Sérotonine – Michel Houellebecq (2019)

Le très controversé Michel Houellebecq nous dévoile enfin son dernier roman Sérotonine.

Le narrateur, Florent-Claude Labrouse, est viscéralement dépressif. Cet ingénieur agronome de quarante-six ans semble plongé dans une apathie morbide et survit grâce au Captorix un anti-dépresseur puissant qui le prive de toute libido. Fuyant sa dernière compagne Yuzu, personnage grotesque à la sexualité débridée, il se refuge dans une chambre d’hôtel.

Entre un climat parisien morose et la profondeur des paysages Normands, Florent-Claude retrace son passé amoureux. Seules les femmes qu’il a connu et aimé semblent le relier à la vie. Ainsi Kate, Claire mais surtout Camille lui ont permis de trouver un semblant de sens à sa vie.

Sur sa route, il renouera avec son seul ami, Ayméric d’Harcourt, devenu un agriculteur plongeant peu à peu dans la violence du désespoir. Le personnage d’Ayméric, ami rencontré durant ses années étudiantes, est particulièrement fort et donne un vrai relief à l’ouvrage.

Au delà de ce portrait, Michel Houellebecq nous décrit la révolte qui gronde dans une société aux mutations individualistes grandissantes. Il dépeint avec une profonde justesse le déclin du monde agricole face aux mutations sociétales, le climat de violence qui surnage mais surtout la solitude extrême.

Florent-Claude au-delà de ses amours déchus doit faire face à la fin de ses idéaux.

Le lecteur, impuissant, assiste à l’agonie lente mais implacable d’un homme qui a perdu un à un ses espoirs. L’amour semble le seul sentiment encore viable dans une société moribonde.

Ce dernier roman serait-il désespérément romantique ?

Michel Houellebecq ne nous avait pas habitué à des tirades sur la puissance d’un grand amour. Et pourtant, entre les lignes, il s’agit avant tout d’un terrible roman d’amour. Cet amour pur, noir et obsessionnel qui a bouleversé la vie du narrateur en nourrissant ses espoirs mais surtout ses regrets.

Michel Houellebecq crée un malaise mais il sait aussi décrire avec une profonde justesse les maux de notre société. Il parvient à la fois à nous provoquer et à nous émouvoir avec une plume toujours aussi efficace.

J’aime décidément être dérangée par Michel Houellebecq qui signe avec Sérotonine un de ses plus beaux romans.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Je ne crois pas faire erreur en comparant le sommeil à l’amour ; je ne crois pas me tromper en comparant l’amour à une sorte de rêve à deux, avec il est vrai des petits moments de rêve individuel, des petits jeux de conjonctions et de croisements, mais qui permet en tout cas de transformer notre existence terrestre en un moment supportable – qui en est même, à vrai dire, le seul moyen ».

« Les gens fabriquent eux-mêmes le mécanisme de leur malheur, ils remontent la clef à bloc et ensuite le mécanisme continue de tourner, inéluctablement, avec quelques ratés, quelques faiblesses lorsque la maladie s’en mêle, mais il continue de tourner jusqu’à la fin, jusqu’à la dernière seconde ».

« Maintenant je me retournais et je m’apercevais que la vie était finie, qu’elle était passée à côté de nous sans vraiment nous faire de grands signes, puis qu’elle avait repris ses cartes avec discrétion et élégance, avec douceur, qu’elle s’était tout simplement détournée de nous ; vraiment, à y regarder de près, elle n’avait pas été bien longue, notre vie ».

Idiss – Robert Badinter (2018)

Idiss, un récit inclassable, extrêmement personnel et poignant.

Robert Badinter nous raconte la destinée de sa grand-mère Idiss. Cette femme forte grandit en Bessarabie, région rattachée à de nombreux pays au fil du temps et aujourd’hui partagée entre la Moldavie et l’Ukraine. Idiss connait la violence de l’antisémitisme à travers les pogroms perpétrés contre les juifs.

Malgré les persécutions, elle tombe éperdument amoureuse de Schulim. De cette union née trois enfants, Avroum, l’ainé de la famille qui parvient à faire les études les plus élevées, Naftoul, le plus altruiste et sensible, et Chiffra devenue Charlotte, la mère de Robert Badinter.

Réfugiée en France avec sa famille en 1912, Idiss est hantée par la honte de son analphabétisme mais s’adapte peu à peu à la bourgeoisie parisienne et s’intègre dans la République Française.

Une vie paisible se poursuit en France. Charlotte fait la connaissance de Simon, un entrepreneur ingénieux et profondément honnête avec qui elle aura deux fils, Claude et Robert.

Avec un portrait plein de tendresse, Robert Badinter nous dévoile sa grand-mère, une femme forte, digne, courageuse et aimante. Il nous offre une vision de la société de l’entre-deux-guerres et nous décrit le basculement inéluctable vers l’horreur de la seconde guerre mondiale.

Avec une très grande émotion, nous suivons le parcours de cette famille, exilée en France, leurs espoirs pour les principes Républicains jusqu’à l’effondrement de leurs idéaux avec la République de Vichy et le déchirement de la seconde guerre mondiale.

J’ai été littéralement happée par la force de ce récit qui témoigne de l’amour d’un petit-fils pour sa grand-mère maternelle et nous livre des confidences intimes. Avec une pudeur déchirante, Robert Badinter touche le lecteur en plein coeur !

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« Le moment était venu du grand départ, celui dont on ne revient que comme un étranger à ces lieux qui furent familiers, à ces amis qui furent proches, à une vie qui fut la vôtre. Bref, partir sans esprit de retour, sauf comme un visiteur de son passé ».

« Idiss vient nous embrasser. J’ai conservé le souvenir du parfum d’eau de Cologne dont elle se versait deux gouttes derrière les oreilles avant de « sortir », comme elle disait. Ce parfum- là, quand il m’arrive d’en percevoir l’odeur des décennies plus tard, évoque son visage penché vers moi pour me donner un dernier baiser. Je ferme les yeux. C’est mon enfance revisitée ».

« Valises bouclées, restait le plus douloureux : dire au revoir – en réalité adieu – à notre grand-mère. Ce moment-là, je l’appréhendais plus que tout autre. Je savais que ses jours étaient comptés. Sa vie allait s’achever et je ne la reverrais jamais. Cette pensée, je la repoussais de toutes mes forces. Mais elle était la vérité ».

Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu (2018)

Nicolas Mathieu est devenu en quelques mois un auteur incontournable. Je n’étais pas de celle qui avait dévoré ce roman avant que son auteur soit propulsé dans la lumière en recevant le prestigieux « prix Goncourt ».

Et pourtant, le thème du roman m’avait déjà touchée en plein cœur : un adolescent pris au piège dans une région désindustrialisée de l’Est de la France et qui fait face à un certain déterminisme social.

Le lecteur découvre un groupe de jeunes évoluant dans l’atmosphère alangui de quatre étés successifs entre 1992 et 1998.

Anthony a grandi dans cette petite vallée où les hauts-fourneaux sont désaffectés. Aux prémices de son adolescence, il commence à ressentir les émois de son premier amour, les découvertes charnelles et à commettre ses premières bêtises de jeunesse…

Lors d’une fête, il fera la connaissance de Steph. Cette jeune fille qui n’a de cesse de réapparaître dans sa vie. Issue d’une classe supérieure, elle lui semble inaccessible et pourtant, elle lui apparaît proche, elle aussi coïncée dans cette ville qui n’offre aucune issue.

On y découvre également Hacine. Ce jeune homme grandit dans cette banlieue à côté de la ville qui le met à fortiori à l’écart. Soumis aux préjugés tenaces, il finit par plonger dans la délinquance.

L’imbrication de ces portraits issus de divers milieux sociaux est extrêmement bien travaillée par Nicolas Mathieu qui nous livre un roman dense, plein de contradiction et de force. Loin des clichés, il nous emporte littéralement dans le parcours de ces jeunes.

La trame de l’histoire apparaît anodine et pourtant Nicolas Mathieu nous offre bien plus dans ce roman d’une extrême richesse. Sous fond de colères adolescentes, l’auteur nous décrit une analyse des classes chère à Bourdieu.

Ces jeunes qui vivent dans une région étriquée et désaffectée projettent de fuir. Cependant, ils apparaissent comme encrés et sclérosés dans leur milieu social à reproduire inexorablement la trajectoire de leurs parents.

Un roman coup de cœur, qui allie avec brio émotion et fresque sociale, à dévorer jusqu’à la dernière ligne.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Dans chaque ville que portait ce monde désindustrialisé et univoque, dans chaque bled déchu, des mômes sans rêve écoutaient maintenant ce groupe de Seattle qui s’appelait Nirvana. Il se laissaient pousser les cheveux et tâchaient de transformer leur vague à l’âme en colère, leur déprime en décibels ».

« La minorité avait cette vertu ambiguë, elle vous protégeait mais, en prenant fin, vous précipitait tout d’un coup dans un monde d’une férocité insoupçonnée jusque-là ».

« Ces femmes qui, d’une génération à l’autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu’assurer la persistance d’une progénitures vouées aux mêmes joies, aux mêmes maux, tout cela lui collait un bourdon phénoménal. Dans cette obstination sourde, il devinait le sort de sa classe. Pire, la loi de l’espèce, perpétuée à travers les corps inconscients de ces femmes aux fourneaux, leurs hanches larges, leurs ventres pleins ».

Les souvenirs – David Foenkinos (2011)

Au détour des étals d’un bouquiniste, j’ai croisé « Les souvenirs » de David Foenkinos, un auteur contemporain qu’on ne présente plus !

J’avais passé un joli moment en compagnie de son livre « Charlotte », prix Renaudot 2014, et j’ai eu envie de découvrir un autre de ses ouvrages…

David Foenkinos nous raconte une histoire ordinaire, celle d’un homme qui navigue dans ses souvenirs, dans ceux de ses parents et arrière-grands-parents.

Le narrateur se souvient des moments partagés avec son grand-père juste avant son décès. Ce drame le rapproche de son père, un homme taciturne et froid.

Tous les deux maillons forts et piliers de la famille, ils vont faire face ensemble aux épreuves qui marqueront leurs proches.

En effet, la mère du narrateur, à l’aube de sa retraite, plonge dans une grave dépression et laisse son père complètement désarmé.

Sa grand-mère devenue veuve aborde une nouvelle solitude. Finalement, son père prend la décision difficile de l’emmener dans une maison de retraite. Mais la vieille femme, encore dynamique ne se résout pas à laisser derrière elle la femme qu’elle a toujours été.

En fugue elle part à Etretat, sa ville natale, et tente de retrouver son insouciance mais surtout ses souvenirs…

Tout en mélancolie, David Foenkinos nous raconte une histoire qui pourrait être celle du lecteur et évoque la vieillesse, les amours distendus, les désillusions et la solitude.

Le lien fort tissé entre le narrateur et sa grand-mère est particulièrement touchant.

La plume de David Foenkinos est agréable et légère, et pourtant, je n’ai pas été entièrement conquise et touchée par ce roman. Peut-être trop proche des souffrances d’une vie, je n’ai pas été transportée autant que je l’aurais souhaité.

Ma note :

Note : 1.5 sur 5.

Citations : 

 « Pourquoi ne se souvient-on pas de l’enfance ? Certes, le cerveau n’est pas encore formé, et il y a tant d’explications physiologiques à ce phénomène. Mais je ne veux pas croire à la gratuité de cette donnée : il y a forcément une raison. L’enfance est souvent le terrain des plaisirs primaires, c’est pour beaucoup le paradis des joies simples et faciles à assouvir. Il y aurait sûrement un risque à se souvenir de tout cela. Je me dis qu’on ne pourrait jamais devenir adulte si on était parasité par la conscience de ce bonheur-là. On vivrait en permanence avec une nostalgie béate complètement paralysante »

« Je ne savais pas encore que les femmes importantes d’une vie s’annoncent par le néant. Je ne savais pas qu’il fallait voir dans ce désert sensuel la promesse d’une apparition »

« Les souvenirs sont une espèce de point d’arrivée : et peut-être aussi la seule chose qui nous appartient vraiment » (Georges Perec).

Arcadie – Emmanuelle Bayamack-Tam (2018)

Arcadie, un livre déroutant et transgenre, qui nous dresse le panorama de Liberty House, un éden libertaire, une communauté qui rassemble les exclus, les inadaptés, les déviants.

Ces anticonformistes ont trouvé refuge dans cette zone blanche coupé du monde, des nouvelles technologies, des perturbateurs endoctriniens, des pesticides…

Farah va grandir dans cet univers qui prône la communion avec la nature, le végétarisme, la lecture et l’amour libre. Les habitants de Liberty House prennent le temps de vivre et de se raconter leurs rêves au petit-déjeuner.

A l’adolescence, cette jeune fille au physique disgracieux attend la naissance de sa féminité. Pourtant, elle va voir apparaître des attributs masculins et ne sera ni femme ni homme. Intersexuée, elle entamera une quête de genre et connaîtra la puissance du désir.

Profondément intelligente, rebelle, libre et hors norme, Farah déconcerte et fascine.

Farah est entourée de personnages plus bucoliques les uns que les autres, une grand-mère naturiste LGBT, une mère électro-sensible, un père illettré, un gourou et amant fascinant et magnétique.

Pourtant, l’arrivée d’un réfugié va venir bouleverser cette communauté et va les confronter à leurs idéaux. Mais surtout, cette rencontre éloignera Farah de cet éden qui l’a vu grandir.

Roman d’apprentissage tout en intériorité il révolutionne notre vision de la société.

Emmanuelle Bayamack-Tam nous transporte avec une très belle écriture et des références littéraires rafraichissantes. Au détour de l’ouvrage, nous retrouvons Dickinson, Proust, Rilke, Mallarmé, Flaubert ou Nabokov…

Cru, féroce et caustique ce récit inclassable m’a désarçonnée

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« Je pourrais lui pardonner ses coquetteries s’il les compensait par des qualités de cœur, mais de cœur, il n’en a pas, ou plutôt le sien n’est qu’un organe bardé de graisse qui s’échine à battre en dépit des vœux que je formule quotidiennement »

« Tant qu’à disparaitre, autant que ce soit pour la bonne cause, absorbée par un corps étranger, fondue à lui comme une neige au feu – crépitante, exaltée, heureuse »

« De nouveau je m’enflamme, mais cette fois-ci, c’est de penser à toutes ces morts noires qui ne comptent pour personne ; c’est d’évoquer toutes ces fins de vies qui n’en étaient qu’à leur début, des vies tout aussi uniques que celles de n’importe qui – et sûrement beaucoup plus dignes d’être vécues que celle des membres de ma communauté, ces abouliques, ces frileux, qui ne font que vivoter en attendant la mort »

« Elle était bête, égoïste et méchante, mais si on n’aimait que les gens qui le méritent, la vie serait une distribution de prix très ennuyeuse »

La tresse – Laetitia Colombani (2017)

Tresse, « Assemblage de trois mèches, de trois brins entrelacés »

Laetitia Colombani signe un premier roman magistral avec « la tresse ». Profondément féministe, ce livre retrace le destin de trois femmes.

Smita est une Dalit, une intouchable, exclue de la société indienne, hors caste, elle est contrainte de ramasser les excréments contenus dans les maisons. Transparente, elle n’existe pas.

Pourtant, Smita est avant tout une mère qui désire ardemment que sa fille puisse aller à l’école… Elle tentera tout pour que son enfant puisse fuir ce destin d’invisible irrémédiablement voué à porter le poids du travail indigne de sa mère.

Giulia travaille dans l’atelier de son père et a appris un métier en voie d’extinction. Elle s’occupe de la confection de perruques. Elle a toujours grandi dans cette usine, au rythme de la cadence des ouvrières, qui lavent, démêlent et confectionnent les cheveux. Fière de son héritage, elle va bientôt découvrir les périls qui menacent l’entreprise familiale.

Sarah est une avocate brillante vivant exclusivement pour son travail. Elle néglige sa vie de famille et ses enfants, elle n’a qu’un seul désir devenir associée dans le cabinet où elle exerce. L’apogée de sa carrière sera bouleversée lorsqu’elle tombe gravement malade…

J’ai tout simplement dévoré ce livre retraçant le destin de trois femmes évoluant dans des cultures différentes et lointaines.

Elles se ressemblent bien plus que le lecteur peut le penser aux premiers abords. Elles sont reliées par leurs forces, leurs courages mais aussi leurs révoltes. Ces femmes, profondément dignes, m’ont envoutée.

Elles vont toutes se battre pour modifier leurs modes de vie et leurs avenirs seront entremêlés. Le destin de Smita et de sa fille m’a particulièrement émue.

Un premier roman fascinant qui se lit d’une traite, j’ai beaucoup apprécié le parcours de ces trois femmes admirables, si diamétralement opposées et pourtant si proches. Laetitia Colombani bouleverse son lecteur avec sa plume vive et entrainante.

Je ne peux que conseiller ce roman bref et facile d’accès pour un joli moment d’émotion.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait »

« Smita sent son coeur se serrer. Elle a aimé cet homme, s’est habituée à sa présence rassurante auprès d’elle. Elle lui en veut de son manque de courage, de ce fatalisme amer dont il a recouvert leur vie. Elle aurait tant voulu partir avec lui. Elle a cessé de l’aimer à l’instant où il a refusé de se battre »

« Elle se sent femme aujourd’hui, auprès de cet homme qui l’a révélée. Cette main, elle n’est pas près de la lâcher. Dans les années qui suivront, elle la serrera souvent, dans la rue, au parc, à la maternité, en dormant, en jouissant, en pleurant, en mettant au monde leurs enfants. Cette main, elle la tient pour longtemps »

Une éducation catholique – Catherine Cusset (2014)

Auréolée du prix Goncourt des lycéens en 2008 pour son roman « Un brillant avenir », je vous parle aujourd’hui, pour la première fois, de Catherine Cusset.

J’avais envie de découvrir sa plume et mon choix s’est porté sur son court roman « Une éducation catholique ».

« Remarque, je la comprends. C’est plus amusant de lire un roman que d’aller à la messe »

Cet extrait qui ouvre la quatrième de couverture a suscité mon intérêt.

J’ai fait la connaissance de Marie, cette héroïne touchante confrontée à la dureté de l’adolescence, à ses blessures et son mal-être.

Entourée d’un père croyant et d’une mère athée, elle grandit dans un univers protégé entre les livres et le catéchisme.

Pourtant, les relations qu’elle tisse avec ses amies vacillent très vite vers des passions dévorantes qui ne cessent de l’obséder et de la hanter.

Entière, passionnée, exclusive, Marie vit chaque émotion de façon décuplée. Elle va rencontrer ses premiers amies et amours sous les visages de Laurence, Nathalie, Ximena puis David, Samuel, Francesco et Al…

Le lecteur la voit évoluer entre la fin de l’enfance, l’adolescence et les prémisses de l’âge adulte.

Entre les premiers émois et les douleurs de l’âge ingrat, Marie, narcissique et névrosée, n’a de cesse de se chercher et sera confrontée à un drame qui la transformera inexorablement en adulte.

Si l’angle d’approche du roman est son éducation catholique, Catherine Cusset n’analyse pas l’empreinte de la religion dans l’éducation d’une jeune fille mais décrit avant tout les errances sentimentales de la narratrice.

Si la lecture est fluide, les thèmes abordés demeurent assez stéréotypés. Un joli moment de divertissement même si le livre ne parvient pas à se hisser jusqu’aux incontournables de la littérature.

Un moment de plaisir mais la trace n’est pas indélébile dans mes mémoires de livres.

Ma note :

Note : 2 sur 5.

Citations :

« Le message du catéchisme m’atteint profondément. La nécessité d’être humble et généreuse, l’idée que les pauvres seront récompensés dans le royaume des cieux, que les derniers seront les premiers, que les malheureux deviendront bienheureux » 

« Le Réel n’a qu’une face : celle d’un tout petit cadavre en pyjama de velours rayé sur un grand lit devant lequel une jeune fille de vingt-deux ans se tient le ventre. C’est un Réel devant lequel tous s’inclinent ». 

 « J’avais un désir : qu’il pose sa main sur mon corps comme il avait posé sa voix sur mon âme, avec la même force et la même certitude » 

Dix-sept ans – Eric Fottorino (2018)

Avez-vous une image de votre mère lorsqu’elle avait dix-sept ans ?

Pour cette rentrée littéraire 2018, Eric Fottorino tente de répondre à cette question épineuse.

Connaît-t-on vraiment la femme qui se cache derrière notre mère, sa jeunesse ? ses souffrances ? ses combats ?

Ce récit autobiographique s’ouvre sur la révélation d’un lourd secret. Lina dévoile à ses fils une part cachée d’elle-même qu’elle n’avait jamais osé révéler.

A l’âge de dix-sept ans, Lina tombe enceinte et doit affronter cette grossesse non désirée. Une naissance que sa propre mère n’arrivera jamais à accepter. Au fil du livre, nous découvrons les souffrances d’une femme, ses combats pour la liberté mais surtout son amour pour ses fils.

Eric Fottorino essaye de provoquer une rencontre avec une mère dont il a l’impression qu’elle demeure cette inconnue qui est restée à ses côtés durant son enfance.

Il n’a jamais su comment l’appeler autrement que « Lina », le mot « Maman » ne parvenant jamais à franchir le recoin de ses lèvres. Face à une grand-mère omniprésente qui finalement se comporte comme un mère, Lina a du mal à trouver sa place.

Davantage sœur que mère, amie que véritable appui dans la vie d’Eric, l’écrivain demeure dans la frustration d’avoir été privé de cet amour maternel.

Et pourtant ! Eric Fottorino, au fil du livre, cherche et découvre cette femme au lourd passé.

Dans une quête identitaire le conduisant jusqu’à un Nice meurtri par les attentats de 2016, l’écrivain retrace le parcours de sa mère à l’âge de dix-sept ans, l’imaginant déambuler sur la promenade des anglais. Il fantasme la vie de Lina, ses pensées et ses espoirs…

Dans cette biographie émouvante, Eric Fottorino dresse le portrait d’une femme qu’il a aimé sans véritablement en prendre conscience.

Un bel éloge à un amour maternel ressuscité !

J’ai aimé le thème du livre et la tendresse qui s’en dégage. L’auteur nous dévoile, avec beaucoup d’émotion, une part intime de son enfance et de sa famille.

Malgré l’aspect touchant de ce récit, je n’ai pas réussi à être totalement transportée par ma lecture. La plume d’Eric Fottorino ne m’a pas bouleversée autant que je l’aurais souhaité.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citations :

« L’amour de ma mère, je ne l’ai pas senti. Il a manqué une étincelle. Sur l’adolescente qui attendait la délivrance, elle ne m’a jamais éclairé. Trop coupable pour articuler un mot. C’est dans ce silence que nous nous sommes perdus. Le silence. Il est devenu notre marque de fabrique. Depuis toutes ces années, ne rien se dire a été notre mode unique de conversation »

« On s’écorchait, ça faisait du vague à l’âme. On s’enfonçait des aiguilles dans le cœur pour vérifier qu’on s’aimait, qu’on en crevait de s’aimer » 

Hiver à Sokcho – Elisa Shua Dusapin (2016)

Evoquons, un livre tout en légèreté et en délicatesse.

Elisa Shua Dusapin nous transporte dans une petite ville portuaire de Corée du Sud à quelques pas de la Corée du Nord. Sokcho, cette ville frontière morne et glacée, où des voyageurs égarés semblent flotter dans une atmosphère enneigée.

Dans ce paysage hivernal, enseveli par la neige et le froid, deux êtres que tout semble opposés vont se rencontrer. Une jeune coréenne, travaillant comme cuisinière dans une pension désaffectée, fait la connaissance d’un voyageur français.

Kerrand, normand mystérieux et dessinateur de bandes dessinées, erre dans la ville de Sokcho, morne et glacée, en quête d’une inspiration artistique.

La narratrice pour sa part, évolue dans un quotidien triste, dévouée à sa mère qui souhaite la voir se fiancer au jeune Jun-Oh. Elle semble passer à côté de son existence dans cette routine ronronnante au rythme du passage des résidents de la pension.

Ces deux êtres issus de deux cultures si diamétralement opposées, vont finalement se toiser, se croiser, se frôler et véritablement se rencontrer.

Kerrand va briser la monotonie de son existence et la jeune femme se sentira implacablement troublée et attirée par ce français.

Cette rencontre finira par lui révéler une part cachée d’elle-même qu’elle n’avait eu de cesse d’enfouir.

Issue d’une union entre une coréenne et un français, qu’elle n’a jamais connu et dont sa mère refuse obstinément de parler, elle se sent comme happée par cette rencontre. Finalement, sa relation avec Kerrand semble être un véritable reflet d’une quête identitaire.

Elisa Shua Dusapin signe un premier roman prometteur, couronné du prix Robert Walser et du Prix Révélation de la Société des Gens de Lettres en 2016.

Un roman bref et délicat qui se lit de manière fulgurante mais qui laisse comme un goût d’inachevé. En effet, j’ai eu envie de prolonger ce doux moment avec ces personnages, j’avais envie d’aller plus loin.

Cette brièveté, aussi fugace que cette rencontre, pourra laisser le lecteur sur sa fin même s’il s’agit d’une douce parenthèse…

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Les plages ici attendent la fin d’une guerre qui dure depuis tellement longtemps qu’on finit par croire qu’elle n’est plus là, alors on a construit des hôtels, on met des guirlandes mais tout est faux, c’est comme une corde qui s’effile entre deux falaises, on y marche en funambules sans jamais savoir quand elle se brisera, on vit dans un entre-deux, et cet hiver qui n’en finit pas ! »

« Son regard, physique, dur, m’avait pénétrée. Il m’avait fait découvrir quelque chose que j’ignorais, cette part de moi là-bas, à l’autre bout du monde, c’était tout ce que je voulais. Exister sous sa plume, dans son encre, y baigner, qu’il oublie toutes les autres »

Oh… – Philippe Djian (2012)

Philippe Djian, un auteur contemporain qu’on ne présente plus mais dont je n’avais jamais encore découvert la plume.

« Oh… » nous raconte l’histoire d’une femme. Une femme poursuivie par son passé et enlisée dans son présent. Une femme qui ne croit plus en l’homme, une femme ensevelie dans l’ombre obscure de son enfance.

Michèle, cette cinquantenaire qui s’est délestée de son mari puis de son amant. Cette mère attendant l’émancipation de son fils semble être le symbole de l’indépendance et de la liberté. Pour autant, elle ne cesse d’être rattrapée par son passé, par ses névroses, par ses proches et par ses pulsions.

Victime d’un viol, elle va s’enfermer dans une relation troublante où s’entrecroise répulsion et attirance.

Nous découvrons un personnage fascinant aux multiples contrastes. Sa vision déformée du mal par son enfance l’entrainera au plus profond d’elle-même.

Michèle a décidé de rayer définitivement de sa vie un père assassin mais paradoxe troublant ses pulsions la conduisent inévitablement dans une relation malsaine avec un homme présentant finalement le même profil que son père…

Reflet du complexe œdipien, cet ouvrage nous livre-t-il finalement le portrait d’une femme qui cherche à se rapprocher inéluctablement de son père ?

Avec son style vif et acéré, Philippe Djian ne s’est pas encombré de chapitre et nous dévoile un roman brut qui se lit en un souffle.

Peu initiée au contexte de cet ouvrage, je voyais, au fil de ma lecture, avec étonnement les images du thriller « Elle » réalisé par Paul Verhoeven en 2016 et couronné des Césars du meilleur film et de la meilleure actrice pour Isabelle Huppert.

Ce film m’avait particulièrement marquée et j’ai découvert après coup qu’il s’agissait tout simplement de l’adaptation du livre !

Je pense finalement que l’image persistante du film m’a quelque peu décontenancé dans ma lecture puisque j’aime toujours découvrir les ouvrages avant leur adaptation cinématographique.

Un livre dérangeant et acide qui se lit d’une traite et que je ne peux que vous conseiller.

Ma note :

Note : 3.5 sur 5.

Citations :

« A l’aube, je referme ma porte sur les talons de Robert et Anne qui sont les derniers à partir j’ai le sentiment d’avoir procuré un sursis de quelques heures à Irène, ainsi qu’à moi-même, et que nous en avons profité – nous avons réussi à passer ces derniers moments ensemble, à l’écart, toutes les deux, et seules comme autrefois, sans personne sur qui compter, et j’en suis profondément satisfaite, j’en ressors apaisée » 

« Ne pas avoir accès à ce qui est enfoui en moi, si profondément enfoui que j’en perçois qu’une infime et vague rumeur lointaine, comme un chant oublié, déchirant, totalement illisible, ne me facilite pas les choses »