Suite française – Irène Némirovsky (2004)

Et si nous parlions d’une œuvre au destin hors du commun ?

La publication inespérée de « Suite française » en 2004 fait rejaillir un témoignage fort et puissant sur la Seconde Guerre mondiale. Dernier manuscrit d’Irène Némirovsky, déportée et morte à Auschwitz, elle avait imaginé un roman vaste en cinq tomes afin de témoigner de l’exode et de l’occupation allemande en France.

Ce manuscrit écrit entre 1940 et 1942 avait été conservé par ses filles malgré la menace de la déportation. Des années plus tard, cette publication remet en lumière l’œuvre remarquable d’Irène Némirovsky.

Dans la première partie de ce récit « Tempête en Juin », Irène Némirovsky retrace la débâcle des troupes françaises face à l’imminence de l’occupation allemande. L’exode de la population fait surgir la diversité des comportements humains entre la peur de l’envahisseur et le fracas des bombardements.

Dans la seconde partie « Dolce », l’autrice retrace les années d’occupation dans un petit village français. Entre les tensions face aux troupes allemandes et la collaboration, toute la multiplicité des réactions face à l’occupation est parfaitement retranscrite. Jusqu’où la cohabitation avec les Allemands conduira les villageois ?

Avec une acuité saisissante, Irène Némirovsky exploite plusieurs personnages pour décrire toute la diversité des parcours humains durant la Seconde Guerre mondiale. Les portraits de ces familles, bourgeoises ou démunies, parfois méprisantes et lâches, prises entre la peur et de grands élans de solidarité sont saisissants !

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Et dire que personne ne le saura, qu’il y aura autour de ça une telle conspiration de mensonges que l’on en fera encore une page glorieuse de l’Histoire de France. On se battra les flancs pour trouver des actes de dévouement, d’héroïsme. Bon Dieu ! ce que j’ai vu, moi ! Les portes closes où l’on frappait en vain pour obtenir un verre d’eau, et ces réfugiés qui pillaient les maisons ; partout, de haut en bas, le désordre, la lâcheté, la vanité, l’ignorance ! Ah ! nous sommes beaux ! »

« Il y avait toujours en eux une ardente volonté de bonheur; sans doute parce qu’ils s’étaient beaucoup aimés, ils avaient appris à vivre au jour le jour, à oublier volontairement le lendemain ».

Le Maître ou le tournoi de Go – Yasunari Kawabata (1951)

Et si nous commencions une partie de Go ?

Dans ce court ouvrage infiniment poétique, Yasunari Kawabata nous plonge dans un duel envoûtant.

Uragami, journaliste et narrateur, assiste à un tournoi de Go qui se déroule sur plusieurs mois.

Le maître invincible exerce l’art du Go depuis de nombreuses années et n’a jamais été battu. Son expérience et sa sagesse sont indéniables. Il maîtrise le jeu avec une endurance et une concentration remarquables. Dans un ultime combat, il décide de mettre à nouveau son titre en jeu. Face à lui, Otaké, jeune et combattif, est le mieux placé de la nouvelle génération pour tenter de remporter la partie face au maître invaincu.

Au-delà de la simple narration du tournoi, Uragami s’empare du jeu de Go pour dresser un portrait éclatant des joueurs et du dévouement de leurs épouses. A travers ce texte, Uragami esquisse aussi une représentation brillante de la société japonaise. Entre la sagesse de l’ancienne génération et la fougue de la nouvelle, qui l’emportera ?

Dans ce court récit, Yasunari Kawabata révèle une réflexion plus profonde sur la mort et le rapport au temps. Un livre saisissant, porté par une plume d’une grande noblesse, que je vous recommande sans hésitation.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Ils sont innombrables, les cas de savoir ou de sagesse qui brillèrent jadis pour s’éteindre de nos jours, qui s’obscurcirent pendant la traversée des siècles et à l’entrée dans le présent, mais qui pourtant brilleront clair à l’avenir ».

« Soudain cette agitation cessa, le Maître retrouva son calme, son souffle redevint tranquille, mais personne n’aurait pu dire exactement quand la paix était revenue. Je me demandais si c’était le signe du départ, le passage de la ligne pour l’esprit qui affronte la bataille. Etais-je témoin des mouvements de l’âme du Maître au moment où, sans même s’en rendre compte, il recevait l’inspiration, le souffle divin ? »

Les garçons de l’été – Rebecca Lighieri (2017)

Et nous surfions sur un roman sauvage ?

Zachée et Thadée, deux frères beaux, lumineux et intelligents respirent la jeunesse et toutes ces perspectives. Amateurs de surf, ils s’adonnent à ce sport sans retenue sous la chaleur torride de l’île de La Réunion.

Envahie par une profonde fierté à leur égard, Mylène, leur mère les adule. Ses fils sont sa plus grande réussite. Mylène en oublie parfois leur plus jeune sœur, Ysé, sensible et créative. Derrière ce vernis de perfection, cette famille bourgeoise cache des zones d’ombre. Quand un terrible accident survient et que Thadée est attaqué par un requin sur l’île de la Réunion, tout bascule. L’envers diabolique de Thadée se dévoile et l’équilibre familial explose. Jusqu’où cet élan dévastateur, empli de noirceur, va-t-il les engloutir ?

Dans ce roman haletant et magnétique, nous sommes happés par cette famille terriblement dysfonctionnelle rongée par la jalousie et les mensonges. Entre malveillance et lumière, nous oscillons pendant tout le roman. J’en suis restée profondément ébranlée, un roman qui ne s’oublie pas !

Ma note

Note : 4.5 sur 5.

Citations

« Avec eux, je tremble, je frémis, je suis dans l’adoration, et ce n’est pas un service à rendre aux enfants que de les adorer. »

« J’ai embrassé l’aube d’été et j’ai cru que cette sensation-là, cette communion entre moi et les éléments, cette harmonie entre mon corps et mon esprit, ce serait ma vie. »

Babylone – Yasmina Reza (2016)

Et si une soirée entre amis tournait au drame ?

Elizabeth éprouve une tendresse et une proximité inexplicable pour Jean-Lino, son voisin dont la gentillesse et la sollicitude l’attendrissent. Lorsqu’elle organise une fête de printemps avec quelques amis, Elizabeth invite naturellement Jean-Lino et sa femme Lydie.

Assaillie par les contraintes sociales, Elizabeth organise avec minutie et anxiété les festivités. Lors de cette soirée arrosée et rieuse, Jean-Lino met de côté sa timidité et se moque de sa femme et de son altruisme envers les animaux. Bien plus tard dans la nuit, Jean-Lino frappe à la porte de ses voisins et révèle qu’il a étranglé sa femme. Comment cette soirée festive s’est-elle transformée en drame ?

Ce roman percutant révèle la complexité des interactions sociales. Yasmina Reza balaye les convenances et dévoile les failles qui se cachent derrière les sourires. Dans une atmosphère théâtrale et cynique, nous sommes emportés par ce roman qui oscille entre satire sociale et drame.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

« Ce ne sont pas les grandes trahisons, mais la répétition des pertes infimes qui est la cause de la mélancolie ».

« On est quelque part dans le paysage jusqu’au jour où on n’y est plus ».

Résister – Salomé Saqué (2024)

Et si nous résistions ?

Dans cet essai parfaitement documenté, Salomé Saqué met en lumière l’extrême dangerosité du Rassemblement national.

Menacée « d’une balle dans la nuque », Salomé Saqué a été identifiée avec plusieurs journalistes, avocats et syndicalistes dans une liste noire largement diffusée sur un site d’extrême droite. Malgré les menaces, avec courage et détermination, elle a décidé de publier cet essai afin de révéler le danger qui pèse sur la démocratie.

À travers des faits précis, Salomé Saqué parvient à nous faire entrevoir les mécanismes qui ont permis la dédiabolisation du Rassemblement national et la normalisation d’un discours haineux dans certains médias. Elle révèle la progression de l’extrême droite dans les urnes mais également dans les idées et offre des pistes de réflexion pour débattre et résister.

Avec un style net et précis, cet essai est un cri d’alarme et s’érige comme une arme de connaissance et de résistance à mettre entre toutes les mains !

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« L’heure d’une nouvelle résistance est venue. Celle d’avant-hier était contre l’occupant nazi, celle d’hier contre le retour de la vieille barbarie de haine et de mépris liée à la nouvelle barbarie du calcul aveugle à l’humanité et du profit déchaîné. la nouvelle résistance est d’abord la résistance de l’esprit aux mensonges, aux illusions, aux hystéries collectives sur lesquelles surfe l’extrême droite en France et en Europe ». Edgar Morin

« Ceux qui peuvent vous faire croire des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités » Voltaire

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».

Germinal – Émile Zola (1885)

Et si nous évoquions un monument social ?

Dans ce roman emblématique du cycle des Rougon-Macquart, porté par une force narrative et un engagement éblouissants, Émile Zola nous propose une plongée suffocante au cœur de la mine.

Jeune machiniste sans emploi, Étienne Lantier arrive à Montsou dans une détresse extrême. Embauché par la Compagnie des Mines, il se mêle peu à peu à la rude existence du coron. Il rencontre des hommes et des femmes qui descendent chaque jour dans la fosse pour survivre. Si le travail des mines est harassant, dangereux pour leur vie et implacable pour leur santé, c’est leur seul moyen de subsistance.

Face au durcissement des conditions de travail et à une baisse des salaires, la révolte gronde. Avec son éducation, son éloquence et sa force de travail, Etienne insuffle aux mineurs l’espoir de se dresser contre la toute-puissance de la Compagnie des Mines. Lorsque la grève éclate, une lutte acharnée commence. Mais jusqu’où ce soulèvement les conduira-t-il ?

Avec cette œuvre noire et glaçante, Émile Zola dénonce l’emprise d’un capitalisme triomphant et les conditions de vie désastreuses des mineurs. Dans ce roman, d’une fureur sociale et humaniste magistrale, il est au sommet de son art.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citations

« Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur »

« L’ouvrier ne pouvait pas tenir le coup, la révolution n’avait fait qu’aggraver ses misères, c’étaient les bourgeois qui s’engraissaient depuis 89, si goulûment, qu’ils ne lui laissaient même pas le fond des plats à torcher. Qu’on dise un peu si les travailleurs avaient eu leur part raisonnable, dans l’extraordinaire accroissement de la richesse et du bien -être, depuis cent ans ? On s’était fichu d’eux en les déclarant libres : oui, libres de crever de faim, ce dont ils ne se privaient guère. ça ne mettait pas du pain dans le huche, de voter pour des gaillards qui se gobergeaient ensuite, sans plus songer aux misérables qu’à leurs vieilles bottes. Non, d’une façon ou d’une autre, il fallait en finir, que ce fût gentiment, par des lois, par une entente de bonne amitié, ou que ce fût en sauvages, en brûlant tout et en se mangeant les uns les autres. Les enfants verraient sûrement cela, si les vieux ne le voyaient pas, car le siècle ne pouvait s’achever sans qu’il y eût une autre révolution, celle des ouvriers cette fois, un chambardement qui nettoierait la société du haut en bas, et qui la rebâtirait avec plus de propreté et de justice »

Le roman d’un bas-bleu – Georges de Peyrebrune (1892)

Et si nous révélions le destin d’une femme aux prises avec le milieu littéraire parisien ?

Eduquée selon des principes vertueux et moraux, Sylvère accepte un mariage de convenance dès sa sortie du couvent. Ce mariage malheureux la conduit à Paris, où elle sera obligée de vivre de sa plume.

Confrontée à la violence masculine, elle devra osciller entre ses ambitions littéraires et sa morale. Dans ce milieu bourgeois, une femme ne peut s’accomplir que par l’intermédiaire de son mari ou de son amant. Sylvère comprend vite qu’elle doit user de ses charmes ou de son corps pour réussir. À Paris, elle retrouve Paul, son premier amour, qui lui propose de sceller une promesse qui risque d’ébranler son mariage. Sa vertu parviendra-t-elle à faire face aux assauts des hommes ?

Portée par une plume fluide et lumineuse, j’ai aimé me plonger à nouveau dans une œuvre de Georges de Peyrebrune. Elle retrace avec virtuosité le milieu parisien élitiste et les entraves rencontrées par les femmes. Si j’ai trouvé la trame narrative plus convenue que dans son autre roman « Victoire la Rouge », j’ai cependant passé un très bon moment de lecture.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citation

« Madame du Parclet n’arrivera à aucune position sérieuse, solide, si elle persiste dans son entêtement, voilà la vérité. Cela est triste, sans doute, mais c’est dans nos moeurs ».

Patronyme – Vanessa Springora (2025)

Et si nous nous interrogions sur notre filiation ?

Avec un style limpide, Vanessa Springora nous entraîne à travers une enquête familiale qui laisse entrevoir un passé trouble.

Au décès de son père, Vanessa Springora s’interroge sur cet homme avec qui elle n’a jamais véritablement tissé de relation. Si elle n’a pas revu son père depuis une dizaine d’années, sa mort brutale fait ressurgir des souvenirs enfouis.

Dans ses affaires, elle découvre une photographie de son grand-père arborant un insigne nazi. Cette révélation sur le passé d’un aïeul qu’elle chérissait remet en cause toute l’histoire familiale. Elle avait toujours pensé que son grand-père, citoyen tchèque, s’était réfugié en France après avoir été enrolé de force dans l’armée allemande. Dans cette enquête pour comprendre les choix de son grand-père, elle explore l’origine de son nom. Jusqu’où cette quête identitaire va-t-elle la conduire ?

Dans un style élégant, Vanessa Springora lève le voile sur une enquête laborieuse et obsessionnelle où elle explore ses origines et tente de comprendre son héritage.

Ma note

Note : 3.5 sur 5.

Citations

« Mais tout a sans doute reposé sur un malentendu : ton père était peut-être un criminel, mais pas plus que ces millions d’hommes pris en otage dans une époque où la soumission était pour la majorité la seule façon de survivre ».

« Dans son roman L’ignorance, Kundera rappelle qu’en espagnol « être nostalgique » s’exprime par le verbe añorar dont l’étymologie est la même que celle du mot « ignorer ». Chez tout exilé, le pire des sentiments serait ainsi l’ ignorance de ce qui se passe dans le pays laissé derrière soi, de ce que deviennent les êtres chers. La nostalgie de ce qu’on n’a pas vécu, de ce qu’on a manqué, en somme »

« Chaque individu, qu’il le veuille ou non, est le dépositaire d’une histoire qui ne lui appartient pas, et dont il ne connaitra jamais que les contours, une histoire estompée par le temps, remodelée par l’obscur fonctionnement de la mémoire, et par les récits qu’on a bien voulu lui en faire ».

Le roman de Jim – Pierric Bailly (2021)

Et si nous évoquions une paternité ?

Dans le décor somptueux des forêts d’épicéas, en plein cœur du Jura, s’épanouit un amour évident, affranchi des liens du sang.

Aymeric, un jeune homme timide et mutique, a enchaîné les contrats précaires parfois à la limite de la légalité. Après un court séjour en prison et une séparation douloureuse avec son amour de jeunesse, il revoit Florence. Malgré la différence d’âge et sa grossesse, leur attraction est une évidence.

À la naissance de Jim, Aymeric prend naturellement la place du père. Même si aucune démarche officielle n’est engagée, il tisse avec l’enfant un lien unique et fusionnel. Avec une profonde émotion, il le voit grandir et participe à son éducation. Lorsque le père biologique refait surface, l’équilibre familial vacille. Aymeric pourra-t-il conserver sa place auprès de Jim ?

Dans ce roman sensible porté par une écriture tout en retenue, Pierric Bailly parvient avec une grande justesse à interroger cette paternité choisie. J’ai été littéralement conquise par ce roman émouvant qui fend le cœur et dont il est impossible de se détacher.

Ma note

Note : 5 sur 5.

Citation

« Depuis sa naissance, je ne vivais qu’à travers ce gamin qui n’était pas le mien, je lui avais tout cédé, ce môme m’avait tout écrasé, il avait annulé chez moi toute ambition professionnelle, il était devenu plus important que tout ce que j’avais connu jusqu’alors, il avait rendu tout le reste sans intérêt ».

Un coeur simple – Gustave Flaubert (1877)

Et si nous évoquions le destin d’un cœur sensible ?

Dans cette courte nouvelle, Gustave Flaubert retrace la vie de Félicité.

Dupée et abandonnée par amour, Félicité se met au service de Madame Aubain. Devenue sa servante, elle s’attache aux enfants de sa maîtresse. Puis, elle témoigne d’un amour maternel pour son neveu. Malgré la solitude qui la ronge, Félicité demeure tournée vers les autres.

Sans éducation, d’un naturel aimant et pieux, Félicité éprouve sans cesse de l’amour pour ses proches. Gouvernante dévouée et maternelle, elle partage la vie de Madame Aubain durant cinquante ans. Son cœur résistera-t-il aux douleurs de l’existence ?

Le destin modeste d’une fille issue de la campagne révèle toute l’abnégation et le courage de cette femme. Écrit pour son amie George Sand, ce conte dévoile toute la sensibilité et la plume merveilleuse de Gustave Flaubert.

Ma note

Note : 4 sur 5.

Citations

« Elle retenait sa douleur, jusqu’au soir fut très brave ; mais dans sa chambre, elle s’y abandonna, à plat ventre sur son matelas, le visage dans l’oreiller, et les deux poings contre les tempes ».

« Les mouvements de son coeur se ralentirent un à un, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine qui s’épuise, comme un écho qui disparaît ».