L’art de la joie – Goliarda Sapienza (1994)

Et si nous parlions d’un des grands classiques de la littérature italienne ?

A l’assaut d’un incontournable de la littérature italienne, j’ai découvert « L’art de la joie » et le personnage emblématique de Modesta.

Née en Sicile en 1900, Modesta a grandi dans un dénuement total. Elle survit malgré les drames qui ont marqué sa jeunesse. Recueillie par des religieuses dans un couvent, elle découvre une vie ascétique et pieuse. A la mort de mère Leonora, sa protectrice, Modesta est introduit auprès de la famille de la défunte et connait pour la première fois une existence aisée dans une noble demeure. Elle s’établit peu à peu dans cette nouvelle vie et devient un pilier de la famille qu’elle va, au fil des années, construire.

Malgré les drames qui jalonnent son parcours et le poids implacable de l’histoire en marche et de la montée du fascisme, Modesta ne cesse de vivre avec de plus en plus d’intensité.

Toute sa vie sera marquée par ses élans de liberté. Ainsi malgré les épreuves qui traversent son existence, sa force semble inépuisable. D’une grande modernité pour son époque, Modesta vit pleinement son épanouissement sexuel et intellectuel. Son art de vivre ne semble pas trouver de limite.

Un roman qui dresse le portrait d’une femme transcendée par son désir, sa liberté et sa soif de vivre. Si j’ai eu parfois quelques difficultés à me plonger totalement dans cette oeuvre, j’ai aimé la puissance évocatrice de cette héroïne.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Dans l’anxiété de vivre j’ai laissé filer trop vite mon esprit »

« Comment pouvais-je le savoir si la vie ne me le disait pas ? Comment pouvais-je savoir que le bonheur le plus grand était caché dans les années apparemment les plus sombres de mon existence ? S’abandonner à la vie sans peur, toujours… Et maintenant encore, entre sifflements de trains et portes claquées, la vie m’appelle et je dois y aller »

Kyôto – Yasunari Kawabata (1962)

Et si nous nous plongions, à nouveau, au cœur du Japon ?

Porté par la douce plume de Yasunari Kawabata, ce court ouvrage nous ouvre la porte d’un Japon traditionnel.

À travers les différentes fêtes rythmant les saisons, Yasunari Kawabata nous plonge dans un Japon entouré de cerisiers en fleurs et de cryptomères à la rencontre de Chieko.

Jeune fille abandonnée, elle a été élevée depuis sa tendre enfance par des parents aimants. Son père, Takichirô, tient un modeste magasin d’étoffes lui offrant une relative aisance matérielle. Il voue une véritable passion pour le dessin. Takichirô va réaliser une esquisse moderne inspirée des peintures de Paul Klee et se rapproche d’un atelier de tissage pour la confection d’une ceinture, futur présent pour sa fille.

Ainsi, Chieko grandit entre le froissement des étoffes, la beauté des kimonos, les couleurs des ceintures et de la nature mais ne cesse de s’interroger sur ses origines. Elle va découvrir, au coeur de la montagne Japonaise, sa soeur jumelle. Cette rencontre va bouleverser son existence paisible.

Dans ce court texte, Yasunari Kawabata met face à face un Japon traditionnel et moderne.

Toujours aussi poétique, Yasunari Kawabata, parvient en quelques pages à nous transporter au coeur du Japon. J’ai aimé la poésie des différents tableaux japonais qu’il nous esquisse et l’histoire attachante de Chieko.

Un livre suspendu dont je regrette la brièveté.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citation :

« C’était une journée de printemps tout en douceur, où le ciel s’embrume comme arbre en fleur »

J’irai cracher sur vos tombes – Boris Vian (1946)

Et si nous évoquions une œuvre de vengeance d’une extrême violence ?

Sulfureux et implacable, ce livre nous retrace le parcours d’un homme, Lee Anderson, dont le jeune frère a trouvé la mort en raison de sa couleur de peau.

Ce drame va conduire Lee Anderson a entreprendre une vengeance sans merci. En effet, Lee, comme son frère, est noir mais son physique ne le laisse pas transparaître. Il a le teint blanc et sa famille a toujours pensé qu’il pourrait, avec beaucoup plus de facilité, s’intégrer dans un monde où seule la couleur blanche compte.

A la mort de son frère, Lee Anderson quitte sa ville natale pour Buckton. Il devient libraire et s’acclimate à cette nouvelle ville. Peu à peu, il commence à fréquenter un groupe de jeunes blancs. Riches et désoeuvrés, ils partagent leur temps entre sexe et alcool. Son âge et son charisme naturel, permettent à Lee de devenir rapidement un des leurs. Il s’intègre complètement à cette communauté bourgeoise et exclusivement blanche avec pour seul objectif de les anéantir.

En effet, sa soif de vengeance est inépuisable. Il est bien décidé à détruire deux jeunes femmes blanches dans l’espoir d’apaiser sa colère. Ses projets arriveront-ils à leur terme avant que son lourd secret soit dévoilé ?

Véritable cri de rage, ce récit écrit par Boris Vian, sous le pseudonyme Sullivan Vernon, est interdit en 1949. Cette oeuvre dérangeante d’une rare violence heurte et ne peut laisser indifférent.

Un livre choc, qui dénonce avec cruauté, la ségrégation raciale en Amérique. Diablement provoquant, ce livre mêle des scènes de sexe et de violence et plonge le lecteur dans une vérité crue. Âmes sensibles s’abstenir !

Pour ma part, je ne peux que saluer ce roman noir d’une puissance contestatrice remarquable !

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« Je la renversai sur le divan et j’arrachai le devant de sa robe. Elle se débattait comme un beau diable. Ses seins jaillirent de la soie claire.

– Lâchez-moi. Vous êtes une brute !

– Non, dis-je. Je suis un homme. »

« Les livres sont très chers, et tout cela y est pour quelque chose ; c’est bien la preuve que les gens se soucient peu d’acheter de la bonne littérature ; ils veulent avoir lu le livre recommandé par leur club, celui dont on parle, et ils se moquent bien de ce qu’il y a dedans »

« Je sentais le sang de la colère, mon bon sang noir, déferler dans mes veines et chanter à mes oreilles ».

Une soif d’amour – Yukio Mishima (1950)

Et si nous parlions d’un roman japonais mêlant obscurité et langueur ?

C’est au coeur de la campagne, loin des grandes villes comme Tokyo ou Osaka, que se construit ce roman emblématique de l’atmosphère Japonaise.

Etsuko est une jeune femme énigmatique. Veuve, elle a trouvé refuge chez son beau-père, Yakichi, dans une maison de campagne. Son beau-frère, ses belles soeurs et leurs enfants vivent également chacun dans une partie de cette grande bâtisse. Entourée par la famille de son défunt mari, peu à peu, un nouvel équilibre se construit autour d’elle.

Une nuit, Yakichi, franchit la porte de la chambre d’Etsuko et devient son amant. Etsuko vit cette union avec une immense passivité. Elle réserve tout son désir pour Saburo, un domestique. Cet amour interdit s’avère terriblement difficile à cacher lorsque la jalousie qui étreint Estuko, peu à peu, devient incontrôlable…

Ce roman prend au fil des pages son envol. Tout d’abord, l’intrigue se construit lentement et nous plonge, avec une certaine forme de langueur dans l’univers de cette maison de famille japonaise où les relations entre ses membres sont impalpables.

Puis, au fil des pages, une véritable tension monte à travers Etsuko et les affres de sa jalousie. Le rythme s’accélère jusqu’à l’apothéose des dernières lignes…

Ce roman, porté par la très belle écriture de Mishima, est tout simplement remarquable.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Elle sentait encore sur tout son corps les doigts tâtonnants de Yakichi, rudes et noueux. Une heure ou deux de sommeil ne suffisaient pas à la libérer de cette sensation. Une femme qui a été caressée par un squelette ne peut jamais oublier cette caresse. »

Léviathan – Paul Auster (1992)

Et si nous évoquions une enquête psychologique ?

Couronné du Prix Médicis étranger, « Léviathan » est un texte emblématique de l’oeuvre de Paul Auster.

Ben Sachs est un écrivain engagé. Guidé toute sa vie par son regard posé sur une Amérique démystifiée et violente, il va pousser ses idéaux jusqu’à l’extrême et entreprendre des actions terroristes. Ben Sachs trouve soudainement la mort dans l’explosion d’une bombe. Mais comment une destinée peut-elle aboutir à un tel paroxysme ?

C’est la question posée par le narrateur, Peter Aaron, le plus proche ami de Ben Sachs, également écrivain. Il va remonter le fil de sa vie et tenter de résoudre le mystère de sa disparition.

Peter Aaron navigue entre l’évidence de leur première rencontre dans un bar New-Yorkais et des années d’amitié partagées. Le narrateur décrit une autre facette de la vie de Ben Sachs : il raconte son ami, leur passion commune pour l’écriture et son parcours semé de rencontres fortes. Au-delà, Peter Aaron use du portrait de son alter ego pour se comprendre lui-même durant tout le roman.

Avec réussite, Paul Auster tisse une toile narrative dense et parvient à explorer la psychologie et les paradoxes de ses personnages. Portée par une plume envoûtante, ce roman retrace une histoire d’amitié profonde qui évolue au fil des années. Véritable enquête psychologique, Paul Auster, à travers son double narratif Peter Aaron, tente de comprendre la force des rencontres dans la destinée des hommes.

Un livre fascinant qui explore la psyché des personnages avec brio ! Je recommande chaudement !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Un livre est un objet mystérieux et une fois qu’il a pris son envol, n’importe quoi peut arriver »

« En quinze ans, Sachs a voyagé d’un bout à l’autre de lui même, et quand il a enfin atteint ce lieu ultime, je me demande s’il savait encore qui il était »

L’amant – Marguerite Duras (1984)

Et si nous évoquions la plume magistrale de Marguerite Duras ?

Aujourd’hui nous parlons de la prose si singulière de cette écrivaine de génie ! Avec une écriture rapide, lancinante, construite autour d’images fortes, Marguerite Duras nous fait voyager sur les rives du Mékong.

La jeune narratrice âgée de tout juste quinze ans passe son enfance en Indochine. Entre une mère distante et énigmatique et un grand frère violent, la jeune fille a construit une relation fusionnelle et intense avec son plus jeune frère. Pensionnaire dans un lycée, sa mère la contraint à étudier les mathématiques mais elle sait déjà qu’elle n’a qu’une seule vocation : l’écriture.

La jeune fille fait alors la rencontre d’un homme richissime d’origine chinoise. La différence d’âge entre eux est indiscutable. Entre montée du désir et attirance pour l’argent, une histoire d’amour interdite se noue entre eux. Ils se retrouvent fréquemment dans sa garçonnière où elle connaît ses premières expériences charnelles.

Dans ce court roman, Marguerite Duras laisse couler ses souvenirs avec une grande authenticité.

Largement autobiographique, cette oeuvre si personnelle est très émouvante. Au-delà de sa propre émancipation, Marguerite Duras, avec peu de mots, retranscrit avec justesse le poids de ses fêlures familiales.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« La passion reste en suspens dans le monde, prête à traverser les gens qui veulent bien se laisser traverser par elle »

« Il pleure souvent parce qu’il ne trouve pas la force d’aimer au-delà de la peur »

La plaisanterie – Milan Kundera (1967)

Et si nous évoquions un roman mêlant politique et amour ?

Aujourd’hui, je viens vous parler du premier roman de Kundera « La plaisanterie », publié en 1967 durant les prémices du printemps de Prague.

Dans une Tchécoslovaquie communiste, Ludvik, étudiant et membre du parti vit une idylle de jeunesse avec Marketa. Durant leur correspondance amoureuse d’été, Ludvik lui adresse une carte postale avec une plaisanterie. Ce courrier fait basculer sa place au sein du parti communiste et provoque son exil forcé.

Enrôlé dans l’armée, Ludvik fait la connaissance de Lucie, une jeune fille timide et indécelable. Leur histoire d’amour sombre dans la désolation et s’évapore à jamais.

Des années plus tard, Ludvik revient dans sa ville natale, bien décidé à se venger d’un de ses amis qu’il juge comme pleinement responsable de son exil. Cette vengeance sera l’occasion d’amorcer un retour en arrière sur son existence et sur les grandes rencontres qui ont jalonné sa vie.

Le roman découpé en plusieurs parties, s’articule avec des retours en arrière mais aussi au travers de personnages clés comme Ludvik, Helena, Jaroslav et Kostka. Ainsi, Kundera fait le choix d’un changement fréquent de point de vue ce qui apporte une réelle profondeur et du relief aux personnages.

Au-delà du contexte historique du roman, Kundera nous fait réfléchir sur la question du « monde dévasté » et ces répercussions sur les existences et les actions de chacun. Ce roman arrive, avec une grande réussite, à mélanger les genres. Au-delà, d’une réflexion sur les formes d’autoritarisme et sur la politique de l’époque, il interroge sur ses amours contrariés.

Kundera nous évoque également le rapport à la vérité. Notion abstraite et manipulable, elle est pour chacun différente et n’a de cesse de se modifier. Une simple plaisanterie d’un homme inexpérimenté impacte ainsi profondément son rapport aux autres et à lui-même. Durant tout le roman, Ludvik s’extrait très difficilement des forces tant amoureuses que politiques qui ont guidé son existence.

Face à l’absurdité de son destin, Ludvik est enlisé entre ses désillusions et une vengeance bien amère. Un roman existentialiste d’une grande richesse qui m’apparaît comme un classique de la littérature tchèque.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Lidée me vint que cette influence s’exerçait de la même façon que, selon les astrologues, les mouvements des étoiles influencent la vie humaine ; au creux du fauteuil (face à la fenêtre ouverte qui expulsait l’odeur d’Helena) je pensais être venu à bout de mon rébus superstitieux, en devinant pourquoi Lucie avait traversé le ciel de ces deux journées : seulement pour réduire à rien ma vengeance, pour résoudre en brume tout ce qui m’avait conduit ici, car Lucie, cette femme que j’avais tant aimée et qui, inexplicablement, m’avait échappé au dernier monment, était la déesse de la fuite, la déesse de la vaine poursuite, la déesse des brumes : elle tient toujours ma tête entre ses mains ».

« A cet instant, j’ai compris qu’il m’était impossible de révoquer ma propre plaisanterie, quand je suis moi-même et toute ma vie inclus dans une plaisanterie beaucoup plus vaste (qui me dépasse), et totalement irrévocable »

Au plaisir de Dieu – Jean d’Ormesson (1974)

Et si nous évoquions un portrait de famille ?

Accompagnée par la voix douce et si mélodieuse de Jean d’Ormesson, je me suis délectée de cette fresque familiale.

Au coeur du château de Plessis-lez-Vaudreuil, domaine immense situé dans la Haute-Sarthe, une des plus vieilles familles françaises est confrontée aux ravages du temps.

Entourée de leur tradition, cette famille aristocrate a bien des difficultés à s’acclimater aux évolutions du XXème siècle. Le grand-père, un monarchiste plein de dignité, vit dans un passé où les moeurs, l’église, la tradition et l’importance du nom ont toute leur place.

Il perçoit la famille comme figée au temps de la royauté. La position familiale se crée par les terres et par le nom. L’argent ou la culture sont bannis de cette perception ancestrale.

Pourtant, l’histoire franchit les portes du château et oblige l’ensemble des membres de la famille à évoluer. Un mariage d’amour intègre la branche des Rémy-Michault à la famille. Le grand-père perçoit d’un mauvais oeil cette alliance. Pour lui, cette famille a fait fortune sur la mort de Louis XVI et se confronte avec ses valeurs. Sous le regard du grand-père, la tante Gabrielle née Rémy-Michault, intelligente et curieuse, vient révolutionner la vie du château. Elle amorce le premier bouleversement dans les traditions.

Puis, les générations successives vont venir se confronter par leurs idées contradictoires sur la politique ou sur les moeurs. Les fracas des guerres mondiales viennent également ébranler cette famille traditionnelle. Plus encore, la mort et le triomphe du temps portent le coup fatal à cette lignée.

Jean d’Ormesson dresse un portrait tendre et lucide de sa propre famille mais surtout met en perspective son évolution face à la marche inéluctable du temps.

Au-delà de l’hommage émouvant à son grand-père et à sa famille, Jean d’Ormesson se dresse en témoin d’une époque désormais effondrée. Durant ce long roman, il oscille avec brio sur un fil tendu entre le passé et l’avenir. Sa plume et la fulgurance de la portée de certains passages m’ont éblouie.

Avec ses mots, Jean d’Ormesson a réussi avec brio à emprisonner dans le temps cette vie de château et de tradition tant aimée par son grand-père.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« L’âge d’or était derrière nous, avec toute cette douceur de vivre dont nous traînions dans nos légendes les échos assourdis et que les plus jeunes d’entre nous n’avaient jamais connue ».

« Le passé était une grande forêt très belle où se croisaient à perte de vue les rameaux de ces arbres qui descendaient jusqu’à nous »

« C’est que le monde s’adonnait sans répit, avec une sorte de gourmandise et d’affection, à un crime impardonnable : nous nous étions arrêtés, et il continuait ».

« La vie n’est jamais rien d’autre qu’une longue retraite devant la mort ».

Les hiboux pleurent vraiment – Janet Frame (1957)

Avez-vous envie de vous plonger dans la littérature néo-zélandaise ?

Titre évocateur, « Les hiboux pleurent vraiment »,  est inspiré de la célèbre pièce « La Tempête » de William Shakespeare :

« Aux sources de l’abeille butineuse, je bois,

Du calice du coucou, je fais ma couche,

Là trouvé-je abri quand crient les hiboux,

A dos de chauve-souris je prends mon vol ». 

La famille Withers est unie face à une existence aride. Amie et Bob tentent, tant bien que mal, d’offrir un semblant de stabilité à leurs enfants malgré la pauvreté qui les ronge.

Francie, Daphné, Tobie et Poulette passent leur temps libre à la décharge publique. Dans les ordures, chaque jour, ils découvrent des trésors. Avec leurs yeux d’enfants, ils parviennent à déceler la beauté parmi les immondices.

Francie, l’insoumise, est la première à devoir quitter l’enfance. A l’âge de 14 ans, elle doit prendre sa place dans le monde des adultes et trouver un emploi. Tout d’abord destinée à travailler à la filature de laine, Francie finit par aider au ménage dans une maison voisine. Une tragédie viendra brusquement interrompre les prémices de sa vie de femme.

Son frère, Tobie est ancré dans la vie mais sans cesse freiné par ses crises d’épilepsie. Daphné, quant à elle, est la plus sensible de la fratrie mais finalement aussi la plus vulnérable. Enfin la petite cadette, Thérèse dite Poulette, est souvent tournée au ridicule. Elle va s’accrocher aux normes et essayer de s’extraire, avec toute sa force, de son milieu.

Ainsi, nous suivons le parcours des enfants Withers, chacun prenant des chemins bien différents.  Malgré tout, cette enfance partagée leur laisse une trace indélébile dans leur construction personnelle.

Ce roman, alternant comptines, chants et digressions, se construit d’une manière très atypique. Le fil narratif est assez décousu et j’ai eu du mal à garder le fil de ma lecture. J’ai eu quelques difficultés à être complètement emportée par la plume si originale de Janet Frame.

Pour autant, le parcours de ces quatre enfants est extrêmement poignant. Ils font face, chacun à leur façon, à la dureté de l’existence. Des épreuves jalonnent leur vie respective mais ils conversent, malgré tout, un imaginaire enfantin presque intact. Ils parviennent à se rattacher à ces images de l’enfance primordiales face à la désolation de l’existence.

J’ai découvert pour la première fois la plume délicate de Janet Frame. Elle signe une description d’un destin acharné et cruel portée par des voix enfantines et candides.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations :

« Tôt vient le jour qu’annoncent les oiseaux et le roitelet gazouillant dans un nuage tel l’enfant du poème : Cesse ton ramage, ton gai ramage. La scène s’émaille de fleurs de fève, emprunte à l’herbe luxuriante son tendre verdoiement, grouille d’insectes emportés par le tourbillon des plaisirs ».

« Le vide du gris cratère des fous morts vivants appelle maintes vérités qu’on y jette toutes ensemble ».

Les belles endormies – Yasunari Kawabata (1961)

Avec sa magnifique plume, Yasunari Kawabata signe un roman extrêmement dérangeant avec « Les belles endormies ».

A la fin de leur vie, certains hommes se complaisent à réaliser un obscur fantasme.

Dans une mystérieuse demeure japonaise, ils achètent des nuits hors du temps et se glissent dans un lit aux côtés d’adolescentes nues devenues inconscientes sous l’effet de puissants sédatifs.

Eguchi, soixante-sept ans, tente pour la première fois l’expérience. Il est tout d’abord troublé et interdit par l’inconscience et l’aspect juvénile des jeunes filles qu’il découvre. Privé du moindre échange, il doit imaginer les secrets qui planent derrière leurs paupières closes.

Puis, Eguchi commence à se connecter à lui-même et à renouveler ces instants troublants. Ainsi, au travers d’une jeune fille évanouie, il redécouvre une odeur, un geste, et se connecte peu à peu à des sens oubliés et à ses souvenirs. Cette méditation le plonge auprès d’anciennes conquêtes féminines. Il est propulsé jusqu’au coeur de son enfance.

Ces nuits obscures seront également propices à une véritable catharsis de l’âme. Ainsi, aux côtés de ces jeunes filles, les hommes, en quête d’une mort douce, extériorisent les démons qui les hantent.

J’avais aimé l’univers poétique de Kawabata au travers de son roman « Tristesse et Beauté ». Pour autant, ce livre m’a laissé un véritable sentiment de malaise.

Cette maison laissant des jeunes filles parfaitement inconscientes dans les bras de vieillards est profondément atroce.

Si la plume de Kawabata est toujours aussi belle et dépeint avec sensualité la vieillesse, la solitude et la mort, il demeure un sentiment de dégoût bien vif à la fin de ma lecture.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« La peau, l’odeur jeune des filles, peut-être apportent-elles aux tristes vieillards de cette espèce pardon et consolation »

« Le vieillard fut séduit par l’idée qu’il pourrait dormir d’un sommeil de mort à coté d’une fille que l’on avait plongé dans un sommeil de mort »