La plaisanterie – Milan Kundera (1967)

Et si nous évoquions un roman mêlant politique et amour ?

Aujourd’hui, je viens vous parler du premier roman de Kundera « La plaisanterie », publié en 1967 durant les prémices du printemps de Prague.

Dans une Tchécoslovaquie communiste, Ludvik, étudiant et membre du parti vit une idylle de jeunesse avec Marketa. Durant leur correspondance amoureuse d’été, Ludvik lui adresse une carte postale avec une plaisanterie. Ce courrier fait basculer sa place au sein du parti communiste et provoque son exil forcé.

Enrôlé dans l’armée, Ludvik fait la connaissance de Lucie, une jeune fille timide et indécelable. Leur histoire d’amour sombre dans la désolation et s’évapore à jamais.

Des années plus tard, Ludvik revient dans sa ville natale, bien décidé à se venger d’un de ses amis qu’il juge comme pleinement responsable de son exil. Cette vengeance sera l’occasion d’amorcer un retour en arrière sur son existence et sur les grandes rencontres qui ont jalonné sa vie.

Le roman découpé en plusieurs parties, s’articule avec des retours en arrière mais aussi au travers de personnages clés comme Ludvik, Helena, Jaroslav et Kostka. Ainsi, Kundera fait le choix d’un changement fréquent de point de vue ce qui apporte une réelle profondeur et du relief aux personnages.

Au-delà du contexte historique du roman, Kundera nous fait réfléchir sur la question du « monde dévasté » et ces répercussions sur les existences et les actions de chacun. Ce roman arrive, avec une grande réussite, à mélanger les genres. Au-delà, d’une réflexion sur les formes d’autoritarisme et sur la politique de l’époque, il interroge sur ses amours contrariés.

Kundera nous évoque également le rapport à la vérité. Notion abstraite et manipulable, elle est pour chacun différente et n’a de cesse de se modifier. Une simple plaisanterie d’un homme inexpérimenté impacte ainsi profondément son rapport aux autres et à lui-même. Durant tout le roman, Ludvik s’extrait très difficilement des forces tant amoureuses que politiques qui ont guidé son existence.

Face à l’absurdité de son destin, Ludvik est enlisé entre ses désillusions et une vengeance bien amère. Un roman existentialiste d’une grande richesse qui m’apparaît comme un classique de la littérature tchèque.

Ma note :

Note : 4 sur 5.

Citations :

« Lidée me vint que cette influence s’exerçait de la même façon que, selon les astrologues, les mouvements des étoiles influencent la vie humaine ; au creux du fauteuil (face à la fenêtre ouverte qui expulsait l’odeur d’Helena) je pensais être venu à bout de mon rébus superstitieux, en devinant pourquoi Lucie avait traversé le ciel de ces deux journées : seulement pour réduire à rien ma vengeance, pour résoudre en brume tout ce qui m’avait conduit ici, car Lucie, cette femme que j’avais tant aimée et qui, inexplicablement, m’avait échappé au dernier monment, était la déesse de la fuite, la déesse de la vaine poursuite, la déesse des brumes : elle tient toujours ma tête entre ses mains ».

« A cet instant, j’ai compris qu’il m’était impossible de révoquer ma propre plaisanterie, quand je suis moi-même et toute ma vie inclus dans une plaisanterie beaucoup plus vaste (qui me dépasse), et totalement irrévocable »

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