma chair, je la porte en moi, elle vit, pense, bouge dans mon coeur, et sa mort n’y a rien changé ».

« Elle a été cette personne auprès de laquelle j’ai toujours essayé de me tenir droit, dans la neige et les forêts, les étés et les orages ».

Qui a tué mon père – Edouard Louis (2018)

Envie de se plonger dans un pamphlet politique court et cinglant ?

J’avais déjà beaucoup apprécié En finir avec Eddy Bellegueule, c’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai débuté un des autres textes marquants d’Edouard Louis « Qui a tué mon père ».

L’écrivain raconte son père dans ce court récit amplement autobiographique.

Edouard Louis envisage son rapport complexe et profond à son père. L’ouvrage débute ainsi par ses quelques mots reflets de l’intensité de ce récit :

« Si ce texte était un texte de théâtre, c’est avec ces mots là qu’il faudrait commencer : Un père et un fils sont à quelques mètres l’un de l’autre dans un grand espace, vaste et vide. »

Dès les premières lignes, Edouard Louis nous fait part du gouffre inouï creusé entre lui et son père au fil des années, deux êtres qui ne se sont jamais véritablement compris. Un père resté hostile à la féminité de son fils mais qui, pour autant, n’a jamais cessé de l’aimer.

Dès son enfance, l’écrivain se place comme différent et diamétralement opposé à son géniteur. Pour autant, durant tout le récit, un amour puissant les lie l’un à l’autre par la beauté de certains gestes. Cette ambivalence, reflet de leur rapport intime, est criante de vérité.

Mais ce texte est également un pamphlet politique, Edouard Louis exprimant avec beaucoup de force comment la politique a brisé son père.

Comment, l’usure du travail à l’usine a fini par broyer son dos. Puis, comment les réformes successives l’ont obligé à une reprise d’un travail comme balayeur malgré des souffrances physiques insoutenables.

J’ai découvert un réquisitoire acerbe sur les conséquences des choix politiques sur les individus.

Les deux volets de ce récit sont portés par une belle écriture incisive. Un livre viscéral qui emporte immédiatement son lecteur.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations : 

« Quand on lui demande ce que le mot racisme signifie pour elle, l’intellectuelle américaine Ruth Gilmore répond que le racisme est l’exposition de certaines populations à une mort prématurée ».

« Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou mourir. »

« L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique ».

L’extase du selfie – Philippe Delerm (2019)

Et si nous nous attardions sur les petits gestes du quotidien ?

Philippe Delerm dans ce nouveau livre « d’instantanés littéraires » pose des mots sur nos gestes.

Avec finesse, il dissèque ces moments fugaces, ces gestes mécaniques et coutumiers.

Ainsi, ce recueil offre un sens à la manière de tenir un verre négligemment sans le boire, de plier un drap, d’acquiescer sans savoir à quoi, de passer la main sur un livre…

Il offre un nouvelle signification aux gestes contemporains avec « l’extase du selfie » ou « les embarras du vapotage » ou au contraire redonne vie à des gestuelles ancrés comme « d’une seule main la clémentine » ou « l’heure au gousset ».

Une description du quotidien réalisée avec finesse et acuité par l’auteur, j’apprécie toujours autant la capacité remarquable de Philippe Delerm à mettre des mots sur nos propres ressentis.

J’ai eu la chance d’être invitée à la rencontre avec l’auteur dans les locaux de Babelio. Ainsi, nous avons pu échanger avec lui autour de ce livre.  J’ai aimé son regard, sa vision du selfie qu’il évoque comme une manière « de se rapprocher de soi-même tout en s’éloignant » ou encore cette manière insidieuse d’attendre avec délectation pour boire un verre de vin comme pour être « maître du temps ».

Dans ce nouveau livre, Philippe Delerm perce à jour nos postures corporelles et les laissent suspendues dans un doux moment de poésie.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Ce qui est bien c’est d’être soi, que la main soit si ronde, que l’on devienne l’élégance un peu flatteuse d’une geste faussement distrait, l’éternité d’une soif qui jamais ne s’étanche »

« On vient de vous offrir ce livre. Il recèle par essence une promesse de solitude, d’éloignement, de silence ».

La nuit des temps – Barjavel (1968)

Envie de se détacher de son quotidien ?

Un pari amplement réussi avec « La nuit des temps » de Barjavel. Classique de la littérature où se mêle avec virtuose science fiction, roman d’amour et découverte scientifique.

Une expédition française au coeur de l’Antarctique révèle un trésor enfoui depuis plus de 900 000 ans.

Cette découverte aboutira à la création d’une expédition regroupant les plus grands scientifiques et experts de la planète dont Simon un éminent professeur. Pour percer ce mystère dissimulé au coeur de la glace, cette expédition se surpasse et doit faire face aux intérêts des grandes puissances.

Nichées au coeur de la glace, les explorateurs décèlent deux sphères où reposent une femme, Eléa, et un homme, Coban, d’une beauté irréelle. Ces humains sont le vestige d’une civilisation éteinte depuis des millénaires.

L’équipe prendra la décision historique de réveiller une des créatures endormie. Au-delà de la découverte scientifique, Simon rencontre alors Eléa.

Cette femme bouleversa à jamais son avenir. Pourtant, elle est pour toujours destinée à un autre homme, Païkan, son seul et unique amour resté enfermé des années en arrière…

Ce classique de la littérature française nous offre l’équilibre parfait entre aventure et amour tragique. Je suis restée conquise par la vision de l’humanité livrée par Barjavel, par la force des émotions qu’il véhicule tout au long de son roman mais aussi par l’attraction de ce livre.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Te montrer à l’univers, le temps d’un éclair, puis m’enfermer avec toi, seul, et te regarder pendant l’éternité »

« Son visage grave était lumineux de confiance et d’élan. Elle était pareille à la plante nouvelle, gonflée de jeunesse et de vie, qui vient de percer le sol obscur, et tend vers la lumière la confiance parfaite et tendre de sa première feuille, avec la certitude que bientôt, feuille après feuille, elle atteindra le ciel… »

Le collaborateur – Louis Aragon (1945)

Et si la plume était une arme ?

Aragon nous propose une littérature combattante avec ce recueil de trois nouvelles publiées clandestinement pendant la seconde guerre mondiale.

Dans une note datée de 1964, Aragon décrivait à propos de ce recueil :

« Il est difficile à l’auteur de relire cette dernière nouvelle, écrite dans la colère d’un temps où les faits parlaient plus haut que le sens humain ».

La première nouvelle, les rencontres, nous décrit les destinées croisées de Pierre Vandermeulen, surnommé Julep, un journaliste et Emile Dorin, un militant communiste.

Si Pierre ne partage pas les opinions engagées d’Emile, sa force et son courage semblent peu à peu le fasciner. Pierre prend conscience qu’il ne faut pas laisser les camarades derrière lui et voit ses convictions bousculées.

Puis, dans « le collaborateur », Aragon nous dresse le portrait de Grégoire Picot, un réparateur radio qui prône « la logique » comme étendard pendant l’occupation allemande. Ouvertement collaborateur, pour Gégoire Picot les allemands font simplement leur devoir. Mais serait-il envisageable pour lui de basculer dans l’autre camp ?

Enfin, dans « le droit romain n’est plus », nous faisons la connaissance d’une jeune allemande, Lotte Müller, qui se désoeuvre sous l’occupation. Sa seule distraction s’avère être les exécutions successives prononcées par le tribunal militaire allemand présidé par le commandant Von Luttwitz-Randau. Très vite, ils vont, tous les deux, faire face à un groupe de maquisards qui remettra leur adhésion au parti en cause…

Dans ces trois nouvelles, Aragon porte la voix de « l’autre camp » et donne la parole aux collaborateurs et occupants pendant la seconde guerre mondiale. J’ai aimé l’angle d’approche d’Aragon qui pour mieux comprendre l’indicible a décidé de donner la parole « à l’autre ». 

A cet égard, j’ai beaucoup apprécié la nouvelle « le collaborateur » qui humanise cet autre qui nous apparaît si monstrueux.

Ces nouvelles portées par la belle plume d’Aragon amènent le lecteur à réfléchir…

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Et quand il y en a un de tombé, il faut que dix autres se lèvent ».

« Le grand cheval, d’ailleurs, il était pacifiste, avant guerre. Alors, il a changé sans avoir changé. Il faut de la logique. Il croyait à la paix par le chambardement, maintenant il croyait à la paix par la collaboration ».

Les ombres errantes – Pascal Quignard (2002)

Perplexité,

C’est le premier mot qui vient à ma mémoire en évoquant ce livre. J’aborde pour la première fois l’oeuvre vaste et inspirante de Pascal Quignard avec « Les ombres errantes »

Auréolé du prix Goncourt, ce recueil de pensées nous ouvre la voie sur sa vision du monde et de l’humain. Une approche construite à travers le prisme de la mort, de la nature et de la littérature.

Pascal Quignard fait également de nombreuses références à l’histoire sous forme d’images comme pour illustrer son propos.

Il m’apparaît difficile de vous donner un résumé de cet oeuvre tant le fil de sa pensée s’avère décousu.

Sa vision de la littérature m’a beaucoup touchée puisqu’elle redonne une véritable place à la lecture dans la société.

Cependant, j’ai trouvé ce texte, pour ma part, ardu et difficile d’accès. A la fois conquise par la force de certaines citations, je n’ai néanmoins pas réussi à m’accrocher à l’ensemble du livre et je suis comme « passée à côté » de ses pensées.

Pour autant, j’ai vraiment envie de faire une nouvelle tentative pour découvrir son oeuvre qui m’apparaît inspirante et profonde. J’envisage de m’atteler à son livre « tous les matins du monde ».

En effet, si j’ai eu des difficultés à accéder à son propos, la beauté de nombreux passages n’en demeure pas moins fulgurante.

Ma note :

Note : 1.5 sur 5.

Citations :

« L’attraction qu’exercent sur moi les livres est d’une nature qui restera toute ma vie plus mystérieuse et plus impérieuse qu’elle peut le sembler à d’autres lecteurs ».

« Les nuages noirs dans le ciel, comme ils se déchiraient, la voûte bleue parut soudain dans un état de nudité dont il m’est difficile de donner l’idée. Le bleue était frais et luisant au fond du ciel noir ».

« Il y a dans lire une attente qui ne cherche pas à aboutir. Lire c’est errer. La lecture est l’errance ».

« J’ai cherché dans tout l’univers le repos et je ne l’ai trouvé nulle part ailleurs que dans un coin avec un livre ».

« La mer était sans écume, lissée, extrêmement brillante, resplendissante. Chaque vague était comme une grande tuile d’or qui s’élevait, qui avançait ».

Journal de L. – Christophe Tison (2019)

Et si nous donnions la parole à Lolita ?

L’oeuvre magistral « Lolita » de Vladimir Nabokov publié en 1955 nous avait fait découvrir un des personnages les plus envoûtants de la littérature à travers la voix de son ravisseur, Humbert Humbert.

Dans l’imaginaire public, Dolorès Haze dit « Lolita » est demeurée une jeune fille énigmatique. Christophe Tison a percé son secret en partant sur ses traces.

Il publie son journal rédigé de 1947 à 1952 sous le prisme de ses rencontres masculines et nous dévoile le tournant de son adolescence.

A la mort de sa mère, Lolita, est détenue par son beau-père, Humbert Humbert, qui l’emmène pour un long voyage à travers l’Amérique. Chaque nuit, cet homme l’a rejoint dans son lit.

Son innocence et son enfance lui sont brutalement enlevées. Lolita navigue entre sa volonté de fuir et cette sidération qui la retient sous la coupe de son beau-père.

Peu à peu, elle prend conscience de ses charmes et parviendra à en user. Elle percevra ses rencontres avec de nouveaux hommes comme le début de sa délivrance. Pourtant, la jeune fille sombrera encore davantage dans l’obscurité.

Christophe Tison a tenté un parallèle osé avec le célèbre roman de Vladimir Nabokov. En changeant de point de vue et en redonnant la parole à son héroïne, il réussit avec brio à mettre en lumière Lolita et dessine cette enfance brisée avec une extrême sincérité.

Le célèbre roman de Vladimir Nakobov méritait cette démystification. Vladimir Nabokov, avec sa plume magistrale, avait réussi à humaniser son ravisseur et faisait de « Lolita », une nymphette sexualisée. Pour sa part, Christophe Tison a donné enfin la parole à la victime silencieuse en nous livrant ses plus profondes confessions.

Si le roman de Vladimir Nabokov reste inégalable, le personnage de Lolita, sous le regard de Christophe Tison, m’a profondément émue.

Ce livre m’a emportée et m’a donné aussi l’envie de redécouvrir le classique « Lolita » dont ma lecture remonte à plusieurs années…

Merci à Babelio et aux éditions Goutte d’Or pour l’envoi de ce livre.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations : 

« La première neige est tombée. Tout est pur, vierge. En allant à l’école, j’ai marché dans l’air glacé et mes pas dans le tapis de neige semblaient ouvrir un chemin que personne jamais n’avait emprunté ».

« Une pleine mer de sperme qui n’appartient à personne, à aucun de ces hommes, et qui est la loi des grands singes, leur violence première et l’aliment de leur folie ».

« C’est un long après-midi, les minutes sont des heures. Dehors, le soleil brûle, dévaste tout, mais il pénètre doucement dans sa chambre à travers les persiennes closes, comme s’il savait que se passait là quelque chose d’intime et de profond ».