Rien ne t’appartient – Nathacha Appanah (2021)

Et si nous plongions dans les ténèbres d’une destinée ?

Depuis la mort de son mari, Tara s’est enfermée dans une profonde solitude. Face à ce deuil, elle semble comme happée par une folie qui la ronge chaque jour. L’image fantomatique d’un garçon surgit dans son quotidien et révèle avec lui les ombres de son passé.

Sa jeunesse sera marquée par des évènements traumatiques, Tara s’appelait auparavant Vijaya. Jeune fille insouciante et joyeuse, elle aimait danser et vivait avec ses parents dans un pays lointain.

Ce deuil vient faire ressurgir avec une plus grande force la violence infinie de son enfance qu’elle avait enfoui au plus profond d’elle-même pendant de nombreuses années.

Avec une écriture ciselée, Nathacha Appanah nous dévoile un portrait de femme vacillant à la fois sombre et lumineux et révèle les ténèbres d’un destin tragique.

Nathacha Appanah parvient en quelques lignes à nous plonger dans une atmosphère sombre et oppressante. Ce roman perturbant est à la fois poignant et d’une profonde noirceur. Si j’ai trouvé que ce court roman manque parfois d’encrage et reste marqué par des zones d’ombres, j’en suis restée ébranlée.

Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour l’envoi de ce livre dans le cadre de l’opération Masse Critique.

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Personne ne m’a dit : profite de ce ciel, de cette terre, de cette eau pendant qu’il est encore temps. Vautre-toi dedans, plonge, avale, étouffe-toi avec un peu, bientôt ce sera fini, bientôt tu sauras ce que c’est, une fille de ce pays ».

« Quand il part, je mets ma main en coquille sur ma peau, j’imagine retenir cette tendresse, encore un peu, juste un peu et pendant quelques instants bénis, il n’y a que cela qui m’importe. »

Le Ventre de Paris – Emile Zola (1873)

Et si nous nous promenions avec Zola en plein coeur du marché des Halles ?

A l’assaut des Rougon-Macquart, je vous propose le troisième volume de la série avec le Ventre de Paris.

Avec cette immersion sans concession en plein cœur des Halles, Zola nous fait découvrir les odeurs, les saveurs et les couleurs de toutes les denrées du marché. Par la littérature, Zola nous ouvre les portes d’une véritable nature morte grandiose où la gastronomie est mise à l’honneur.

Florent, fervent républicain, a connu une vie d’exilé à Cayenne sous le Second Empire. Souffrant de la faim, il rentre à Paris dans un dénuement total. Il retrouve son frère Quenu, un boucher qui mène une vie bourgeoise et repu. Sa femme, Lisa est l’égérie de la boucherie, sa beauté plantureuse est connue de tout le quartier. Louise, la belle Normande, lui fait face et tient une poissonnerie. Les deux amies sont les emblèmes du quartier des Halles.

L’arrivée de Florent vient semer le trouble dans cette famille bourgeoise et une guerre silencieuse éclate entre les deux femmes. Ces idées révolutionnaires commencent à se propager dans toutes les rues et déstabilisent l’équilibre de la famille Quenu.

Entre commérages et rancœurs, Zola avec une profonde modernité nous dresse des portraits contemporains et nous plonge avec délice dans Paris.

Si cette oeuvre n’est pas ma préférée de la série, je ne peux que saluer le travail incommensurable de Zola tant par la retranscription d’un Paris cinématographique mais également par la densité de ses personnages.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« A l’horizon, une grande fumée blanche flottait, mettait Paris dormant dans la buée lumineuse de toutes ces flammes ».

« Lorsqu’il arriva aux Halles, la nuit tombait, les odeurs étaient suffocantes. Il baissa la tête, en rentrant dans son cauchemar de nourritures gigantesques, avec le souvenir doux et triste de cette journée de santé claire, toute parfumée de thym ».

Ma dévotion – Julia Kerninon (2018)

Et si nous parlions d’une véritable dévotion amoureuse ?

A Londres, Helen revoit fortuitement Frank pour la première fois depuis vingt-trois ans. A cette occasion elle revient avec nostalgie sur leur relation fusionnelle.

Face à des parents absents et inexpressifs, ils ont fait le choix de se lier l’un à l’autre. Ils sont pourtant extrêmement différents, Helen est aussi raisonnable que Frank est excessif.

Lorsqu’ils débutent leur vie commune à Amsterdam le parcours d’Helen est déjà tout tracé, elle se dirige naturellement vers la littérature tandis que Frank reste indécis sur son avenir. Il découvre pour la première fois l’univers de la peinture, la fulgurance de son désir artistique est telle qu’il trouve enfin un sens à sa vie.

Leur relation est aussi forte que déséquilibrée, Helen malgré son indépendance d’esprit voue une véritable dévotion pour Frank. Lorsqu’ils parviennent enfin à trouver une harmonie dans leur relation tumultueuse un drame viendra bouleverser à tout jamais leur vie.

Ponctué de mélancolie, ce livre nous emporte avec une facilité déconcertante auprès de ce couple. L’intensité et la puissance de leurs sentiments est parfaitement retranscrites par la plume de Julia Kerninon. Un joli moment de lecture qui confirme mon intérêt pour cette autrice !

Ma note :

Note : 3 sur 5.

Citations :

« Lorsque quelqu’un est aussi discret que moi, personne n’imagine qu’il puisse avoir un tempérament passionné. Les gens pensent que ma personnalité est un genre de bruit blanc, que le silence que je fais en société est l’écho de celui qui résonne, depuis toujours, dans l’espace clos de ma tête, sous les cheveux coiffés. Mais – je le sais mieux que personne – il ne faut pas juger un livre à sa couverture ».

« Je jure que j’ai fait de mon mieux – mais au fond je pense que mon mieux ne valait rien, que mon mieux n’aurait jamais, en aucun cas, pu être suffisant – parce que je n’avais rien à apprendre à personne sinon ma propre sidération, mon hébétude face au monde, que j’avais passé ma vie à fuir dans les livres ».

Zaï Zaï Zaï Zaï – Fabcaro (2015)

Pour conjurer le blues de la rentrée, et si nous laissions échapper un éclat de rire ?

Encore une fois, Fabcaro réussit, avec talent et finesse, à disséquer l’absurdité de notre société.

Il nous raconte la cavale d’un homme ayant commis un crime monstrueux : l’oubli de sa carte de fidélité lors de son passage à la caisse d’un supermarché. Le ton est donné et nous suivons avec délectation cette fuite qui va prendre des proportions grotesques !

Média, police, extrémiste, complotiste, politique, tous sont passés au crible de l’humour dévastateur de Fabcaro. Il dresse avec réussite et cynisme le portrait d’une société hystérique et paranoïaque.

Entre humour décalé et satire de la société, un moment jubilatoire que je vous prescrits sans modération !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Adolphe – Benjamin Constant (1816)

Et si nous faisions le choix d’une oeuvre romantique ?

Egoïste, imbus de lui-même et désœuvré, Adolphe est un jeune bourgeois qui erre entre les salons. A vingt-deux ans, un avenir prospère s’ouvre devant lui. Il fait la connaissance d’Ellénore, mère de deux enfants, elle partage sa vie avec le comte de P.

De dix ans son ainée, Elléonore est insaisissable et inaccessible. Adolphe éprouve pour elle un sentiment amoureux emprunt d’un désir de conquête. Malgré les réticences de ses proches, Adolphe charme peu à peu Eléonore qui s’éprend éperdument de lui.

Face à cette passion assouvie, les besoins d’indépendance et de liberté d’Adolphe se révèlent. Tout à coup, cet amour démesuré freine son ascension sociale et sa réussite.

A travers cette tragédie amoureuse, Benjamin Constant dessine un amour faisant face aux obstacles de la société. Avec une très belle écriture, cette oeuvre psychologique révèle l’indécision amoureuse et l’inexorable délitement d’un couple.

Je vous invite à découvrir ce classique qui donne à réfléchir sur le sentiment amoureux.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« C’est un affreux malheur de n’être pas aimé quand on aime ; mais c’est un bien grand d’être aimé avec passion quand on n’aime plus »

« La société est trop puissante, elle se reproduit sous trop de formes, elle mêle trop d’amertumes à l’amour qu’elle n’a pas sanctionné ; elle favorise ce pendant à l’inconsistance, et cette fatigue impatiente, maladies de l’âme, qui la saisissent quelquefois subitement au sein de l’intimité »

« Malheur à l’homme qui, dans les premiers moments d’une liaison d’amour, ne croit pas que cette liaison doit être éternelle! »

Décomposée – Clémentine Beauvais (2021)

Et si nous divaguions autour d’un poème de Charles Baudelaire ?

Dans ce court récit, entre roman et poésie, Clémentine Beauvais donne un nouveau souffle à l’oeuvre de Charles Baudelaire. Elle revisite avec inventivité le célèbre poème « une charogne ».

Pour Baudelaire, cette charogne n’est qu’une femme lubrique en décomposition, Clémentine Beauvais dévoile sa face cachée. Elle dresse son parcours, ses rencontres et sa destinée jusqu’au détour d’un sentier. Elle redonne vie à cette inconnue en l’imaginant amoureuse, avorteuse ou tueuse.

Au-delà du simple corps décomposé, Clémentine Beauvais oeuvre avec poésie pour donner un souffle féministe et libre à cette femme meurtrie par la vie.

J’ai passé de douces minutes en compagnie de cette autrice au style inventif et audacieux !

Merci à la collection @icono.pop et aux @ed_iconoclaste pour cet envoi.

Ma note :

Note : 2.5 sur 5.

Citation :

« Tout en elle était reste. Reste de beauté nuageuse,
reste de fierté jaune dans les yeux,
reste de joie, reste de mélancolie,
tout ce qu’elle avait été un jour jusqu’à l’excès,
elle ne l’était plus que peu,
comme la cendre garde quelque temps sa tiédeur
dans ses replis les mieux tassés »

Le Dernier Jour d’un Condamné – Victor Hugo (1829)

Et si nous commentions une plaidoirie historique ?

Avec le Dernier Jour d’un Condamné, Victor Hugo fait entendre avec force la voix de tous les accusés.

Dans ce court texte, nous suivons le parcours d’un homme durant les six semaines précédant son exécution. Au cœur de cette attente insoutenable au fond d’un cachot, cet âme oscille entre espoir et anxiété grandissante.

Peu importe le crime, le mobile ou les antécédents de cet homme, seul compte cette terrible attente avant sa mort imminente. Par le biais de son journal intime, il va livrer au lecteur avec une extrême promiscuité ses pensées et toutes ses émotions à l’approche de sa dernière heure.

Dans ce monologue poignant, le lecteur ressent à l’unisson le cri de douleur et de désespoir de cet accusé plongé dans un terrible calvaire.

Véritable réquisitoire contre la peine de mort, Victor Hugo met à nu la torture d’un homme dans un récit toujours emprunt d’une incroyable modernité.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« Est-ce donc la vie d’un homme? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis ; la destinée est une. Prenez donc ce miroir et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains qui disent «moi». Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi. »

« Se sont-ils jamais mis, seulement en pensée, à la place de celui qui est là, au moment où le lourd tranchant qui tombe mord la chair, rompt les nerfs, brise les vertèbres… Mais quoi ! une demi-seconde ! la douleur est escamotée… Horreur ! »

« Les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis ».

Le bal des folles – Victoria Mas (2019)

Et si nous acceptions une invitation pour le bal ?

En 1885 au sein de l’hôpital de la Salpêtrière s’organise le « bal de la mi-carême ». Toute la haute société parisienne vient curieuse et fascinée à la rencontre de ces femmes enfermées dans l’établissement. Pour préparer cette soirée unique, les patientes s’apprêtent pendant des jours et associent ce bal à un élan de liberté retrouvé. Pourtant, cette soirée grotesque n’est que l’occasion de les exposer…

Sous prétexte d’une folie passagère, d’un comportement déviant ou juste d’une différence, elles sont emprisonnées de force souvent par leur mari ou leur père. Le bal est comme un instant suspendu dans leurs conditions de vie suffocantes entre enfermement et expérimentations du célèbre Professeur Charcot.

Eugénie est l’une d’entre elles. Loin d’être une jeune fille hystérique ou possédée par des voix, elle est pourtant connectée aux morts. Ses prédispositions vont l’entrainer malgré elle vers la Salpêtrière…

Ce premier roman singulier proposé par Victoria Mas nous ouvre les portes de la Salpêtrière, une immersion dans une réalité mêlant histoire et conditions de la femme au XIXème siècle. J’ai aimé ce livre qui se révèle comme un cri vibrant et puissant, celui de ces femmes muselées et condamnées à l’emprisonnement à perpétuité.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citation :

« Loin d’hystériques qui dansent nu-pieds dans les couloirs froids, seule prédomine ici une lutte muette et quotidienne pour la normalité »

Fort comme la mort – Maupassant (1889)

Et si nous évoquions la vie d’un peintre sur le déclin ?

Brillant artiste mondain, Olivier Bertin mène une carrière florissante en tant que peintre. Il a dressé le portrait de nombreuses femmes toutes plus sublimes les unes que les autres. Issue de la haute bourgeoisie parisienne et épouse d’un riche commerçant, Anne de Guilleroy est l’une de ces femmes. Son visage angélique, sa beauté et son élégance ont conquis le peintre.

Une relation adultère et passionnée lie Anne de Guilleroy et Olivier Bertin et se prolonge dans le temps. Après plusieurs années d’absence, la fille d’Anne réapparait à l’apogée de sa beauté. Anne est le portrait de sa mère et Olivier Bertin y retrouve la jeune femme qu’il a connu. L’apparition de Anne vient perturber l’équilibre de leur relation…

Un roman où la force du sentiment amoureux fait face à l’épreuve du temps. Porté par un style flamboyant, j’ai aimé ce livre qui entremêle avec nostalgie l’étiolement des relations amoureuses et le ravage du temps.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Dans les coeurs les plus droits le désir souffle parfois comme un coup de vent qui emporte la volonté »

« Elle avait eu la révélation subite de ce glissement de l’heure, de cette course imperceptible, affolante quand on y songe, de ce défilé infini des petites secondes pressées qui grignotent le corps et la vie des hommes »

Broadway – Fabrice Caro (2020)

Et si nous choisissions le rire comme rempart face à l’absurdité du monde ?

A l’âge de quarante-six ans, Alex reçoit une enveloppe pour le dépistage du cancer colorectal. Ce courrier le confronte, avec angoisse et humiliation, à son vieillissement.

Ce père de famille semble littéralement asphyxié entre le délitement de son couple, le comportement de ses enfants, les apéritifs réglementaires avec ses voisins ou encore la perspective de vacances paddle à Biarritz avec ses amis… Sa vie millimétrée dans une maison familiale au coeur d’un lotissement semble de plus en plus l’oppresser !

Piégé entre les années qui s’écoulent inexorablement et l’absurdité de la vie, cet homme jette un regard cynique et angoissé sur son existence. Ponctué par ses obsessions et son anxiété, nous suivons avec délice le parcours d’Alex.

Fabrice Caro, avec son ton acerbe et irrévérencieux, nous dresse le portrait jubilatoire d’un homme en pleine crise existentielle !

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Il est indiqué sur le porte-chandelier le tarif pour un cierge, un ou deux euros, et je me demande si la prière a statistiquement plus de chances d’aboutir si l’on donne deux euros plutôt qu’un »

« La vieille dame est toujours là, exactement à la même place, immobile, et je commence à me demander s’il s’agit d’une vraie dame ou si l’Église, devant la catastrophique désertion de ses ouailles, ne place pas des mannequins de cire pour sauver la face » 

« On devrait toujours s’inventer des angoisses insensées pour les déconstruire dans la foulée et se sentir léger »