Le Joueur – Fiodor Dostoïevski (1866)

Qu’est-ce qu’une passion ?

Dostoïevski nous décrit avec virtuosité les désirs qui dépassent tous les autres. Le sujet d’une passion est comme happé, transcendé, incapable de résister à cette force obscure et saisissante.

« Partout, je ne vois que vous, explique le narrateur à Polina, le reste m’est indifférent ».

Dans le joueur Dostoïevski dévoile la confession d’un homme, Alexis Ivanovitch, tiraillé entre deux passions : le jeu et l’amour.

Alexis Ivanovitch, précepteur, navigue dans une famille bourgeoise. Le « Général », un veuf fou amoureux d’une femme vénale, Mme Blanche, n’a qu’une seule idée en tête : l’épouser. Pour cela, il attend impatiemment l’héritage de sa tante « la Grand-mère ».

Alexis est épris de Polina, la belle-fille du Général. Et pourtant, elle n’a de cesse de le mépriser et semble éperdument amoureuse de « De Grieux », un français distingué auquel le Général doit beaucoup d’argent.

La fameuse « Grand-mère », personnage haut en couleur au franc-parler et au tempérament de feu, va apparaître brusquement dans le récit. Tel un coup de tonnerre, bien vivante, elle heurte l’harmonie familiale et vient remettre en doute les perspectives d’un héritage proche.

Lors de son séjour elle se rendra, sous l’hébétement de sa famille, au Casino. Elle retombera alors en enfance et sera complètement happée par la force du jeu et du hasard. Obnubilée par la « roulette », elle finira par dilapider peu à peu l’héritage promis.

Alexis Ivanovitch sera lui aussi entrainé par l’emprise des jeux d’argent. Cette fascination des jeux de hasard finira par faire basculer son avenir.

Si j’ai été transportée par cette analyse fine des mécanismes qui emportent vers le jeu, malgré tout, ce récit n’a pas détrôné la place particulière de « Crime et Châtiment » dans mon coeur.

En effet, je ne peux que vous contraindre à aborder l’univers de Dostoïevski au travers de « Crime et Châtiment ». L’analyse du psychisme et des causes qui amène au meurtre laisse sans voix. « Crime et Châtiment » demeure le livre indélébile de mes mémoires de lires.

En tout état de cause, quel plaisir de retrouver Dostoïevski et sa plume de génie. Dans cette confession saisissante, il reprend l’héritage du romantisme russe et révèle les forces indomptables des passions sur l’être humain.

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Citations :

« Pourquoi et comment je vous aime – je n’en sais rien. Vous savez que, peut-être, vous n’êtes pas belle du tout ? »

« Que m’importe votre colère ! J’aime avec désespoir, et je sais que plus tard je vous aimerai cent fois plus. Si je vous tue un jour, il faudra bien que je me tue aussi. Alors je me tuerai le plus tard possible, afin de ressentir cette souffrance atroce sans vous »

« Le jeu brûle tout. Il est la passion. Il est le rêve. L’enfer et la démesure. Le révélateur des abîmes de l’âme et l’ignoble concentré de la comédie bourgeoise. Il est l’argent ! »

Le portrait de Dorian Gray – Oscar Wilde (1890)

Et si nous parlions d’un livre qui reste gravé dans nos mémoires ?

Oscar Wilde nous livre le portrait de Dorian Gray, un visage d’ange et une beauté sans égal qui inspirent pour son entourage une moralité exemplaire.

Un célèbre peintre, Basil Hallward, voulant immortaliser cet être parfait, va réaliser son portrait…

Dorian Gray fera le voeu atypique, et pourtant si cher à l’être humain, de conserver inaltéré cette beauté divine et la quintessence de sa jeunesse.

Ce miracle fantastique se réalisera et le jeune homme restera beau et angélique tandis que son portrait matérialisé dans l’oeuvre artistique ne cessera d’être altéré par le temps, par l’âge et par la perversion de l’âme de Dorian Gray…

Oscar Wilde dresse le portrait d’un homme rongé par ses vices, enseveli dans sa perversité, une âme altérée sous des airs de perfection.

On dit souvent que l‘habit ne fait pas le moine, dans ce récit d’une très grande profondeur, Oscar Wilde dessine, avec brio, un portrait sur les apparences et les faux semblants.

Mais il s’agit aussi d’une amitié liant Henry, Dorian et Basil. Basil idolâtre et peint Dorian, Henry influence Dorian et Dorian est emporté par un narcissisme exacerbé. Cette amitié qui lie les trois hommes semble parfois conduire aux sentiments amoureux avec une très grande sensualité…

Entre les lignes, Oscar Wilde dévoile à son lecteur autre chose, son propre portrait. Condamné pour « grave immoralité » en raison de son homosexualité, son propre père avait porté plainte contre lui à cause de son orientation sexuelle. Censuré et perçu par la critique de l’époque comme un roman décrivant une débauche homosexuelle, ce livre nous dévoile aussi tout le combat d’Oscar Wilde…

Il est difficile d’exprimer ce qu’on ressent face à un tel chef d’œuvre de la littérature.

Une merveille stylistique, une prouesse d’écriture, une œuvre profonde sur l’humanité, les vicissitudes de l’être humain et ses controverses.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Coup de ❤

Citations :

« Tout portrait qu’on peint avec âme est un portrait, non du modèle, mais de l’artiste. le modèle n’est qu’un hasard et qu’un prétexte. Ce n’est pas lui qui se trouve révélé par le peintre ; c’est le peintre qui se révèle lui-même sur la toile qu’il colorie »

« Le seul moyen de se délivrer de la tentation, c’est d’y céder. Résistez-y, et votre âme languira, tourmentée »

« Il y a toujours quelque chose de ridicule dans les émotions de ceux que nous avons cessé d’aimer »