Madame Hayat – Ahmet Altan (2021)

Et nous vivions avec un étudiant partagé entre deux femmes ?

Issu d’un milieu bourgeois, Fazil a dû s’acclimater à des conditions de vie beaucoup plus modestes suite au décès de son père. Devenu boursier, il doit pour poursuivre ses études de lettres vivre dans une pension. Il évolue dans une ville de plus en plus menaçante, les tensions montent et les espaces de liberté se restreignent.

Dans cette atmosphère asphyxiante, Fazil devient figurant dans une émission de télévision pour gagner un peu d’argent. Lors du tournage, il fait la rencontre de Madame Hayat. Beaucoup plus vieille que lui, sa présence et son charisme le fascinent instantanément. Il est comme emporté par un désir incommensurable. Parallèlement, il fait la connaissance de la jeune et jolie Sila, tout en grâce, elle partage avec lui son amour pour la littérature. Fazil arrive-t-il à choisir entre ces deux femmes à l’opposé l’une de l’autre ?

Un récit qui nous emporte vers l’époustouflante Madame Hayat dans une ambiance sombre et poétique. Au-delà de ce portrait fascinant, Ahmet Altan a écrit ce récit lors de sa détention et livre un portrait bouleversant de la Turquie. Je ne peux que vous recommander cette ode à la liberté emprunte de sensualité.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Citations :

« La vie ne sert à rien d’autre qu’à être vécue. La stupidité, c’est d’économiser sur l’existence, en repoussant les plaisirs au lendemain, comme les avares. Car la vie ne s’économise… Si tu ne la dépenses pas, elle le fera d’elle-même, et elle s’épuisera ».

« J’ignorais alors qu’entrer dans la vie de quelqu’un, c’était pénétrer dans un labyrinthe souterrain, un lieu hanté de magie dont on ne pouvait sortir identique à la personne qu’on était avant de s’y engouffrer. Je croyais encore en la possibilité de traverser l’existence comme un personnage de roman, envoûté peut-être, mais certain de pouvoir sortir du cercle de mes émotions dès que l’envie m’en prendrait »

« La littérature est un télescope braqué sur les immensités de l’âme humaine ».

« Madame Hayat était libre. Sans compromis ni révolte. Libre seulement par désintérêt, par quiétude, et à chacun de nos frôlements, sa liberté devenait la mienne »

Souvenirs des montagnes au loin : Carnets dessinés – Orhan Pamuk (2022)

Et si nous parcourions le monde avec Orhan Pamuk ?

Véritables journaux intimes ponctués de pensées et de dessins, les carnets moleskine accompagnent toujours l’écrivain Orhan Pamuk.

Grand écrivain turc, prix Nobel de littérature, Orhan Pamuk a parcouru le monde grâce à ses projets littéraires. Nous suivons ses pérégrinations entre Florence, Grenade, Venise, New-York, Goa, Milan, Los Angeles ou Lyon… Dans ses carnets il partage son attrait pour les paysages mais il nous livre aussi sa fascination pour sa ville natale : Istanbul.

Au-delà de son admiration pour la nature, il ponctue ses dessins de ses pensées intimes. Il dévoile ses angoisses, ses cauchemars, ses inquiétudes par rapport à la création du musée de l’innocence ou son processus d’écriture. Ainsi, nous suivons son parcours de 2009 à 2021, il jette sur le papier ses doutes par rapport à ses futurs romans « Cette chose étrange en moi » ou « Les Nuits de la peste ».

Nous l’accompagnons ainsi dans ses longues journées d’écriture. En parallèle il témoigne avec force des menaces qui pèsent sur lui ou de ses inquiétudes pour l’avenir de son pays.

Grâce à la lecture de ses carnets, Orhan Pamuk nous permet d’être au plus proche de son imaginaire. Un très bel objet artistique qui nous plonge dans la pensée intime d’un grand écrivain avec qui il est plaisant de contempler la beauté du monde.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Nous n’aimons pas les livres parce qu’ils nous rappellent au monde, mais parce qu’ils nous le font oublier… »

« Nous vivons des moments, le temps passe et le songe que nous appelons notre vie peu à peu s’estompe ».

« J’ai attendu longtemps, espérant que lettres et mots surgiraient d’entre les branches, les feuillages qui tremblaient sous le vent »

La femme aux cheveux roux – Orhan Pamuk (2016)

Entre le conte, le mythe, la légende et la pure vérité, Orhan Pamuk sait parfaitement transporter son lecteur.

La magie de cette lecture fonctionne dès les premières lignes. Le narrateur, le jeune Cem est élevé par un pharmacien gauchiste et une mère aimante. Cependant, il va se retrouver très vite confronté à l’absence de son père.

Afin de gagner un peu d’argent avant d’entrer à l’université, il se fait embaucher par Maître Mahmut, un puisatier.

Il apprend le travail rude d’apprenti puisatier et s’attache peu à peu à son maître qui lui offre une figure paternelle de substitution. Lors de cet été à Öngören, à proximité d’Istanbul, Cem fait la connaissance d’une femme aux cheveux roux, comédienne de la troupe ambulante installée dans le village.

Dès qu’il croise son regard, il en tombe amoureux et fera tout son possible pour la revoir.

L’amour d’été qui se tisse entre le jeune homme et la comédienne se trouve vite balayé par un grave accident survenu sur le chantier. Cet été marquera à jamais la destinée de Cem

Un récit imprégné par les mythes où les rapports entre père et fils sont omniprésents. Le lecteur navigue entre les légendes d’Oedipe, de Rostam et Sohrâb, mais aussi au travers de la destinée de Cem et de la femme aux cheveux roux…

Ce livre nous interroge sur la filiation, la force de la destinée et le poids de la culpabilité.

Véritable conteur, Orhan Pamuk a réussi à me transporter dans la Turquie moderne et a créé une histoire très finement menée.

Entre légende et réalité, Orhan Pamuk nous offre une fable contemporaine envoûtante.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« Plutôt que de nous élever vers le ciel pour atteindre la clarté des étoiles, avions-nous raison de chercher à nous enfouir dans la terre sur laquelle nous étions couchés ? »

« Tout l’univers, je le percevais, mais le penser m’était plus difficile. C’est la raison pour laquelle je voulais devenir écrivain. Je pourrais réfléchir et coucher par écrit toutes les images et les émotions que je n’arrivais pas à exprimer »

« Il t’est impossible d’être libre si tu réfléchis aux conséquences. La liberté, c’est l’oubli de l’histoire et de la morale ».