L’inconnu de Cleveland – Thibault Raisse (2023)

Et si nous percions le mystère de Joseph Chandler ?

Dans l’Ohio, le corps d’un homme âgé est retrouvé dans sa salle de bain durant l’été 2002. Rapidement, la police identifie le cadavre, il s’agit de Joseph Chandler, un homme solitaire et mutique qui n’a pas d’entourage. Pour les enquêteurs Chris Bowersock et Ted Kroczak, cette affaire semble banale et la piste du suicide est rapidement privilégiée.

Joseph Chandler vit depuis plusieurs années dans un modeste appartement au sein d’une résidence anonyme. La vie recluse de cet homme au caractère taciturne semble étrange. Contre toute attente, cette enquête ordinaire va dévoiler l’impensable et les policiers vont devoir explorer de nouvelles pistes.

Les investigations menées par de nombreux spécialistes nous amènent à explorer toutes les spéculations afin de lever le voile sur la vie du mystérieux Joseph Chandler. Si cette enquête m’a laissée un goût d’inachevé, je ne peux que vous recommander plus largement cette nouvelle collection aux éditions 10/18 pour les amateurs de faits divers. Cette série addictive au style journalistique recense les affaires criminelles les plus marquantes pour chaque état des Etats-Unis.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citation :

« On ne verrouille pas son passé au point que même la mort n’en délivre pas la clé »

Un automne de Flaubert – Alexandre Postel (2020)

Et si nous partions à Concarneau avec Flaubert ?

Dans ce court récit, Alexandre Postel tente de percer les mystères qui entourent Gustave Flaubert.

Miné par des problèmes d’argent et par la vente probable de la demeure de sa nièce à Croiset, Gustave Flaubert est rongé par l’inquiétude. En proie à des pensées sombres, il décide de s’éloigner pour quelques semaines et choisit une petite pension proche de la mer. Il séjourne ainsi à Concarneau et retrouve son ami le Docteur Pouchet. Flaubert observe le travail de son ami, chercheur au musée d’histoire naturelle, il dissèque des poissons dans un calme chirurgical. Son séjour sera aussi l’occasion de savourer la cuisine bretonne et de pratiquer, tous les jours, des bains de mer comme pour calmer son anxiété croissante. Si proche de la mer, Gustave Flaubert réussira-t-il à trouver l’apaisement et à écrire ?

J’ai aimé être propulsée au côté de Gustave Flaubert dans ses quelques semaines de villégiatures. Les libertés prises par Alexandre Postel pour retranscrire la vie de l’écrivain rapprochent cet ouvrage du roman. Si j’ai aimé cette délicieuse promenade avec Flaubert et le développement de son processus d’écriture, j’aurai aimé que les aspects biographiques de sa vie soient davantage abordés.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citation :

« Faute de pouvoir atteindre le calme en lui-même, c’est à la mer qu’il le demandera. Même agitée, la mer accorde toujours le repos à celui qui la regarde. Sa pulsation obstinée inspire à l’homme égaré dans son labyrinthe intérieur le sentiment des choses simples; et à celui qui doute de la vie, le sentiment de la nécessité. Simple et nécessaire, la mer accueille toutes les douleurs. Elle n’offense pas les âmes fatiguées« .

La Duchesse de Langeais, La fille aux yeux d’or – Honoré de Balzac (1833 – 1834)

Et si nous comprenions deux femmes mystérieuses ?

Dans ce recueil, Honoré de Balzac met en lumière deux femmes évoluant dans un Paris mondain.

Au cœur d’un couvent Espagnol se cache une femme devenue religieuse. Pieuse et mutique, Soeur Thérèse cache un passé trouble. Derrière cette dévotion se dissimule une coquette, Antoinette de Langeais. Une femme à la beauté envoûtante qui règne sur les salons et côtoie les nobles familles du boulevard Saint-Germain. Pourtant, Antoinette a fui la vie mondaine. Un amour la relie à Armand de Montriveau, un marquis aventureux et passionné. Comment cette passion a poussé la Duchesse de Langeais à se couper du monde ?

La seconde nouvelle met en scène une autre femme, tout aussi mystérieuse. Lors d’une promenade aux Tuileries, Henri de Marsay un dandy parisien croise le regard d’une femme surnommée « La fille aux yeux d’or ». Elle est énigmatique et suscite l’intérêt du séducteur. Parviendra-t-il a la conquérir et à percer son mystère ?

Je n’ai malheureusement pas été totalement conquise par ce recueil. Si la plume talentueuse de Balzac dresse de beaux portraits féminins, je me suis perdue dans le fil narratif et je n’ai pas été complètement emportée par ces deux récits.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« À mesure que l’on monte en haut de la société, il s’y trouve autant de boue qu’il y en a par le bas ; seulement elle s’y durcit et se dore »

« À Paris, la vanité résume toutes les passions ».

La vagabonde – Colette (1910)

Et si nous franchissions les coulisses du music-hall ?

Dans ce court roman, Colette proclame un hymne à la liberté. A travers le personnage, largement autobiographique de Renée Néré, elle dévoile une femme envoûtante à la fois danseuse, mime et actrice.

Epuisée par les infidélités de son mari Adolphe Taillandy, un peintre reconnu, Renée Neré a décidé de reprendre son indépendance. Elle vit modestement de ses cachets d’actrice et de danseuse. Autour d’elle naviguent ses partenaires de jeux qui sont devenus ses amis. Grâce à la scène, Renée Néré parvient à retrouver son identité. Maxime, un homme riche et oisif, vient bouleverser cet équilibre naissant. Face à cet homme, son désir semble renaître. Renée va-t-elle succomber aux affres de l’amour ?

Dans ce récit, nous côtoyons la charismatique Renée. Un personnage féminin incandescent avec qui nous partageons une quête grisante de liberté et les coulisses de la vie d’artiste. J’ai été subjuguée par la plume poétique et limpide de Colette et par ce récit lumineux.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Seulement, voilà… il y a des jours où la solitude, pour un être de mon âge, est un vin grisant qui vous saoule de liberté, et d’autres jours où c’est un tonique amer, et d’autres jours où c’est un poison qui vous jette la tête aux murs ».

« Partir, repartir, oublier qui je suis et le nom de la ville qui m’abrita hier, penser à peine, ne refléter et retenir que le beau paysage qui tourne et change au flanc du train, l’étang plombé où le ciel bleu se mire vert, la flèche ajourée d’un clocher cerné d’hirondelles… »

Un barrage contre le Pacifique – Marguerite Duras (1950)

Et si nous partions en Indochine avec Marguerite Duras ?

Dans ce récit extrêmement fort, Marguerite Duras dresse le destin d’une famille assaillie par l’administration coloniale.

Une institutrice devenue veuve se voit attribuer une concession au sud de l’Indochine française. Ce terrain lui donne l’espoir d’une vie meilleure. Elle espère donner un avenir à ses deux enfants, Joseph et Suzanne. Rapidement, cette plaine marécageuse isolée s’avère inexploitable. Tous les ans, la grande marée ensevelie la moindre culture. La mère décide de construire un barrage pour faire face aux inondations et sauver ses terres. Face à l’échec de ce projet, la famille sombre dans la pauvreté et cette mère désespérée se rapproche de la folie.

Quand Suzanne rencontre Monsieur Jo, un richissime planteur de la région, la famille perçoit une issue à leur misère. Jusqu’où cette rencontre va-t-elle les conduire ?

Marguerite Duras s’est inspirée de son adolescence pour construire un roman intense avec des personnages attachants mais aussi complexes. L’imbrication permanente entre les membres de cette famille est particulièrement travaillée. Nous percevons la détresse de ces personnages soumis aux promesses déçues de la société coloniale.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citation :

« On ne pouvait pas lui en vouloir. Elle avait aimé démesurément la vie et c’était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu’elle était devenue, une désespérée de la vie même ».

Le livre de Neige – Olivier Liron (2022)

Et si nous rendions hommage à une mère ?

Dans ce récit infiniment personnel, Olivier Liron retrace le parcours de sa mère, Maria Nieves.

Arrivée en France à l’âge de neuf ans, elle a grandi à Madrid. Confrontée au régime de Franco, sa famille a fui l’Espagne dans l’espoir d’un avenir meilleur. Maria dite « Neige » en Espagnol doit s’acclimater à sa nouvelle vie française.

L’atmosphère asphyxiante de cette zone industrielle de la Plaine Saint Denis où ils se sont installés devient leur quotidien. Neige essaye d’apprivoiser cette vie française. Brillante élève, elle rattrape son retard et réussit à intégrer une nouvelle langue. Suite à cet exil déchirant, Neige parviendra-t-elle à construire sa vie en France ?

Olivier Liron dresse le portrait d’une mère proche de la nature, fantaisiste qui a toujours su préserver sa liberté. Agrémenté des photos de sa mère à toutes les périodes de sa vie, ce récit tendre et personnel, est particulièrement touchant. J’ai passé un agréable moment de lecture en compagnie de Neige sous la plume sensible de son fils.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Ce que nous ne voulons pas savoir de nous-mêmes, ce que nous évitons de reconnaître en nous-mêmes, tout ce qui n’est pas formulé, pas su, tout ce qui est ignoré, effacé, tout ce qui se love et se cache dans les silences brûlants du passé, tout cela, je crois que nous le rencontrons, un jour ou l’autre, et que nous devons l’affronter ».

« Être triste, c’est avoir épuisé toutes les façons possibles de parler à ceux qu’on aime »

Victoire la Rouge – Georges de Peyrebrune (1884)

Et si nous dressions le portrait d’une paysanne au XIXème siècle ?

Marie-Eugénie-Victoire est une orpheline malheureuse. Fille sans condition, elle est élevée dans un hospice. De modestes fermiers, Les Jameau, vont recueillir Victoire comme servante pour s’occuper de leurs bêtes. Son physique ingrat, sa chevelure rousse et son animalité sont rapidement moqués par les villageois et elle est nommée « La Rouge ».

Nous suivons son éveil à la sensualité jusqu’à son accès à la pensée. Malgré son élévation progressive, elle subit à répétition sa condition de femme sans éducation et devient une proie face à la puissance masculine. Jusqu’où ces violences cycliques implacables la conduiront-t-elle ?

Dans une misère terrible, nous découvrons le destin tragique de Victoire La Rouge. Dans un style vif et envoûtant, Georges de Peyrebrune dresse le portrait d’une femme invisible. J’ai lu ce roman en retenant mon souffle et j’ai été conquise par le rythme et la force du personnage de Victoire. Je vous encourage à découvrir l’œuvre de cette autrice méconnue.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Mais sa sensualité de bête échauffée la faisait se livrer, malgré sa volonté, peut-être avec le grognement heureux d’un appétit robuste enfin satisfait »

« De la pitié ! Qui donc en avait jamais eu pour elle ? Et savait-elle même ce que c’était ?
Elle devenait farouche comme un animal sauvage et traqué. Ses regards en dessous luisaient de douleur et de haine. Une révolte la tenait sans qu’elle sût contre qui l’avait faite si misérable et abandonnée, avec des appétits de brute, qu’elle se gardait cependant d’assouvir, et qui, pour une fois qu’elle s’y abandonnait, sans savoir encore, la jetait à la honte, la livrait aux injures, la chassait hors des foyers honnêtes où son ventre maudit portait le déshonneur ».

Belle de jour – Joseph Kessel (1928)

Et si nous parlions d’un tiraillement entre le corps et le coeur ?

Sévérine et Pierre partagent un amour pur. Sévérine, femme bourgeoise et mondaine, voue une véritable adoration pour son époux. Médecin réputé et mari généreux, Pierre semble combler toutes les attentes de la jeune femme.

Pourtant des fantasmes obscurs sommeillent en Sévérine. Elle ne trouve pas une complète plénitude dans ce bonheur conjugal. Malgré leur amour, leur intimité charnelle ne parvient pas à éclore. Elle envisage de pousser la porte d’une maison close pour tenter d’apaiser son désir transgressif et enfoui. Jusqu’où cette quête sulfureuse va-t-elle la conduire ?

Avec une écriture tout en finesse et d’une grande qualité, Joseph Kessel s’immisce dans l’intimité d’un couple. Son regard masculin ne porte pas de jugement sur cette femme mais cherche à percer toute sa complexité. Une lecture troublante qui propose un portrait perfectible sur les femmes et la sexualité qu’il est nécessaire de contextualiser à l’époque de sa parution.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations :

« Elle s’abattit contre l’oreiller. Elle pleurait sur lui, sur elle, et sur la condition humaine qui divise la chair et l’âme en deux inconciliables tronçons, misère que chacun porte en soi et ne pardonne pas à l’autre »

« Le secret de son corps vivait seul alors comme ces fleurs singulières qui s’ouvrent pour quelques instants et reviennent ensuite à leur repos virginal ».

Belle du seigneur – Albert Cohen (1968)

Et nous partagions une prouesse romanesque ?

Tragédie amoureuse, Belle du seigneur nous emporte dans les méandres d’une histoire d’amour passionnée.

Quand Solal rencontre Ariane la force de l’attraction est indéniable. Pourtant Ariane est mariée à Adrien Deume, personnage arriviste et oisif prêt à tout pour réussir. Quand son employeur Solal pose son regard sur Adrien, il ne saisit pas que c’est sa femme qu’il convoite. Lumineuse Ariane, elle est tournoyante de beauté. Plus ténébreux et sombre, Solal est beaucoup plus énigmatique mais il est bien décidé à se lancer dans cette conquête amoureuse.

Pourtant leur passion ne sera pas éternelle, elle doit faire face à l’usure du quotidien et à l’ennui. Ariane et Solal n’auront de cesse de créer des artifices pour préserver une conception fantasmée de l’amour. Jusqu’où iront-ils pour sauver cet absolu amoureux ?

Au-delà de nous interroger sur nos conceptions des rapports passionnés, Albert Cohen jette un regard cynique sur la bureaucratie de la Société des Nations. Si la longueur de cette œuvre peut vous faire peur, ce roman est immensément riche. Il parvient à nous faire sourire mais également à susciter de profonds bouleversements dans nos réflexions.

Un immense classique de la littérature qui me laissera une marque indélébile.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Descendu de cheval, il allait le long des noisetiers et des églantiers, suivi des deux chevaux que le valet d’écurie tenait par les rênes, allait dans les craquements du silence, torse nu sous le soleil de midi, allait et souriait, étrange et princier, sûr d’une victoire. A deux reprises, hier et avant-hier, il avait été lâche et il n’avait pas osé. Aujourd’hui, en ce premier jour de mai, il oserait et elle l’aimerait ».

« Aimé, hier soir je lisais un livre et soudain je me suis aperçue que je ne comprenais rien et que je pensais à vous »

Numéro deux – David Foenkinos (2022)

Et si nous rencontrions le double de Harry Potter ?

A l’âge de 11 ans, le destin de Daniel Radcliffe bascule quand il décroche le rôle d’Harry Potter. Pourtant en 1999 quand le casting d’Harry Potter débute il n’était pas prédestiné à un tel rôle. Après de nombreuses auditions, il ne reste que deux candidats en compétition : Daniel Radcliffe et Martin Hill.

Repéré sur un tournage, Martin Hill accompagnait son père, décorateur de cinéma et n’avait jamais eu pour ambition de devenir acteur. Très vite, les auditions se succèdent et Martin Hill commence à rêver à l’obtention du rôle de ce jeune sorcier. Quand la production lui annonce qu’il n’est pas choisi et que Daniel Radcliffe a « un petit quelque chose en plus », tout s’effondre. L’impression étouffante d’être passé à côté de son destin ne le quittera jamais. L’omniprésente de Harry Potter lui rappelle inlassablement cette terrible défaite. Ce sentiment d’échec va le poursuivre durant toute sa vie. Comment Martin Hill parviendra-t-il à se reconstruire ?

Grâce à ce personnage fantasmé, David Foenkinos raconte l’histoire d’un « numéro deux ». Un roman facile d’accès qui nous encourage à nous relever face aux revers de nos existences. Je n’ai pas été envoutée par le style assez plat de l’auteur mais ce roman reste un moment de lecture divertissant.

Merci aux éditions Folio pour ce cadeau.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« La vie humaine se résume peut-être à ça, une incessante expérimentation de la désillusion, pour aboutir avec plus ou moins de succès à une gestion des douleurs »

« Rencontrer quelqu’un, c’est se permettre d’exister à nouveau sans son passé. On se raconte comme on veut, on peut sauter des pages et même commencer par la fin »