Le Maître ou le tournoi de Go – Yasunari Kawabata (1951)

Et si nous commencions une partie de Go ?

Dans ce court ouvrage infiniment poétique, Yasunari Kawabata nous plonge dans un duel envoûtant.

Uragami, journaliste et narrateur, assiste à un tournoi de Go qui se déroule sur plusieurs mois.

Le maître invincible exerce l’art du Go depuis de nombreuses années et n’a jamais été battu. Son expérience et sa sagesse sont indéniables. Il maîtrise le jeu avec une endurance et une concentration remarquables. Dans un ultime combat, il décide de mettre à nouveau son titre en jeu. Face à lui, Otaké, jeune et combattif, est le mieux placé de la nouvelle génération pour tenter de remporter la partie face au maître invaincu.

Au-delà de la simple narration du tournoi, Uragami s’empare du jeu de Go pour dresser un portrait éclatant des joueurs et du dévouement de leurs épouses. A travers ce texte, Uragami esquisse aussi une représentation brillante de la société japonaise. Entre la sagesse de l’ancienne génération et la fougue de la nouvelle, qui l’emportera ?

Dans ce court récit, Yasunari Kawabata révèle une réflexion plus profonde sur la mort et le rapport au temps. Un livre saisissant, porté par une plume d’une grande noblesse, que je vous recommande sans hésitation.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Ils sont innombrables, les cas de savoir ou de sagesse qui brillèrent jadis pour s’éteindre de nos jours, qui s’obscurcirent pendant la traversée des siècles et à l’entrée dans le présent, mais qui pourtant brilleront clair à l’avenir ».

« Soudain cette agitation cessa, le Maître retrouva son calme, son souffle redevint tranquille, mais personne n’aurait pu dire exactement quand la paix était revenue. Je me demandais si c’était le signe du départ, le passage de la ligne pour l’esprit qui affronte la bataille. Etais-je témoin des mouvements de l’âme du Maître au moment où, sans même s’en rendre compte, il recevait l’inspiration, le souffle divin ? »

Le passage de la nuit – Haruki Murakami (2004)

Et si nous choisissions le songe ?

Dans ce court récit hypnotiquela nuit mystérieuse révèle ses secrets.

Assise dans un restaurant en plein cœur de Tokyo, Marie est plongée dans un livre. Elle laisse les heures s’égrener et attend l’aube. Pendant ce temps,sa soeur Eli est plongée dans un profond sommeil.
Marie pensait que la nuit serait paisible et solitaire mais elle va multiplier les rencontres insolites. Elle revoit tout d’abord un étudiant et ami de sa sœur, qui répète toute la nuit dans une cave avec des musiciens. Il l’aborde et engage une longue conversation avec elle. Une femme va également venir interrompre sa lecture et lui demander de l’aide pour porter secours à une prostituée blessée. Jusqu’où cette nuit blanche la conduira-t-elle ?

Dans ce récit énigmatique où l’imaginaire a toute sa place, Haruki Murakami nous propose de garder l’oeil ouvert et de percer les mystères d’une nuit singulière. J’ai aimé l’ambiance onirique de ce texte qui demeure suspendu et laisse place à une rêverie nimbée de mystères.

Ma note

Note : 2.5 sur 5.

Citation

« Tu sais, nos vies ne sont pas découpées simplement en « sombre » et « lumineux « . Il y a une zone intermédiaire qui s’appelle « clair-obscur « . La saine intelligence consiste à en distinguer les nuances, à les comprendre. Et, pour acquérir cette saine intelligence, il faut pas mal de temps et d’efforts ».

Le Dévouement du suspect X – Keigo Higashino (2005)

Et si nous parlions d’un polar japonais ?

Dans ce roman policier, enquête et esprit scientifique s’entrecroisent pour percer le mystère d’un meurtre.

Discret professeur, Ishigami mène une vie solitaire entre les cours qu’il dispense et sa passion dévorante pour les mathématiques. En secret, il s’est épris de sa voisine Yasuko, une femme divorcée vivant dans le même immeuble avec sa fille.

Lorsque l’ex-conjoint de Yasuko la harcèle, une altercation dans l’appartement tourne au drame et Yasuko commet l’irréparable. Ishigami lui propose son aide pour camoufler le meurtre. Sa logique implacable lui sera indispensable pour venir en aide à sa voisine. Les enquêteurs aidés par un physicien brillant vont-ils réussir à percer le mystère de ce crime ?

Si je ne suis pas une adepte des policiers, j’ai aimé la sobriété et la dimension psychologique de ce roman. Si le rythme est lent, le dénouement final offre une subtilité au récit qui reste un agréable moment de lecture.

Ma note

Note : 1.5 sur 5.

Citations

« Les préjugés sont nos ennemis. Ils nous empêchent de voir ce que nous avons sous les yeux »

« Il n’y a pas d’engrenage inutile en ce bas-monde et l’engrenage décide seul à quoi il peut servir… »

La bedondaine des tanukis – Inoue Hisashi (2024)

Et si nous choisissions l’extravagance ?

Dans ce roman japonais onirique, Inoue Hisashi nous propose une aventure loufoque où se mêle humains, renards et tanukis.

Dans le comté d’Awa, les humains cultivent l’indigo depuis de nombreuses années. Les tanukis, des chiens viverrins cohabitent avec les hommes. Espiègles, ils multiplient les facéties et les transformations en tout genre. Les tanukis peuvent ainsi devenir une bouilloire, un pont ou même un humain. Si leurs plaisanteries souvent grossières mettent à rude épreuve les humains, ils parviennent à vivre en harmonie.

Yamatoya Moémon est un maître teinturier bien connu dans la région. Lorsque le maléfique messire Hamashima l’intendant du gouverneur, jette son dévolu sur sa fille unique Omiyo, son père s’inquiète. Pour sauver sa fille, un tanuki, transformé en humain sous le nom de Chôkichi, va lui venir en aide. Un amour interdit né alors entre Omiyo et Chôkichi. Réussiront-ils à s’unir malgré les obstacles ?

Avec un style original et truculent, Inoue Hisashi nous plonge dans un conte farfelu. Si j’ai aimé m’imprégner du folklore japonais, je n’ai malheureusement pas adhéré à l’univers de ce roman. Entre les digressions de Inoue Hisashi et les canulars des tanukis, je n’ai pas été transcendée par cet imaginaire foisonnant.

Ma note

Note : 1 sur 5.

Citation

« Mais c’est avec raison, oui, c’est avec raison que je m’en vais
Avec mes roupettes de sansonnet qui pendouillent
Je m’en vais pour le royaume des ombres, plein de rage »

Âme brisée – Akira Mizubayashi (2019)

Et si nous écoutions un air de musique classique ?

Dans un Japon confronté à la guerre, Yu un violoniste japonais fait le choix de la musique. Avec trois autres violonistes d’origine chinoise, ils se réunissent régulièrement pour partager leur passion. En pleine guerre opposant le Japon et la Chine, ces réunions sont perçues comme un véritable complot politique.

Lors d’une répétition, des soldats pénètrent dans la salle et accusent les musiciens amateurs d’intriguer contre le régime. Le violon de Yu est détruit et Rei, son jeune fils, assiste pétrifié à l’arrestation de son père. Des années plus tard, nous retrouvons Rei en France, la disparition de son père a marqué toute sa vie. Depuis cette journée tragique, il tente de réparer les morceaux brisés de son destin. Parviendra-t-il à trouver l’apaisement ?

Dans ce roman emprunt de beaucoup de tendresse, nous suivons le parcours d’un jeune garçon façonné par la musique. Malgré une destinée tragique, son attrait pour le violon lui a donné un véritable sens à sa vie. Nous le suivons dans sa reconstruction et assistons à des rencontres qui lui révèleront la part enfouie de son enfance. Si le ton de ce roman est emprunt de bon sentiment, j’ai aimé la dimension musicale qui transparait dans le récit et cette passion communicative autour du violon.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Emporté par la haine féroce, il balança le violon par terre de toutes ses forces et l’écrasa de ses lourdes bottes de cuir. L’instrument à cordes, brisé, aplati, réduit en morceaux, poussa d’étranges cris d’agonie qu’aucun animal mourant n’eût émis dans la forêt des chasseurs impitoyables ».

« Une mélodie simple, touchante, lancinante, transparente comme un ruisseau de larmes, commença à couler sur les cordes du premier violon ».

Le Pavillon d’Or – Yukio Mishima (1956)

Et si nous parlions d’un classique japonais aussi fascinant que déroutant ?

Ce récit nous entraine au coeur de Kyoto dans un temple bouddhiste emprunt de beauté et de spiritualité.

Depuis sa tendre enfance, le Pavillon d’Or représente pour Mizoguchi le paroxysme du beau. Quand son père, un prêtre bouddhiste, l’emmène pour la première fois visiter le temple, il est confronté à une réalité bien différente de ses rêves d’enfant. Déçu par l’aspect esthétique du temple, il conserve un souvenir mitigé du lieu.

A la mort de son père, Mizoguchi va intégrer le Pavillon d’Or comme novice. Il débute sa formation pour devenir religieux comme son père. Son attraction pour le Pavillon d’Or perdure entre répulsion et fascination. Bègue et pauvre depuis son enfance, un souffle de vengeance et de puissance sommeille en lui. Son apprentissage religieux et son amitié avec le bienveillant Tsurukawa ne lui permettent pas d’étouffer les sentiments obscurs qui l’assaillent. Sa cruauté prend peu à peu possession de lui. Jusqu’où cette soif de destruction le conduira-t-il ?

Ce roman étrange laisse un goût indéfinissable. Portée par un esthétisme exacerbé, cette oeuvre parvient à déchiffrer les contrastes de l’âme humaine et toute l’étrangeté du monde. Ce récit ne ressemble à aucun autre et c’est peut-être aussi pour cela qu’il m’a laissé une trace indélébile.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« Le passé ne se contente pas de nous entraîner vers le passé. Parmi nos souvenirs, il en est quelques-uns, en petit nombre certes, qui sont doués en quelque sorte de puissants ressorts d’acier, et chaque fois que dans le présent nous les touchons, ils se détendent aussitôt et nous catapultent dans l’avenir ».

« La pensée que la beauté pût déjà exister quelque part à mon insu me causait invinciblement un sentiment de malaise et d’irritation ; car si effectivement elle existait en ce monde, c’était moi qui, par mon existence même, m’en trouvais exclu »

Les amants du Spoutnik – Haruki Murakami (1999)

Et si nous partions en voyage avec un des auteurs les plus reconnus de la littérature japonaise ?

Des rues de Tokyo jusqu’aux sublimes îles grecques, nous suivons un mystérieux triangle amoureux.

Le narrateur, K., porte un amour inconditionnel pour Sumire, une femme à la beauté unique. Si Sumire se cache sous sa timidité et sa simplicité, elle porte en elle un charme unique qui a complètement transporté K. N’osant pas lui avouer ses sentiments, K. se satisfait de l’amitié intense qui les unit.

Quand Sumire fait la rencontre de la somptueuse et élégante Miu, une femme mariée, l’attirance est immédiate. Sumire se confie à K. sur les prémices de cette passion envoûtante. Si K. essaye de conserver sa contenance, les sentiments impétueux de Sumire la conduise jusqu’à suivre Miu en Grèce. Lors de ce voyage, la disparition subite de Sumire ébranle l’équilibre de ce triangle. Jusqu’où leurs sentiments réciproquent les conduiront-ils ?

Porté par une belle écriture, ce roman interroge les relations amoureuses et les sentiments inassouvis. Avec beaucoup de sobriété, Haruki Murakami dessine les interactions entre des personnages énigmatiques. J’ai beaucoup apprécié la finesse de la plume de Haruki Murakami. Si le côté onirique m’a légèrement décontenancée, j’ai passé un agréable moment de lecture.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citation :

« C’est ainsi que nous poursuivons nos existences, chacun de notre côté. Si profondément fatale que soit la perte, si essentiel que soit ce que la vie nous arrache des mains, nous sommes capables de continuer à vivre, en silence – même lorsqu’il ne reste plus de notre être qu’une enveloppe de peau, tant nous avons changé intérieurement ».

Le lac – Yasunari Kawabata (1950)

Et si nous évoquions l’étrangeté d’une oeuvre japonaise ?

Dans ce court récit, Yasunari Kawabata mêle avec une parfaite harmonie étrangeté et poésie.

Homme énigmatique, Gimpei passe ses journées à suivre les jeunes filles dans la rue. Ses pérégrinations le conduisent à la rencontre de plusieurs femmes qui marqueront sa vie.

Dans sa jeunesse, il entretient une relation avec Yagoï, sa cousine, et la rencontre régulièrement aux abords du lac de son enfance. Puis il devient professeur et s’éprend d’une de ses étudiantes, Hisako. Il croise également la route de Miyako et Machié dont la beauté ne cesse de l’envoûter.

Gimpei se construit à travers l’obsession qu’il voue pour ces jeunes filles. Cette fascination chimérique grandit au fil du temps et le confronte de plus en plus à son immense solitude. Nous naviguons avec Gimpei entre ses pulsions de vie et un oppressant instinct morbide.

D’une étrangeté envoûtante, la plume de Yasunari Kawabata nous emporte dans une atmosphère à la fois oppressante et malsaine. Toujours fascinée par son oeuvre, j’en suis restée désarçonnée.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Quand ces choses-là m’arrivent, je me sens d’une tristesse mortelle, j’ai le vertige, je ne sais même plus ce que je fais. Je voudrais la suivre, elle, la femme, jusqu’au bout du monde. Mais cela non plus ce n’est pas possible. La suivre ainsi, cela voudrait dire qu’il faudrait la tuer »

« Comme si une créature de rêve me chuchotait des mots d’amour… Que ne peux-tu, avec ton doigt, extirper de mon oreille toutes les voix humaines qui l’ont salie, n’y laisser que l’enchantement de ta propre voix… Ainsi, les mensonges eux-même s’en iraient… »

Nuages flottants – Fumiko Hayashi (1951)

Et si nous voyagions dans un Japon en ruine ?

Yukiko rentre à Tokyo après un long séjour passé en Indochine. Elle va retrouver un pays marqué par la seconde guerre mondiale et profondément meurtri. Elle tente de retrouver l’homme qu’elle a tant aimé en Indochine et avec qui elle a entretenu une relation fusionnelle. Si elle parvient à le revoir, les modifications de Tokyo et le poids de la guerre ont considérablement bouleversé leur relation.

L’homme qu’elle a connu a retrouvé sa famille et tente de recommencer à vivre dans un pays dévasté par la défaite. Ses deux êtres unis par un amour passionnel en Indochine sont devenus des étrangers. Réussiront-ils à faire renaître leur relation sur les cendres d’un pays en ruine ?

Entre ivresse et misère, ce roman dévoile un amour déboussolé par la guerre. Porté par une jolie écriture, ce livre nous entraine dans une relation tumultueuse et malsaine. Si je n’ai pas été transportée totalement par l’intrigue marquée par quelques longueurs, je salue cependant ce roman d’une grande modernité avec un portrait de femme remarquable.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citation :

« Il imagina sa propre silhouette sous la forme d’un nuage flottant. Un nuage errant au gré du vent qui, un jour, quelque part, insensiblement, disparaîtrait ».

La papeterie Tsubaki – Ogawa Ito (2016)

Et si nous nous exercions à la calligraphie ?

Suite au décès de sa grand-mère, Hatoko hérite de la papeterie Tsubaki et revient vivre à Kamukara, sa ville natale.

Au-delà de la simple papeterie, la modeste boutique est aussi le lieu où s’exerce un art exigeant : celui de la calligraphie. Initiée par sa grand-mère, Hatoko a appris cette écriture dès son plus jeune âge et elle est devenue un écrivain public reconnu.

Par son métier, Hatoko est plongée au coeur de la vie de ses clients. Ils viennent frapper à sa porte afin de la solliciter pour différents écrits : condoléances, lettres de rupture, voeux… Avec soin et exigence, Hatoko choisit une plume, une nuance de couleur, des matières ou des caractères particuliers d’après la personnalité qu’elle perçoit de son interlocuteur. Avec application, elle écrit et envoie les correspondances.

La découverte de ce métier fascinant s’accompagne d’une initiation au voyage au coeur de la station balnéaire Kamukara, située au sud de Tokyo. Ce livre nous dévoile un Japon rythmé par les saisons successives, l’art culinaire et la calligraphie.

Si j’ai aimé l’immersion dans un Japon mêlant tradition et modernité, j’ai cependant été déçue par le style et par l’aspect assez convenu de l’intrigue.

Ma note :

Note : 1.5 sur 5.

Citation :

« Et maintenant que son corps avait disparu, elle continuait à vivre dans les calligraphies qu’elle avait laissées. Son âme les habitait. C’était ça, l’essence de l’écriture ».

Pour aller plus loin, la suite :

https://www.babelio.com/livres/Ogawa-La-Republique-du-bonheur/1244343