Et si nous parlions de transfuge ?
Avec ce récit, aux tonalités viscéralement autobiographiques, Annie Ernaux nous parle de son changement de classe sociale. Elle raconte avec des détails précis et ciselés son enfance à Yvetot en Normandie.
Dans ce court récit, elle évoque par bride sa famille et principalement son père. Modeste commerçant, il s’est extrait de sa condition ouvrière et a ouvert un café-épicerie à Yvetot. Il a vu sa fille réaliser de brillantes études et accéder à l’enseignement, une sphère qui lui paraissait inaccessible.
Froid et fragmentaire, ce livre est une mise à nu dénuée d’émotion. Annie Ernaux raconte avec une certaine hauteur et un ton qui peut se percevoir comme méprisant la classe dont elle est issue. Avec un style singulier, elle évoque un sentiment de honte vis-à-vis de son milieu lorsque, devenue écrivain et professeur, elle a trouvé sa place. Cette élévation sociale s’accompagne aussi d’un tout nouveau regard porté sur son père.
Malgré cette mise à distance et ce style factuel, Annie Ernaux arrive à faire surgir une émotion brute et terriblement intense. Avec ses mots d’une profonde pudeur, elle fait renaître toute une époque et fait revivre son père jusqu’à nous émouvoir aux larmes.
Ma note :
Citations :
« Peut-être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence : que j’appartienne au monde qui l’avait dédaigné »
« Je voudrais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi. Une distance de classe, mais particulière, qui n’a pas de nom. Comme de l’amour séparé »