Vous connaissez sans doute Bernhard Schlink, célèbre écrivain allemand qui avait publié en 1995, le roman « Le liseur », ce livre incontournable qui nous raconte le destin d’Hanna et à travers son regard celui de l’histoire.
Ce livre m’avait profondément marquée. Je vous invite à vous jeter sur ce roman si ce n’est pas déjà fait…
Alors quand j’ai découvert lors de mes errances littéraires, ce recueil de nouvelles de Bernhard Schlink intitulé « Amours en fuite », j’ai forcément été happée.
Ce recueil articulé autour de sept nouvelles nous raconte le parcours de sept hommes mais surtout des rencontres avec des femmes courageuses, lucides, hors du commun, rêvées ou ancrées dans le réel…
Qu’il s’agisse de la petite fille au lézard figure d’un tableau familial qui n’a de cesse d’obséder et de fasciner le narrateur. Cette oeuvre conservée dans le bureau de son père et représentant une jeune fille au lézard bouleverse son fils depuis sa tendre enfance. Ce tableau semble cacher tous les secrets de famille et cet homme tentera de découvrir ce qui se cache derrière ce portrait énigmatique.
Qu’il s’agisse de cette femme communiste et révolutionnaire, vivant dans un Berlin Est meurtri et en quête de liberté qui rencontrera un berlinois de l’Ouest. Leur relation nous transportera dans un trio amoureux rempli de trahisons et d’engagements politiques…
Ou encore de cette femme que le narrateur connaissait depuis toujours, marié à elle depuis des années il croyait la connaître par coeur. Et pourtant… A sa mort, il découvrira la face cachée de cette épouse qui lui semblait si transparente mais surtout cet autre qui n’est pas lui…
Et ces femmes au fort tempérament qui ont jalonné la vie d’un homme infidèle qui a jonglé avec plusieurs vies et a fini par s’étourdir…
Ou bien la femme de la station-service, femme chimérique qui semble pouvoir faire tout basculer dans la vie d’un homme…
Chacun des personnages masculins semble se débattre avec ses silences, ses secrets et ses mensonges.
Des nouvelles profondément humaines qui viennent retracer le destin de ces hommes et de ces femmes qui se rencontrent, s’aiment ou se croisent dans une Allemagne marquée par la guerre et la Shoah.
J’ai apprécié ce recueil que je ne peux que conseiller aux amateurs de nouvelles.
La densité de certains récits pourrait même les transformer en romans. Pour ma part, j’ai passé un agréable moment avec une envie de prolonger certaines nouvelles…
Un recueil que je n’ai pas trouvé aussi bouleversant que le roman « Le liseur » mais dont la qualité littéraire et la force narrative demeurent très intéressantes.
Ma note :
Citations :
« Il ôta les rides du visage de Sarah pour retrouver son visage d’enfant. Il le contemplait avec bonheur, lorsqu’une vague de jalousie l’envahit. Jamais il ne connaîtrait Sarah dansant pour la première fois, montant pour la première fois à bicyclette ou découvrant la mer. Son premier baiser, sa première étreinte, c’étaient d’autres qui les avaient eus ; et dans les rituels de sa famille et de sa religion elle avait un monde et un trésor qui lui seraient toujours fermés ».
« Le pire, ce serait qu’un jour les garçons épousent une femme qui ne soit pas juive. Il ne sut que dire ni que penser. Ce que Rachel venait de dire, était-ce la même chose que si, pour lui, le pire avait été que son fils épouse une femme qui ne soit pas allemande, pas aryenne, une Juive, une Noire ? Ou bien s’agissait-il uniquement de religion ? »
« A quel moment est-on obligé de s’avouer qu’une dispute n’est pas une simple dispute ? Qu’elle n’est pas un orage après lequel le soleil brille à nouveau, ni une saison pluvieuse à laquelle succédera le beau temps, mais le mauvais temps normal ? Que se réconcilier ne résout rien, ne règle rien et ne fait que traduire l’épuisement et instaurer un répit plus ou moins long, au terme duquel la dispute reprendra ? »
« Peut-on tomber amoureux de l’autre une seconde fois ? Est-ce qu’on ne le connait pas beaucoup trop bien ? Tomber amoureux ne suppose-t-il pas qu’on ne connaisse pas l’autre, qu’il ait encore des plages blanches sur lesquelles on puisse projeter ses propres désirs ? »