Une éducation catholique – Catherine Cusset (2014)

Auréolée du prix Goncourt des lycéens en 2008 pour son roman « Un brillant avenir », je vous parle aujourd’hui, pour la première fois, de Catherine Cusset.

J’avais envie de découvrir sa plume et mon choix s’est porté sur son court roman « Une éducation catholique ».

« Remarque, je la comprends. C’est plus amusant de lire un roman que d’aller à la messe »

Cet extrait qui ouvre la quatrième de couverture a suscité mon intérêt.

J’ai fait la connaissance de Marie, cette héroïne touchante confrontée à la dureté de l’adolescence, à ses blessures et son mal-être.

Entourée d’un père croyant et d’une mère athée, elle grandit dans un univers protégé entre les livres et le catéchisme.

Pourtant, les relations qu’elle tisse avec ses amies vacillent très vite vers des passions dévorantes qui ne cessent de l’obséder et de la hanter.

Entière, passionnée, exclusive, Marie vit chaque émotion de façon décuplée. Elle va rencontrer ses premiers amies et amours sous les visages de Laurence, Nathalie, Ximena puis David, Samuel, Francesco et Al…

Le lecteur la voit évoluer entre la fin de l’enfance, l’adolescence et les prémisses de l’âge adulte.

Entre les premiers émois et les douleurs de l’âge ingrat, Marie, narcissique et névrosée, n’a de cesse de se chercher et sera confrontée à un drame qui la transformera inexorablement en adulte.

Si l’angle d’approche du roman est son éducation catholique, Catherine Cusset n’analyse pas l’empreinte de la religion dans l’éducation d’une jeune fille mais décrit avant tout les errances sentimentales de la narratrice.

Si la lecture est fluide, les thèmes abordés demeurent assez stéréotypés. Un joli moment de divertissement même si le livre ne parvient pas à se hisser jusqu’aux incontournables de la littérature.

Un moment de plaisir mais la trace n’est pas indélébile dans mes mémoires de livres.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« Le message du catéchisme m’atteint profondément. La nécessité d’être humble et généreuse, l’idée que les pauvres seront récompensés dans le royaume des cieux, que les derniers seront les premiers, que les malheureux deviendront bienheureux » 

« Le Réel n’a qu’une face : celle d’un tout petit cadavre en pyjama de velours rayé sur un grand lit devant lequel une jeune fille de vingt-deux ans se tient le ventre. C’est un Réel devant lequel tous s’inclinent ». 

 « J’avais un désir : qu’il pose sa main sur mon corps comme il avait posé sa voix sur mon âme, avec la même force et la même certitude » 

Hiver à Sokcho – Elisa Shua Dusapin (2016)

Evoquons, un livre tout en légèreté et en délicatesse.

Elisa Shua Dusapin nous transporte dans une petite ville portuaire de Corée du Sud à quelques pas de la Corée du Nord. Sokcho, cette ville frontière morne et glacée, où des voyageurs égarés semblent flotter dans une atmosphère enneigée.

Dans ce paysage hivernal, enseveli par la neige et le froid, deux êtres que tout semble opposés vont se rencontrer. Une jeune coréenne, travaillant comme cuisinière dans une pension désaffectée, fait la connaissance d’un voyageur français.

Kerrand, normand mystérieux et dessinateur de bandes dessinées, erre dans la ville de Sokcho, morne et glacée, en quête d’une inspiration artistique.

La narratrice pour sa part, évolue dans un quotidien triste, dévouée à sa mère qui souhaite la voir se fiancer au jeune Jun-Oh. Elle semble passer à côté de son existence dans cette routine ronronnante au rythme du passage des résidents de la pension.

Ces deux êtres issus de deux cultures si diamétralement opposées, vont finalement se toiser, se croiser, se frôler et véritablement se rencontrer.

Kerrand va briser la monotonie de son existence et la jeune femme se sentira implacablement troublée et attirée par ce français.

Cette rencontre finira par lui révéler une part cachée d’elle-même qu’elle n’avait eu de cesse d’enfouir.

Issue d’une union entre une coréenne et un français, qu’elle n’a jamais connu et dont sa mère refuse obstinément de parler, elle se sent comme happée par cette rencontre. Finalement, sa relation avec Kerrand semble être un véritable reflet d’une quête identitaire.

Elisa Shua Dusapin signe un premier roman prometteur, couronné du prix Robert Walser et du Prix Révélation de la Société des Gens de Lettres en 2016.

Un roman bref et délicat qui se lit de manière fulgurante mais qui laisse comme un goût d’inachevé. En effet, j’ai eu envie de prolonger ce doux moment avec ces personnages, j’avais envie d’aller plus loin.

Cette brièveté, aussi fugace que cette rencontre, pourra laisser le lecteur sur sa fin même s’il s’agit d’une douce parenthèse…

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Les plages ici attendent la fin d’une guerre qui dure depuis tellement longtemps qu’on finit par croire qu’elle n’est plus là, alors on a construit des hôtels, on met des guirlandes mais tout est faux, c’est comme une corde qui s’effile entre deux falaises, on y marche en funambules sans jamais savoir quand elle se brisera, on vit dans un entre-deux, et cet hiver qui n’en finit pas ! »

« Son regard, physique, dur, m’avait pénétrée. Il m’avait fait découvrir quelque chose que j’ignorais, cette part de moi là-bas, à l’autre bout du monde, c’était tout ce que je voulais. Exister sous sa plume, dans son encre, y baigner, qu’il oublie toutes les autres »

Oh… – Philippe Djian (2012)

Philippe Djian, un auteur contemporain qu’on ne présente plus mais dont je n’avais jamais encore découvert la plume.

« Oh… » nous raconte l’histoire d’une femme. Une femme poursuivie par son passé et enlisée dans son présent. Une femme qui ne croit plus en l’homme, une femme ensevelie dans l’ombre obscure de son enfance.

Michèle, cette cinquantenaire qui s’est délestée de son mari puis de son amant. Cette mère attendant l’émancipation de son fils semble être le symbole de l’indépendance et de la liberté. Pour autant, elle ne cesse d’être rattrapée par son passé, par ses névroses, par ses proches et par ses pulsions.

Victime d’un viol, elle va s’enfermer dans une relation troublante où s’entrecroise répulsion et attirance.

Nous découvrons un personnage fascinant aux multiples contrastes. Sa vision déformée du mal par son enfance l’entrainera au plus profond d’elle-même.

Michèle a décidé de rayer définitivement de sa vie un père assassin mais paradoxe troublant ses pulsions la conduisent inévitablement dans une relation malsaine avec un homme présentant finalement le même profil que son père…

Reflet du complexe œdipien, cet ouvrage nous livre-t-il finalement le portrait d’une femme qui cherche à se rapprocher inéluctablement de son père ?

Avec son style vif et acéré, Philippe Djian ne s’est pas encombré de chapitre et nous dévoile un roman brut qui se lit en un souffle.

Peu initiée au contexte de cet ouvrage, je voyais, au fil de ma lecture, avec étonnement les images du thriller « Elle » réalisé par Paul Verhoeven en 2016 et couronné des Césars du meilleur film et de la meilleure actrice pour Isabelle Huppert.

Ce film m’avait particulièrement marquée et j’ai découvert après coup qu’il s’agissait tout simplement de l’adaptation du livre !

Je pense finalement que l’image persistante du film m’a quelque peu décontenancé dans ma lecture puisque j’aime toujours découvrir les ouvrages avant leur adaptation cinématographique.

Un livre dérangeant et acide qui se lit d’une traite et que je ne peux que vous conseiller.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« A l’aube, je referme ma porte sur les talons de Robert et Anne qui sont les derniers à partir j’ai le sentiment d’avoir procuré un sursis de quelques heures à Irène, ainsi qu’à moi-même, et que nous en avons profité – nous avons réussi à passer ces derniers moments ensemble, à l’écart, toutes les deux, et seules comme autrefois, sans personne sur qui compter, et j’en suis profondément satisfaite, j’en ressors apaisée » 

« Ne pas avoir accès à ce qui est enfoui en moi, si profondément enfoui que j’en perçois qu’une infime et vague rumeur lointaine, comme un chant oublié, déchirant, totalement illisible, ne me facilite pas les choses » 

Mon désir le plus ardent – Pete Fromm (2018)

Et si nous parlions d’un livre bouleversant ? « Mon désir le plus ardent » de Pete Fromm

Il m’apparaît difficile de décrire ce roman qui nous laisse le regard embué et la gorge serrée…

Sur le papier, il s’agit d’une simple histoire d’amour unissant Maddy et Dalt, deux guides ayant fondé leur petite entreprise de rafting dans l’Oregon.

Mais pourtant, Pete Fromm, nous livre bien plus, une histoire d’amour hors du commun qui touche en plein cœur sans pour autant tomber dans le larmoyant.

Maddy et Dalt se rencontrent à l’âge de vingt ans, ils ont la vie devant eux et un amour immense et sans limite les unit. Ils se marient au bord de l’eau dans le Wyoming et entament leur nouvelle vie, pleine de promesse, en descendant en raft cette rivière.

L’amour peut-il tout affronter ? Maddy et Dalt semblent être le témoignage parfait de l’adage « pour le meilleur et pour le pire » et vont réussir l’impossible en transcendant la maladie.

Maddy apprend, alors qu’elle est enceinte, qu’elle a contracté la sclérose en plaques. Ils vont bouleverser leur projet et leur futur face à l’impensable. Ils vont, malgré la maladie qui transforme Maddy jour après jour, réussir à fonder une famille.

Pete Fromm nous livre un sublime roman d’amour et nous décrit le destin de cette famille capable d’une formidable force d’adaptation face à cette maladie dégénérative qui bouleverse leur quotidien.

Maddy et Dalt, couple indestructible, nous laissent sans voix face à leur force et à leur courage.

La finesse de l’écriture de Pete Fromm s’agissant de la description des personnages, de leur quotidien, de leurs épreuves est envoûtante.

Un amour porté au tréfonds de la chair décrit avec une grande beauté et une grande pudeur par Pete Fromm.

J’ai totalement dévoré ce livre qui m’a profondément transportée et qui s’approcherait presque d’un coup de cœur !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« On va commencer le décompte de nos vies tout de suite. On a des décennies devant nous, Mad. Toi et moi, côté à côté, front contre front. Peau contre peau. Une vie entière »

« Il faut que je fasse tant de choses, et quand il entre en moi, me faisant expirer, parce qu’il le fait toujours, parce qu’il pourrait aussi se charger de cela, devenir mon cœur, mes poumons, je m’accroche à lui comme s’il était tout ce dont j’aurai jamais besoin, une vérité que j’imaginais absolue avant » 

« Il est agenouillé sur le carrelage qu’il a posé lui-même dix ans plus tôt, et je suis à moitié sortie du fauteuil, nous nous enlaçons dans ma salle de bains pour handicapés, et maintenant je sais précisément pourquoi mes yeux sont voilés, et je n’ai aucune intention de le lâcher, jamais » 

Dans le jardin de l’ogre – Leïla Slimani (2014)

L’épreuve du premier roman a été réussie avec maîtrise par Leïla Slimani dans son ouvrage « Dans le Jardin de l’Ogre » publié en 2014.

J’ai tout simplement dévoré ce roman. Un roman sur une addiction, une dépendance sexuelle révélant un personnage aux multiples facettes…

Leïla Slimani nous offre le portrait d’une femme, avec toute sa finesse, et se confronte au sujet épineux de la nymphomanie chez la femme.

Adèle s’est mariée et a fait un magnifique enfant avec Richard, un homme responsable, médecin rassurant et protecteur, qui l’aime profondément. Pourtant sous cette façade de famille idéale se cache les pulsions dévorantes d’Adèle, son addiction sexuelle, qui l’enferme dans une solitude extrême.

Volonté d’une femme de combler le vide de son existence par cette frénésie de plaisir mais aussi une volonté de guérir de son addiction, en devenant une épouse respectable. Cependant sa maladie finit toujours par la rattraper de manière implacable.

Adèle semble dissociée, dans sa vie et dans son corps. Elle mène une double vie et manie avec virtuose le mensonge. Adèle sait-elle finalement qui elle est ? Dans cette recherche effrénée des hommes, dans cette quête éphémère de jouissance, Adèle se cherche sans jamais véritablement se trouver.

Leïla Slimani décrit avec une grande finesse un portrait de femme, sa douleur, sa solitude, ses blessures.

J’aime la plume de Leïla Slimani, je l’avais aimé dans son roman « Chanson Douce » auréolé du prix Goncourt en 2016. J’avais eu envie de découvrir ses premiers écrits et je n’ai pas été déçue, loin de là ! Sa plume est toujours aussi percutante et envoûte son lecteur.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« Dans son amnésie flotte la rassurante sensation d’avoir existé mille fois à travers le désir des autres »

« Loin de Paris, dans la petite maison de province, elle renoncerait à ce qui selon elle la définit vraiment, à son être vrai. Celui-là même qui, parce qu’il est ignoré de tous, est son plus grand défi. En abandonnant cette part d’elle-même, elle ne sera plus que ce qu’ils voient. Une surface sans fond et sans revers. Un corps sans ombre »

« Adèle a fait un enfant pour la même raison qu’elle s’est mariée. Pour appartenir au monde et se protéger de toute différence avec les autres. En devenant épouse et mère, elle s’est nimbée d’une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s’est construit un refuge pour les soirs d’angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche »

Fief – David Lopez (2017)

Aujourd’hui, je vous parle de « Fief », le premier roman de David Lopez publié en 2017, cette œuvre d’une extrême tendresse nous raconte le destin de Jonas, jeune homme frustré et angoissé accompagné de sa bande de copains, issue d’un nulle part entre la banlieue et la campagne.

La fragilité des personnes nous fait plonger avec plaisir dans ce premier roman plutôt réussi de David Lopez.

Cette oeuvre sur une génération en manque de repères m’a complètement désarçonné.

Il s’agit, avant tout, d’une histoire d’amitié entre cette bande qui a grandi ensemble et qui se retrouve aux portes de l’âge adulte, sans avenir, fuyant le monde extérieur.

N’ayant aucune confiance en eux, ils préfèrent se retrancher derrière leurs frontières, à l’abri dans leur « Fief » rassurant, ils évoluent dans ce lieu où les perspectives d’avenir sont inexistantes.

Livrés à eux-mêmes, ils partagent leur quotidien entre l’ennui, la boxe, le foot, les filles, le cannabis et les jeux de cartes…

Jonas est un jeune homme qui reste emprisonné dans cette vie étroite. Enfermé dans ce carcan, il préfère se résoudre à ne faire aucun choix pour son avenir.

N’ayant aucune prise sur sa vie, son inaction semble déjà dictée par sa naissance, son milieu et ses proches…

Ce cercle vicieux d’un monde cloisonné où règne la procrastination et la désillusion est admirablement bien décrit par David Lopez.

J’ai ri (ce qui est terriblement rare me concernant à la lecture d’un roman) même si le style est déroutant et n’est pas académique, cette œuvre nous procure un joli moment littéraire.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« L’ennui, c’est de la gestion. Ça se construit. Ça se stimule. Il faut un certain sens de la mesure. On a trouvé la parade, on s’amuse à se faire chier. On désamorce. Ça nous arrive d’être frustrés, mais l’essentiel pour nous c’est de rester à notre place. Parce que de là où on est on ne risque pas de tomber »

« Dans ces ambiances, dès qu’il y en a un qui se met à parler de ses problèmes, il y en un autre pour trouver que ce n’est pas marrant ce qu’il raconte, et puis ça passe à autre chose. Ou alors on fait des blagues dessus. Ca ne court pas les rues les oreilles. Pourtant, il paraît qu’il y en a plein les murs. Et à force qu’on les tienne ils doivent en savoir des trucs. Mais ils ne doivent pas s’en souvenir parce qu’ils sont trop foncedés les pauvres »

Souvenirs dormants – Patrick Modiano (2017)

Si nous parlons de « Mémoires de livres », il m’apparaît impossible de ne pas mentionner l’œuvre de Patrick Modiano.

Encensé par la critique, Prix Nobel de Littérature en 2014, qualifié de Marcel Proust de notre temps, Patrick Modiano dans un style inimitable, nous dépeint avec une grande finesse et beaucoup de nostalgie, les destinées humaines sous le Paris de l’occupation.

Lire un roman de Patrick Modiano, c’est, pour moi, la certitude de ne jamais être déçue.

A nouveau avec son roman « Souvenirs dormants », publié en 2017, Patrick Modiano signe une nouvelle plongée délicieuse dans les souvenirs, dans le passé, dans la nostalgie avec une tendresse infinie.

Dans cette œuvre, nous suivons le parcours du narrateur au travers de ses pérégrinations dans le Paris des années 60. A cette occasion, il replongera avec mélancolie dans ses souvenirs, rencontrera six femmes qui le transporteront dans son passé.

Il m’apparaît impossible de vous transmettre un résumé de cette histoire car il s’agit de bribes, de retours en arrière, de déambulations, d’une quête de la mémoire qui laissent le lecteur suspendu et conquis.

Un doux parcours qui nous plonge dans un état de mélancolie particulière, un semi-rêve avec en toile de fond des souvenirs et des sensations de l’enfance.

Je ne peux que vous conseiller de découvrir son oeuvre au travers de « ses souvenirs dormants ».

S’il est très difficile de décrire le style inimitable et indéfinissable de Patrick Modiano, nous replongeons dans chacun de ses romans avec le même plaisir renouvelé…

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citation :

« C’était dans cette librairie, après tout, que j’avais trouvé ce livre qui m’avait fait beaucoup réfléchir : L’Éternel Retour du même. À chaque page, je me disais : si l’on pouvait revivre aux mêmes heures, aux mêmes endroits et dans les mêmes circonstances ce qu’on avait déjà vécu, mais le vivre beaucoup mieux que la première fois, sans les erreurs, les accrocs et les temps morts… ce serait comme de recopier au propre un manuscrit couvert de ratures… »