Cité dans un de mes romans fétiches, Martin Eden de Jack London, j’avais très envie de découvrir la plume de Joseph Conrad. Ces récits de voyage sont souvent ancrés dans l’univers marin.
Débutons l’œuvre de Joseph Conrad par un recueil de 6 nouvelles « A set of Six » écrites entre 1904 et 1907, période où la créativité littéraire de l’écrivain était foisonnante.
Nous débutons la plongée dans son univers avec Gaspar Ruiz, colosse au cœur tendre épris de la sombre et énigmatique, Erminia. Cette passion amoureuse entraîne le narrateur au cœur de la guerre d’indépendance chilienne. Mélange de force et de courage, le personnage de Gaspar Ruiz est particulièrement envoûtant.
L’indicateur, raconte un entretien entre un collectionneur d’œuvres précieuses et un anarchiste. La traque afin de débusquer le traite d’un groupuscule anarchiste est tissée avec ingéniosité par Conrad dans cette courte nouvelle.
La brute, ce navire fatal et maudit qui provoque morts et tragédies sur sa route. «Famille Apse », ce bateau énigmatique est magnifiquement bien décrit par Conrad. J’ai trouvé dans cette allégorie maritime, l’écriture que j’imaginais. Compteur marin, Conrad nous transporte avec brio.
Un arnachiste, cette nouvelle dresse le portrait d’un forçat enfui de Cayenne dit « l’anarchiste ». Ce bagnard trouve refuge dans une colonie et devient esclave. Cette nouvelle particulièrement cynique est machiavélique.
Le Duel, sans aucun doute, ma nouvelle préférée de ce recueil. Elle nous transporte dans une joute épique opposant deux hussards napoléoniens. Leur duel grotesque les poursuit durant de longues années et les renvoie inlassablement l’un vers l’autre.
Il conte, cette courte nouvelle raconte l’aventure d’un comte dans un Naples fascinant représentant avec perspicacité le dicton napolitain « Vedi Napoli e poi mori », « Voir Naples et puis mourir »
Joseph Conrad dresse des portraits multiples et plonge le lecteur dans des univers variés. Pourtant, une ligne directrice semble réunir ce recueil : les personnages sont tous aux prises avec leur propre force qui les plonge peu à peu vers une forme de fatalité tragique.
J’ai apprécié découvrir la plume de Conrad. Ce recueil est une première approche plaisante et j’envisage de me plonger avec délice dans ses romans…
Ma note :
Citations :
« L’esprit d’une génération que le grand fracas des armes ne fit jamais purement militariste, et qui restera juvénile, presque enfantine dans l’exaltation de ses sentiments, naïvement héroïque dans sa foi »
« Son heure était venue, l’heure, l’homme, la nuit noire, la bourrasque traîtresse, la femme fatale qui devaient mettre fin à ses exploits. La brute ne méritait pas mieux. Les instruments de la Providence sont étranges ! Il y a une sorte de justice poétique… »
« Si parmi les noms de votre fils, écrivait-il, j’avais lu celui de Napoléon, de Joseph, voire de Joachim, je vous féliciterais avec plus de cœur. Comme vous avez jugé bon de lui donner les noms de Charles-Henri-Armand, je me sens confirmé dans mon opinion que vous n’avez jamais aimé l’Empereur. La pensée de ce héros sublime enchaîné sur un rocher au milieu de l’Océan sauvage enlève si bien pour moi toute saveur à la vie, que je recevrais avec une véritable joie votre ordre de me brûler la cervelle. Je considère que l’honneur m’interdit le suicide. Mais je conserve un pistolet chargé dans mon tiroir »